Carburants: la vente à perte voulue pour décembre, des "compensations" pour les stations-service indépendantes

Face à l'inflation persistante, le gouvernement a sorti la carte de la vente à perte de carburants à partir de "début décembre", mais a dû s'engager lundi à accorder des...

Une station-service à Faches-Thumesnil, près de Lille, le 10 août 2023 © Sameer Al-DOUMY
Une station-service à Faches-Thumesnil, près de Lille, le 10 août 2023 © Sameer Al-DOUMY

Face à l'inflation persistante, le gouvernement a sorti la carte de la vente à perte de carburants à partir de "début décembre", mais a dû s'engager lundi à accorder des "compensations" aux stations-service indépendantes qui étaient inquiètes.

La vente à perte devrait durer "six mois" et "ce sera effectif j'espère le 1er décembre puisque le texte de loi (sur les négociations commerciales entre producteurs et distributeurs, NDLR) sera examiné à l'Assemblée début octobre", a affirmé lundi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur France 2.

Elisabeth Borne avait annoncé la mesure samedi, levant un vieux tabou, puisqu'elle est interdite en France depuis 1963. Le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 27 septembre, a confirmé Bercy à l'AFP.

L'éventuelle légalisation temporaire de cette vente à perte fait craindre aux petites stations-service une concurrence trop forte des grandes surfaces. 

Cette disposition n’est "économiquement pas viable pour les distributeurs indépendants, qui ne pourront pas compenser les pertes sur cette activité par des autres recettes - notamment les produits alimentaires", a indiqué lundi dans un communiqué le syndicat professionnel Mobilians, représentant 5.800 stations-service hors grandes surfaces.  

Ces indépendants, qui ne pourront pas mettre en place la vente à perte, craignent non seulement de voir alors leurs clients faire leur plein dans les grandes surfaces mais aussi de subir "automatiquement une baisse des activités annexes, économiquement rémunératrices (lavage, boutique, etc.)", explique Mobilians, dénonçant un "véritable déséquilibre" entre les acteurs aux "effets dévastateurs".

- Compensations "indispensables"-

Face à cette situation, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher et la ministre déléguée chargée des PME, du Commerce et de l'Artisanat Olivia Grégoire ont proposé lundi une réunion d'urgence à Bercy à laquelle participait Mobilians.

A son issue, les ministres se sont engagés à mettre en place un "plan d'accompagnement des stations-service traditionnelles", qui comprendra notamment "l'instauration de mesures de compensation", a révélé le syndicat dans son communiqué, se "félicitant" de leur "écoute". 

Ces mesures consisteront en un fonds de compensation "à très court terme, à destination des stations-service indépendantes, afin d'accompagner le secteur pendant les 6 mois d'autorisation de la revente à perte", a précisé Mobilians. 

Sur le long terme, le gouvernement prendra aussi des "dispositions en faveur de la transformation de ces entreprises", via la création d'un fonds de soutien et la pérennisation d'un autre, a ajouté le syndicat, saluant trois "engagements indispensables à la survie et à la transformation" du  secteur.

Très sceptique

Cet été, les prix des carburants sont repartis à la hausse, frôlant deux euros le litre, dans le sillage de l'envolée du pétrole. Et la tendance risque de se confirmer, avec les réductions de production décidées par des pays producteurs.

De nombreux distributeurs ont déjà ces derniers mois vendu du carburant à prix coûtant, ce qui a fait baisser le prix d'à peine quelques centimes. La plupart se sont engagés à poursuivre jusqu'en fin d'année.

Pour autant, la solution évoquée par le gouvernement de la vente à perte pour limiter le coût sur le portefeuille des Français peine à convaincre les députés de l'opposition. 

Le groupe RN (88 députés) y est défavorable, a fait savoir son vice-président Sébastien Chenu sur Public Sénat. Le député LFI Eric Coquerel a aussi émis des réticences, quand Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV, préconise d'autres solutions, sans préciser si son groupe voterait la mesure.

Cette dernière ne convainc pas non plus les économistes, qui doutent de sa réalisation concrète. Francis Perrin, directeur de recherche à l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), table au mieux sur "des opérations exceptionnelles" sur "un mois ou deux" par les grandes surfaces, en fonction des "zones géographiques et des situations de concurrence", mais pas une vente à perte généralisée.

"Je suis très très sceptique", ajoute Patrice Geoffron, professeur d'économie à Paris Dauphine. Avec la vente à perte, le gouvernement fait "un pari de six mois, mais après?", interroge-t-il, constatant "qu'il n'y a aujourd'hui pas grand-chose dans la boîte à outils de la politique publique".

Le cabinet Asteres souligne lui dans une note le risque d'une hausse des prix des autres produits pour "compenser".

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