CCI, fonds de solidarité : avis contrastés de la Cour des comptes
Dans son dernier rapport, la Cour des comptes étrille les CCI et salue la gestion du fonds de solidarité destiné à soutenir les entreprises, mais prévient sur les risques que comporte l’extension du dispositif.
Dans le cadre de son rapport annuel, publié le 18 mars, la Cour des comptes a dressé un bilan positif du fonds de solidarité, mis en œuvre depuis le début de la pandémie pour venir en aide aux entreprises.
«Le succès du fonds de solidarité face à la crise sanitaire est réel», estiment les magistrats financiers.
Au total, rappelle le rapport, ce dispositif, créé très rapidement, a permis de distribuer 11,8 milliards d'euros d'aides à 1,8 million d'entreprises et d'entrepreneurs individuels et indépendants, limitant ainsi l'impact de la crise.
Originellement conçu en mars 2020 pour attribuer un «revenu de survie» aux dirigeants des petites entreprises, il a ensuite été élargi, devenant un outil destiné à «éviter la faillite d'entreprises de plus grande taille, en particulier dans les secteurs de la restauration, de l'hôtellerie, du tourisme, de l'événementiel, du sport et de la culture». Une évolution qui génère plusieurs risques, estime la Cour des Comptes.
En effet, l'élargissement du périmètre du fonds n'a pas été accompagné d'un changement des principes de son fonctionnement. Ce dernier demeure basé sur une quasi-automaticité de versement, reposant sur des informations essentiellement déclaratives. Or, d'après les magistrats financiers, cette évolution «accroît le risque d'un cumul des aides supérieur au préjudice subi et majore le risque de fraude».
Concernant le cumul des aides, la Cour note qu'une entreprise peut bénéficier, en plus du fonds de solidarité, d'un PGE, prêt garanti par l’État, du chômage partiel, de reports d'échéances fiscales et sociales, de fonds de soutien régionaux... Ainsi, par exemple, une entreprise fermée administrativement, qui cumule les aides du fonds de solidarité et du chômage partiel, pourrait améliorer son bénéfice par rapport à l'année précédente, son chiffre d'affaires demeurant stable, quand ses charges diminuent.
Quant aux risques de fraude, toutefois, ils devraient être limités par les dispositifs mis en œuvre par Bercy : renforcement des filtres automatiques de contrôle et traitement sur mesure des dossiers à fort enjeu. Néanmoins, pour les magistrats, il sera nécessaire d'ajouter aux premières mesures, des contrôles a posteriori accrus, assortis de sanctions en cas de fraude.
Des CCI inefficaces ?
L'avis de la Cour des Comptes est beaucoup moins louangeur, au sujet des CCI, Chambres de commerce et d'industrie. Leur viabilité économique est mise en cause, tout comme leur efficacité globale. Et durant la pandémie «si les CCI et les CMA [chambres des métiers et de l’artisanat] ont été mobilisées dès le début de la pandémie de Covid 19, leur rôle apparaît relativement marginal aux yeux des entreprises», pointe le rapport.
Ces organisations se seraient, en effet, cantonnées à diffuser gratuitement de l'information. L'affirmation a suscité une vive réaction de CCI France, pour qui la critique «est perçue par les milliers de chefs d’entreprises élus et de collaborateurs des chambres qui se sont mobilisés sans relâche tout au long de l’année 2020, comme une profonde injustice».
Mais la critique de la Cour a également une portée beaucoup plus structurelle. En effet, d'après le rapport, les CCI seraient très loin de remplir l'objectif qui leur a été fixé il y a deux ans par la loi Pacte. Celle-ci prévoyait une moindre dépendance aux taxes et une restructuration de leur organisation nationale. Or, les actions menées ont été insuffisantes ou mal ciblées, d'après la Cour. En particulier, «les restructurations auraient dû se traduire par une refonte de la carte nationale des établissements. Depuis 2010, le législateur encourage les chambres consulaires à se regrouper en établissements régionaux. Si les progrès sont réels, ils restent insuffisants et surtout très hétérogènes d’une région à l’autre», estiment les magistrats financiers.
Par ailleurs, «la pression financière a conduit les CCI à procéder à des diminutions de leurs effectifs de 28%, entre 2012 et 2018. Mais les fonctions les plus touchées ont été les fonctions emploi et formation et appui aux entreprises, domaines où les CCI souhaitent se développer». Partant, d'après les les magistrats, les CCI n'ont qu'une connaissance «superficielle» des besoins des entreprises. Résultat : les services qu'elles proposent ne seraient pas assez adaptés et attractifs, par rapport à une offre privée qui se développe.
Au total, près de deux ans après la publication de la loi Pacte, le pari est «loin d'être gagné». Un état des lieux – qui concerne aussi les CMA – qui conduit la Cour à considérer comme logique, au nom de la «bonne utilisation des deniers publics», «leur transformation en prestataires de services, financés non plus par une taxe affectée, payée par les entreprises, mais par le produit de l’activité des chambres».