Ces secteurs qui se préparent à recruter
Chaque année, Pôle emploi réalise une enquête baptisée "Besoin de main-d’oeuvre", qui permet de faire le point sur les besoins de recrutement par secteur d’activité et bassin d’emplois. En Picardie, les résultats de l’édition 2015 sont les plus encourageants depuis au moins cinq ans.
Lancée en 2002, l’enquête “Besoin de main-d’oeuvre” (BMO), initiative de Pôle emploi, est réalisée à l’échelle nationale en coopération avec le Centre de recherche pour l’étude et l’observation (Credoc). Chaque région bénéficie de sa propre enquête. En Picardie, celle-ci a été réalisée entre octobre et décembre 2014 et porte sur l’ensemble des employeurs hors État et administrations publiques, soit au total 54 600 entreprises. Un échantillon de 39 800 établissements a été sélectionné et 27% d’entre eux ont finalement répondu à un questionnaire. L’ensemble a ensuite été redressé par le Credoc pour être représentatif de l’ensemble des employeurs de la région.
Ainsi, l’édition 2015 met en avant l’importance des secteurs des services, du tourisme et de la vente qui prévoient de recruter 14 800 personnes (59% des besoins exprimés), la forte progression de projets d’embauches dans le commerce (+29% par rapport à 2014) et le recul des recrutements considérés comme difficiles (-2 points), où l’offre et la demande ont du mal à se rencontrer. On constate cependant une hausse des besoins saisonniers (+2 points par rapport à 2014). Au total, on comptabilise 40 119 projets de recrutements en 2015, dont 16 030 dans l’Oise (33,8% projets saisonniers et 29,5% considérés comme difficiles), 12 958 dans la Somme (44,9% saisonniers et 34,2% difficiles) et 11 131 dans l’Aisne (47,8% saisonniers et 26% difficiles).
Des recrutements programmés
« L’objectif de cette étude est d’avoir une vision du potentiel d’embauche sur l’année qui vient et mais aussi établir un prévisionnel des recrutements difficiles », explique Didier Parent, chef du service statistiques, études, évaluations et tableaux de bord au sein de la Direction régionale de Pôle emploi.
Si la structure des secteurs qui recrutent n’a pas beaucoup varié ces dernières années, on note cependant une évolution des projets d’embauches entre 2011 et 2015 quelle que soit la taille des établissements interrogés « Il est important de souligner que cette enquête porte principalement sur le prévisionnel du 1er semestre. Il est impossible pour les entreprises de prévoir le nombre de recrutements sur une année complète. Avec le recul on se rend compte que les besoins d’embauches sont plus élevés qu’annoncés », ajoute-t-il. Cette année, les viticulteurs, arboriculteurs salariés et cueilleurs vont être particulièrement recherchés (surtout dans l’Aisne), comme les ouvriers non qualifiés de l’emballage et de la manutention, les professionnels de l’animation socio-culturelle ou encore les aides à domicile.
Les entreprises estiment cependant que les projets de recrutements seront difficiles à satisfaire sur les emplois d’aides à domicile, de viticulteurs, des professionnels de l’animation ou encore des agriculteurs salariés. « Les résultats 2015 sont les meilleurs enregistrés depuis ces cinq dernières années, c’est un signal encourageant », souligne Didier Parent.
Anticiper et adapter
« Cette étude a une application extrêmement concrète » note pour sa part Valérie Lasorne, chef du service Offre de service au réseau. « Les résultats du BMO permettent d’abord à nos conseillers entreprises d’être plus réactifs face aux demandes des différents secteurs et de mieux exploiter leurs besoins. D’autre part, cette enquête est une des clés d’entrée d’identification des besoins en terme de formation », complète-t-elle.
La chef de service observe d’ailleurs les taux de retour à l’emploi des formations déjà proposées et réoriente les programmes si besoin, l’objectif étant de répondre le plus efficacement possibles aux besoins des entreprises. Afin de proposer une offre cohérente Pôle emploi, travaille en partenariat avec le Conseil régional mais également de nombreuses structures. « De l’Éducation nationale à Pôle emploi nous travaillons ensemble pour offrir une stratégie commune de formation qu’elle soit initiale, continue ou en alternance », conclut Valérie Lasorne.
La difficile équation du recrutement dans le secteur de l’aide à domicile
Avec plus de 31 000 salariés et un potentiel de création de 15 000 emplois d’ici 2020 principalement dans le secteur non marchand, les services à la personne restent un domaine porteur. Mais si les candidats sont nombreux, les particularités de ces postes mènent régulièrement à une interruption de contrat, mettant en difficulté les structures comme l’explique Laurence Riou chef de pôle Services aux personnes au sein de l’association médico-sociale Anne Morgan : « Nous devons effectuer un filtrage en amont du recrutement parce que l’on a affaire à beaucoup de personnes qui recherchent absolument un emploi et qui réalisent une fois recrutées que ce n’est pas du tout adapté à leur profil. » Travail le matin, le soir, avec des horaires fractionnés, déplacements réguliers ou encore difficultés à conjuguer vie professionnelle et vie privée sont de sérieux freins à la pérennité des recrutements. Créée il y a 90 ans dans l’Aisne, l’AMSAM s’est dotée dès 1960 d’un service d’aide à la personne qui compte aujourd’hui 230 salariés en CDI, CDD, Emplois d’avenir ou contrats aidés. « Nous avons besoins de recruter pour plusieurs raisons. Il y a d’abord le renouvellement de personnes qui partent à la retraite, ce qui concerne cinq à six cette année et l’année prochaine, mais aussi le remplacement du personnel en maladie. Nous avons un taux d’absentéisme très important qui se situe entre 12 et 14% sur le service », ajoute la chef de pôle. En plus d’un premier filtrage fait par Pôle emploi et des centres de formations type Greta, l’association effectue une première sélection de lettres de motivation, un entretien est organisé de façon à s’assurer de la motivation et compétences du candidat. Le manque de qualification des candidats est l’autre difficulté rencontrée par l’association. Si pendant longtemps on a pensé que le métier d’aide à domicile ne nécessitait pas de qualification particulière, une formation dans ce secteur est devenue petit à petit inévitable. « Nous travaillons avec de l’humain, ce qui demande quelques prérequis indispensables », note Laurence Riou qui a mis en place une Préparation opérationnelle à l’emploi (POE) qui permet d’accompagner le nouveau salarié pendant deux à quatre jours. Ce suivi est assuré par une aide à domicile confirmée qui est chargée de présenter le salarié aux usagers, de lui expliquer le fonctionnement du service mais aussi de s’assurer qu’il correspond bien aux critères requis. « Nous arrivons à recruter, mais il faut faire très attention à nos choix puisque la santé d’autres personnes en dépend », ajoute-t-elle.