Recrutement

Ces Sherlock Holmes des CV...

Les postulants à un emploi n’hésitent plus à «améliorer leur CV» quand il s’agit de se vendre. Ajoutez-y la pratique des «faux diplômes», en vogue. Il n’est donc pas irréaliste pour le recruteur de vérifier le parcours d’un candidat à un poste. Faire appel à un détective privé ? C’est possible…
en respectant la loi.


Face aux profils tronqués, le marché de la vérification de CV est en expansion.© D.R.
Face aux profils tronqués, le marché de la vérification de CV est en expansion.© D.R.

Dans le cadre d’un recrutement, la recherche d’informations sur un prétendant à un emploi peut s’avérer indispensable. En effet, si la bonne foi du demandeur d’emploi est a priori acquise, certains postes stratégiques, impliquant des degrés de responsabilités élevées, n’excluent pas le contrôle des informations fournies. De la vérification de CV à une enquête de moralité, les entreprises peuvent avoir recours aux services de détectives privés (ou agents de recherches privées) pour mener des enquêtes de pré-embauche. Ces pratiques, encadrées par la loi, sont à utiliser avec précaution. On estime à quelque 1 000 professionnels officiant en France dans ce domaine. Les recruteurs le constatent au quotidien : plus de la moitié des CV comportent des anomalies entre fausses expériences à l’étranger, rémunérations gonflées, responsabilités exagérées, périodes de chômage maquillées en activité… Pas un hasard si le marché de la vérification de CV est en pleine expansion. Également tendance : le faux diplôme, lequel n’a rien à envier à l’authentique. Postes de direction, cadres, commerciaux, RH, métiers de la finance sont parmi les CV les plus ciblés. C’est un constat dans notre pays : les postes considérés comme peu stratégiques sont peu contrôlés. Les recruteurs en restent souvent au diplôme et au niveau de compétence. L’authentification de l’expertise du candidat, comme les mises en situation, reste marginale. Au final, on s’en tient à l’entretien déclaratif. À savoir : la fourniture de renseignements inexacts par le salarié lors de l’embauche ne constitue une faute susceptible de justifier un licenciement que s’il est avéré qu’il n’avait pas les compétences effectives pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté. Seules les manœuvres frauduleuses peuvent entraîner l’annulation du contrat de travail, comme le défaut d’un diplôme pour une profession réglementée. Pousser plus loin l’investigation n’est pas très développé en France, contrairement aux États-Unis, à la Suisse, à l’Allemagne. L’appellation légale «agent de recherche privée» rappelle que la profession n’a rien à voir avec la police, activité de service public. Les détectives sont le plus souvent des indépendants à la tête - ou non - de leur propre agence. 1 200 agences sont recensées sur le sol hexagonal.

L’IA, nouvelle donne

Qui dit métier réglementé dit formation obligatoire pour y accéder. Il en existe quatre : deux licences professionnelles, dans les universités d’Assas à Paris et à Nîmes. Et deux écoles, l’Esarp dans la capitale, et l’Ifar à Montpellier. Ouverts aux profils bac +2 et plus, ces cursus durent un an, avec un stage. Ils permettent ensuite de se lancer. Le cœur du métier, c’est le terrain et une connaissance du droit. Sous l’angle du recrutement, l’agent de recherches privées, mandaté par une entreprise, évolue sur un fil : il ne s’agit pas de tomber dans le voyeurisme, ni dans l’atteinte à la vie privée. Qui plus est, le candidat doit être informé, en amont, des investigations. La recherche d’informations passe notamment par le web, les réseaux sociaux, les registres prud’homaux, les articles de presse, les contacts avec les anciens collègues ou employeurs. En somme, la recherche se centre sur les motifs de départ d’une précédente entreprise ou les éventuelles procédures prud’homales engagées. Les moyens peuvent déborder du cadre légal pour tout vérifier : contacter administration fiscale, police, banque, renseignements généraux, se procurer le casier judiciaire, utiliser les filatures. De toutes les manières, les informations recueillies doivent respecter un principe de pertinence quant à l’emploi sollicité. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a édicté des principes en forme de ligne rouge, la législation réprimant sévèrement les dérives. En termes de recrutements, le numérique, l’Intelligence Artificielle, a ouvert une porte nouvelle sur ces «tricheries».
À l’heure où beaucoup de recrutements se font en ligne, via visioconférence, il devient banal de mettre un filtre caméra en distanciel, de photoshoper sa photo sur son CV. Pas simple pour le recruteur de démêler le vrai du faux, le factice du réel. La frontière avec le virtuel est mince. Recruter un collaborateur n’est pas sans risque. C’est un pari, un investissement, pour le chef d’entreprise. Rater la marche peut avoir des conséquences sur le collectif et bien sûr financières. L’idée d’un détective privé n’est pas là superflue.