Changement climatique : quelles pistes dans les Hauts-de-France ?

Inondations, canicules, retrait-gonflement d’argile… des solutions existent pour faire face aux dommages climatiques, et ce malgré un surcoût évident. Chercheurs, architectes et collectivités témoignent.

Rencontres de l'éco-transition, avec Elise Debergue du Cerdd, Delphine Dezobry du Croa, Alain Bavay du Pôle métropolitain de l'Artois et Emmanuelle Leveugle du département du Pas-de-Calais.
Rencontres de l'éco-transition, avec Elise Debergue du Cerdd, Delphine Dezobry du Croa, Alain Bavay du Pôle métropolitain de l'Artois et Emmanuelle Leveugle du département du Pas-de-Calais.

5000 foyers touchés lors des inondations du Pas-de-Calais durant l’hiver 2023-2024, avec une partie des habitants qui n’ont pu revenir chez eux. Un phénomène inédit lié à l’évolution du climat. Il faut dire que 63% des communes des Hauts-de-France sont aujourd’hui exposées au risque climatique (source Cerdd, Centre ressource du développement durable) : inondations continentales, submersions marines ou « gonflement-retrait d’argile ». Entre 1955 et 2022, la région a enregistré un réchauffement de 2,3 degrés, une hausse de 10 cm du niveau de la mer, -31 jours de gel, avec des épisodes intenses de pluies et de canicule. Si rien n’est fait, il y est prévu une hausse de 3,7 degrés d'ici 2100, soit le scénario du pire.

Un plan national attendu à l’automne

Dans ce contexte, depuis les années 2000, la France propose des mesures d’adaptation afin de limiter les impacts du changement climatique. Selon Guillaume Dolques, chercheur au sein de I4C, l’Institut de l’économie pour le climat, « l’adaptation, qui permet de gérer l’inévitable, est complémentaire aux actions d’atténuation (baisse des émissions de gaz à effet de serre…) qui tentent d’éviter l’ingérable ». Et de recommander le PNACC3, le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique, attendu pour l’automne 2024, avec un certain nombre de recommandations à l’attention des territoires.

Vision holistique dans le bâtiment

Le secteur du bâtiment concentre souvent l’attention en matière d’adaptation. Lors des Rencontres de l’éco-transition le 4 juillet dernier au CD2E, Centre de de déploiement de l’éco-transition dans les entreprises et les territoires, basé à Loos-en-Gohelle, Delphine Dezobry, vice-présidente du Conseil régional de l’Ordre des architectes des Hauts-de-France souligne « la nécessité d’avoir pour chaque opération immobilière, une vision holistique qui intègre tant l’échelle urbaine que celle du bâtiment ». Ainsi, pour faire face aux risques d’inondations à l’échelle du plan masse, il faudra penser à limiter l’imperméabilisation des sols, assurer un drainage efficace des terrains, implanter le bâtiment en fonction des ruisseaux. À l’échelle du bâtiment, il s’agira d’utiliser des matériaux résistants à l’eau pour la partie basse, prévoir des entrées et sorties sécurisées en cas d’inondations. Idem en cas de canicule : l’utilisation d’isolants naturels comme le lin dans un bâtiment pour plus de confort l’été et en hiver, doit être associé à plus d’ombrage et de nature dans le quartier.

Chantier Bâtilin en cours sur Bourbourg en remplissage de poteaux poutre béton avec des briques de lin.

Mais s’adapter peut coûter cher. Selon Guillaume Dolques, il faut compter plus de 2 à 5% dans le neuf, plus de 10% dans l’ancien. « Mais ces surcoût sont à comparer aux coûts à éviter en cas de canicule ou d’inondation qui rendent les logements invivables et peuvent inciter les locataires à ne plus payer leurs loyers », réagit Frédérique Seels, directrice du CD2E, « Nombreuses sont les aides financières pour faire face à ces surcoûts, via la Banque des Territoires, le Fond Vert ou le Feder ». Et pour Alain Bavey, président du Pôle métropolitain de l’Artois, « l’adaptation peut être considérée comme un vecteur du développement économique car cela pousse être plus inventif et créatif ».

La marge de manœuvre des départements

Le rôle des collectivités en matière d’adaptation n’est pas en reste, comme en témoigne Emmanuelle Leveugle, conseillère départementale du Pas-de-Calais : « Nous mettons à disposition des petites communes une ingénierie pour lutter contre l’effondrement de la biodiversité. Et 3,3 millions d'euros ont été investis dans un nouveau remembrement de huit communes rurales : plantation de 50 km de haies et de 2 hectares de bandes enherbées, avec création de nouveaux fossés ». Histoire d’éviter les erreurs des remembrements passés qui ont conduit à arracher des haies pour la création de grandes parcelles, empêchant l’eau de bien s’infiltrer.

Évolution du climat et exposition aux risques dans les Hauts-de-France. Source : CERDD