Ces seniors, force pour l’entreprise...

Est-il vraiment indispensable de reculer l’âge de la retraite ? Nous dirions que ce choix n’est pas une option. La démographie étant ce qu'elle est, le nombre d’actifs décroît régulièrement. À partir de ce postulat, le déficit est amené à se creuser à partir de 2023, pour atteindre entre 20 et 30 Mds€ en 2030. Est-il donc essentiel de travailler plus ? Cette question sociétale d’enjeu majeur mériterait, justement, un vrai débat qui irrigue la société, au-delà des dogmatismes, des postures, des idéologies, des prés carrés, des orthodoxies, des chicaneries politico politiciennes. Cela n’en prend pas le chemin, notre pays ayant rarement l’habitude de débats apaisés sur ce type de sujets… On peut le regretter, car celui-ci engage les générations futures. Pour garder a minima l’équilibre de notre système de retraite par répartition, on ne voit guère que trois solutions : faire payer davantage les retraités, augmenter les cotisations vieillesses - payées à 60 % par les employeurs et à 40 % par les salariés - générant une perte de pouvoir d’achat et de compétitivité quand notre niveau de prélèvement obligatoire est le plus élevé d’Europe, repousser l’âge de départ à 65 ans d’ici 2030. Quant à ce dossier maintes fois repoussé ou travaillé à la marge, et jamais en profondeur, souvent, il faut bien le dire, par manque de courage politique, le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a pointé un dossier dans le dossier : l’emploi des seniors. Car, c’est un mal endémique de notre pays, un de plus, que son taux d’emploi sur cette catégorie de salariés. S’il augmente en continu d’année en année, il reste toutefois dans le bas du classement des pays de l’Union européenne : en 2020, il était de 53,8 % contre une moyenne de 59,6 % dans l’UE à 27. De son côté, le taux de chômage augmente au fur et à mesure que les seniors prennent de l’âge : de 5,2 % chez les 50-64 ans, il passe à 6 % chez les 55-60 ans, et à 6,9 % pour les 60-64 ans. Selon une étude Apec/Pôle emploi, parue en début d’année, les seniors restent au chômage plus longtemps après 55 ans (771 jours en moyenne) que le reste des demandeurs d’emploi (349 jours environ). D’où le message explicite de Geoffroy Roux de Bézieux : «les entreprises doivent se mobiliser pour l’emploi des seniors.» En matière de gestion de carrière et de formation professionnelle, un salarié est considéré senior à partir de 45 à 50 ans. C’est souvent à ce moment-là qu’il convient de réfléchir et de planifier son évolution de carrière. Parce qu’il a, de par sa trajectoire professionnelle, été amené à occuper plusieurs postes, dans différentes entreprises, un senior aura une capacité d’adaptabilité. De plus, il n’a pas plus d’ambition carriériste, est animé d’une certaine sérénité et se consacrera entièrement à la tâche qui lui est confiée. Son bagage solide, son vécu, ses expériences, sa maturité apporteront à une équipe. Contrairement aux idées reçues, les plus jeunes salariés sont plutôt avides de des connaissances et savoir-faire qu’ils pourront acquérir. Avec un collaborateur senior, l’employeur efface sa crainte de la «génération zapping», de celle qui conduit nombre d’actifs à sauter d’un emploi à un autre dès qu’une offre plus intéressante se présente. Une chose est certaine : à un certain âge, un travailleur n’a plus rien à prouver - ou plus grand-chose -. S’il postule, c’est pour intégrer un poste et y rester. Enfin, pourquoi toujours opposer toujours «jeunes» contre «seniors» ? Savoir dépasser ce clivage de générations, mixer les savoir-faire et les savoir-être, les approches du travail, co-construire une complémentarité entre ces deux phases du cycle de vie d’un salariat : souvent, cela va de pair dans les organisations des entreprises, les plus petites notamment… Ne pas tomber dans le jeunisme absolu et à la mode, en profitant de l’expérience des seniors pour mettre sur les rails les jeunes, un challenge passionnant à relever qui mérite une hauteur de vue et une stratégie managériale sur le long terme...