Chanter pour sortir de la crise : et si la cigale avait rais
Le Conseil économique, social et environnemental préconise de favoriser la pratique du spectacle vivant, considérée comme créatrice de lien social. Mais pour l’instant, les inégalités face à la culture progressent.
Vivent le théâtre, le chant, le cirque… Ce 24 septembre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) publie son avis «pour une politique de développement du spectacle vivant : l’éducation artistique et culturelle tout au long de la vie». «C’est un projet de société, dans ces moments de crise, que de montrer tout ce que l’éducation culturelle peut apporter au-delà de l’enjeu culturel. Il y a un enjeu de médiation et de re-médiation», explique Claire Gibault, la rapporteuse de l’avis. Conseillère au CESE, Claire Gibault, est chef d’orchestre de profession et fortement engagée dans plusieurs projets qui combinent les dimensions sociale et artistique. Et c’est ce principe de base qui détermine les directions prises par le CESE, dans son avis. D’une part, le principe d’une formation artistique tout au long de la vie, et dans tous les lieux de la société, à l’école, mais aussi dans les prisons, les entreprises ou les résidences pour personnes âgées. D’autre part, le choix du spectacle vivant. «Il débouche sur des pratiques artistiques collectives qui favorisent le mieux vivre ensemble, la mixité sociale», analyse Claire Gibault. Le CESE préconise donc de mettre l’éducation artistique et culturelle au coeur du système éducatif, dès la maternelle, notamment en encourageant la participation des parents, la création de lieux dévolus au spectacle vivant dans les établissements scolaires, la mise en place de chorales dans les collèges, le développement de l’intervention des artistes du spectacle vivant dans le système éducatif. Sur ce point, le CESE propose, en particulier, d’augmenter le nombre d’heures annuelles que les intermittents du spectacle peuvent consacrer à ces missions. Au-delà du système éducatif, le Conseil encourage le développement des interventions d’artistes à l’hôpital, et propose même de rendre obligatoire les activités culturelles dans les prisons. Par ailleurs, Claire Gibault préconise de «redynamiser la pratique amateur, la vie associative, (…) car c’est le vivier de tous les publics, là où se passe cette vraie mixité sociale».
Éparpillement et blocages
C’est, pour la rapporteuse de l’avis, l’une des clés pour résorber des inégalités sociales «scandaleuses» en matière de pratiques culturelles. Et la situation empire, d’après les données collectées par le CESE. En 1973, 46% des ouvriers avaient fréquenté un équipement culturel au cours de l’année précédente. Ils ne sont plus que 35 % en 2008. Pour ce, divers blocages sont à lever : «il y a un problème de financement, mais aussi un manque de considération», analyse Claire Gibault, notant que c’est un sous-bureau qui est chargé de traiter le sujet de la pratique amateur, au ministère de la Culture. Ailleurs, au ministère de l’Éducation nationale, «on manque d’évaluation des dispositifs existants, de statistiques. Il y a beaucoup de bonnes initiatives, de dispositifs, mais ils ne sont pas répertoriés, pas généralisés», regrette Claire Gibault. D’après le rapport du CESE, ces dispositifs ne concernent qu’un maximum de 20 % des élèves. Plus globalement, en matière de politique publique, « il y a un manque de coordination flagrant entre les ministères concernés» par la pratique culturelle, ajoute la rapporteuse. Le phénomène se constate aussi au niveau du financement. Pour l’essentiel, ce sont divers échelons de collectivités locales et le ministère de la Culture qui contribuent. «L’ensemble de ces politiques d’éducation artistique et culturelle manque de coordination. De plus, elles se heurtent à des compétences culturelles différentes entre communes et intercommunalités, et une gestion séparée des temps scolaire, périscolaire et extrascolaire», analyse le CESE.