Entretien

« Ce qu'on recherche, c'est l'apaisement », Olivier de la Chevasnerie, président de Réseau Entreprendre

Point d'étape pour une fédération qui pousse les murs pour accompagner toujours plus de projets de créations/ reprises d'entreprises, sans déroger à un principe qualitatif porté en étendard. Rencontre avec Olivier de la Chevasnerie, président national de Réseau Entreprendre.

Olivier de la Chevasnerie, président national de Réseau Entreprendre. (c)Udi KIVITY
Olivier de la Chevasnerie, président national de Réseau Entreprendre. (c)Udi KIVITY

2021, une année pas comme les autres ?

Olivier de la Chevasnerie : C'est une année de forte reprise économique, mais marquée par des problématiques de recrutement et d'approvisionnement, des difficultés qui font que la reprise, très forte, devient... violente. Le résultat d’une croissance conséquente après une année 2020 affaiblie par le dur de la crise sanitaire, qui a laissé des traces. Ce qu'on recherche, c'est l'apaisement... Les grands écarts, au niveau social, font toujours souffrir.

Côté lauréats, la crise a-t-elle redistribué les cartes ?

Pas vraiment, il y a eu néanmoins une accélération du nombre de dossiers dits "à impact", autour des activités de proximité, du numérique, de la prise de conscience environnementale... Mais c'est une tendance que l'on observait déjà avant-crise, qui s'est renforcée. Il y a 20 ans, on accompagnait des structures industrielles, au début de la décennie nous avons basculé sur le numérique, et aujourd'hui sur ces sociétés à impact et qui en font un véritable business model, basé sur le social, le sociétal, l'écologie.

Cet "impact" est-il devenu un critère ?

C'est vrai qu'aujourd'hui, nous demandons à tous nos porteurs de projet ou candidat à la reprise d'entreprise de réfléchir à cette notion d'impact, quel que soit le domaine d'activité concerné. Une sorte de sensibilisation, d'acculturation, chez nos lauréats, mais aussi chez nos adhérents. Nous accompagnons d'ailleurs, désormais, en plus des sociétés classiques, les structures créatrices d'emplois qui relèvent de l’Économie sociale et solidaire (ESS) notamment, souvent sous statut associatif.

Avec la crise, Réseau Entreprendre a vu le nombre de dossiers dits "à impact" gonfler. (c)AdobeStock

Vous officiez aussi sur le volet reprise d'entreprise...

Les repreneurs aussi peuvent avoir besoin d'un accompagnement. Comme pour les créateurs, ils devront porter un projet qui génère de la création d'emplois, cinq au minimum. Pendant la crise, les reprises se sont quasiment arrêtées. Les vendeurs, devant des résultats en berne, ont temporisé, et les acheteurs ont essuyé des refus de financement.

Il ne faut pas oublier qu'une reprise nécessite des capitaux plus importants qu'une création, et la crise a augmenté le facteur risque. D'où un réel coup de frein. D'où aussi, aujourd'hui, un franc retour, avec 50% de nos dossiers émanant de repreneurs de PME. Nous le constatons au quotidien, il y a plus de candidats à la reprise que d'entreprises à reprendre, au contraire des TPE. La cession-transmission de PME est un vrai sujet.

Qui sont vos membres ?

Des chefs d'entreprise qui ont envie de transmettre leur expérience. On retrouve énormément d'anciens lauréats, certains sont même présidents d'antennes locales, c'est pour moi une preuve tangible de ce que le Réseau leur a apporté. Être chef d'entreprise, ça s'apprend, et ça se transmet. C'est un savoir-faire, une valeur ajoutée dont Réseau Entreprendre se nourrit. Tous ces dirigeants qui, bénévolement, accompagnent nos lauréats sont des héros...

Qui finance ?

Des fonds privés à 90%. Les frais de fonctionnement sont couverts par les cotisations des membres ou du mécénat. Et nous fédérons un ensemble de banques partenaires pour le volet prêts. Sur les 10% restants, nous bénéficions parfois de l'aide aux associations des collectivités locales, les Régions notamment. Et bien sûr Bpifrance reste un soutien majeur, en participant au fonds de prêts ou en garantissant ces prêts.

En 2022 ?

De la croissance, encore. Pour couvrir ce que nous appelons "les territoires oubliés", via les antennes déjà en place à proximité. Une dizaine d'associations sont déjà mobilisées autour de ce très beau projet.

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Parcours express

  • Olivier de la Chevasnerie, outre ses fonctions de président de Réseau Entreprendre, dirige Sygmatel, grand groupe de services en électricité, sûreté et audiovisuel du quart Nord-Ouest de la France. Issu des rangs du CJD Nantes-Atlantique, il a basculé sur le Réseau en tant que membre, puis administrateur, puis président de l'antenne nantaise pendant quatre ans. De là, il intègre le bureau national, sous la mandature de Gérard Leseur, de 2015 à 2018.
  • En 2018, il est élu président de la fédération internationale.
  • Créé en 1986, par André Mulliez, Réseau Entreprendre ne cesse de s'étendre. Son ambition passe par l'international, avec l'aide à l'ouverture d'antennes à l'étranger. Après la Belgique, le Maroc, la Tunisie, l'Espagne ou l'Italie, de nouvelles implantations sont dans les tuyaux. Objectif : un pays par an...

Propos recueillis par Isabelle Auzias – Tribune Côte d’Azur pour RésoHebdoEco -www.reso-hebdo-eco.com

Un business model pair to pair

Présent dans dix pays via 130 antennes, regroupant quelque 9 000 adhérents, Réseau Entreprendre a accompagné 1 350 entrepreneurs sur le cru 2020. 25 millions d’euros de prêts d'honneur ont été accordés aux 6 000 lauréats déjà suivis.

Réseau Entreprendre, c'est aussi 300 salariés, dispatchés sur l'ensemble des antennes (25 au siège). Pour bénéficier des bons offices du Réseau pendant deux ans, il faudra respecter quelques critères (création de cinq emplois à trois ans, être majoritaire au capital de la structure...).
Une sélection assez drastique des dossiers qui débouche sur des résultats probants post-accompagnement : 90% des structures épaulées par Réseau Entreprendre passent le cap fatidique des cinq ans, créations et reprises mêlées.

Un taux de réussite qu'Olivier de la Chevasnerie explique par la qualité exceptionnelle de l'accompagnement proposé, « via des chefs d'entreprise capables de mobiliser leur écosystème pour soutenir nos lauréats, et qui pendant deux ans vont donner du temps, de l'énergie, du conseil. Un vrai cheminement, très professionnel ».

Des mentors qui s'interdisent toute prise de participation dans les projets épaulés par éthique.
En 2022, opération numérisation en cours : développement et fiabilisation des procédures, pour une meilleure gestion des encours de prêts notamment (100 millions d’euros au compteur). « On s'améliore, on progresse, on grandit... » Dans un contexte économique plutôt porteur.