Dispositif «France 2030»
Cap sur l’industrie verte
Le projet de loi «Industrie verte» vise à déclencher 23 milliards d'investissements sur le territoire, d'ici à 2030. Il s’appuie sur des dispositifs existants, comme «France 2030» et promet de simplifier les démarches pour les entrepreneurs et de développer la formation. Sur fond de concurrence mondiale.
Les ambitions sont affichées. Le 16 mai dernier, à Bercy, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, dévoilaient les grandes lignes du projet de loi «Industrie verte». Ce dernier, présenté le même jour en Conseil des ministres, sera discuté à partir du 19 juin au Sénat, puis mi-juillet à l'Assemblée.
L’arsenal des mesures prévues s’articule autour de deux stratégies «complémentaires», selon Bruno Le Maire. Il s’agit, d’une part, de décarboner l’industrie existante et d’autre part, de développer plusieurs technologies vertes sélectionnées, dites «big five» : pompes à chaleur, éolien, photovoltaïque, hydrogène vert, batteries . «Arrêtons de nous disperser», commente le ministre.
Pour favoriser le développement des projets industriels, le texte vise à lever plusieurs freins existants, à commencer par ceux liés au foncier. «Beaucoup de projets ont échoué car nous n’avons pas trouvé de foncier», avance Bruno Le Maire. A ce titre, le projet contient plusieurs mesures. La première prévoit de pré-aménager et pré-équiper 50 sites (éventuelle dépollution comprise) pour les mettre à disposition des entreprises intéressées. L’opération concerne 2 000 hectares environ et sera financée par la Banque des Territoires (un milliard d‘euros d’ici 2027) dans le cadre du plan «France 2030».
Deuxième mesure, la division par deux des délais concernant les démarches nécessaires pour l’ouverture ou l’agrandissement d’un site. Il s’agit d’un enjeu de concurrence, vis-à-vis de l’Allemagne, par exemple. D’après Bercy, ce délai est actuellement de 17 mois pour la France et 9 mois pour l’Allemagne sur laquelle le gouvernement entend donc s’aligner. Troisième mesure concernant le foncier : la créance environnementale sera relevée au rang de celles privilégiées. Une manière de «financer la dépollution aux frais des entreprises», décrypte Bruno Le maire. D’après Bercy, cela devrait permettre de récupérer environ le quart des sommes nécessaires à la dépollution.
Quatrième mesure, enfin, le texte prévoit la création de projets industriels «d’intérêt national majeur» (comme une gigafactorie) pour lesquels l’État pourra agir par décret. La procédure prévoit une mise en compatibilité plus rapide des documents locaux d’urbanisme et ceux de la planification régionale, des procédures de raccordement électrique accélérées, un permis de construire délivré par l’Etat… «Nous assumons cette procédure d’exception qui doit permettre d’attirer les plus grands investissements», avance le ministre de l’Economie.
Par ailleurs, le texte comporte également une série de mesures destinées à développer les formations, les qualifications des ingénieurs… Il en manque 54 000 dans le champ de l’industrie et de l’informatique à horizon 2030, d’après Bercy. Il s’agit donc d’augmenter de près du quart les places en écoles des Mines télécoms, de féminiser les recrues, mais aussi d’ouvrir des places supplémentaires dans les IUT, les licences professionnelles, les formations en master, la formation continue…
La difficile équation du financement
A l’heure où le «quoi qu’il en coûte» est officiellement banni, Bercy entend utiliser tous les moyens possibles pour financer le projet sans engager de dépenses supplémentaires pour l’État. Pour soutenir le développement des «big five», le crédit d’impôt «investissements industries vertes» est mis en place. Il s’agit d’une nouvelle possibilité de financement conçue par l’Europe, en réponse au plan de subventions américain, l'IRA (Inflation Reduction Act). Cette mesure devrait coûter 500 millions d'euros par an. En regard, Bercy prévoit des mesures qui devraient permettre de compenser la dépense. Avec en tête, l’alourdissement du malus automobile. Il sera déplafonné (il est aujourd'hui plafonné à 50% du prix du véhicule). En outre, ses critères, sur la masse et les émissions de CO2, seront révisés. D’autres mesures seront examinées pour essayer de réduire les dépenses fiscales dites «brunes» (défavorables à l’environnement).
En ce qui concerne le soutien à la décarbonation des industries existantes, plusieurs types d’aides sont prévues. En fait, Bpifrance, la banque publique d’investissement, dispose déjà d’un programme d’aides qui s’adresse aux TPE, PME et ETI industrielles, financé à hauteur de 2,3 milliards d’euros annuels. Garanties vertes, prêts verts, subventions, programmes d’ accompagnements … L’ensemble des aides devraient être conditionnées au fait que les entreprises mesurent leur impact environnemental. Par ailleurs, «il est impératif que le financement ne repose pas seulement sur les deniers publics», ajoute Bruno Le Maire.
L’épargne privée est attendue à hauteur de 5 milliards d’euros au total. L’essentiel (4 milliards) devraient provenir de l’assurance-vie ou de l’épargne retraite. Un nouveau produit d’épargne devrait drainer 1 milliard supplémentaire : le «plan d’épargne avenir climat», qui pourra être ouvert à la naissance de l’enfant et jusqu’à ses 18 ans. Les sommes sont bloquées jusqu’à la majorité du titulaire, avec une rémunération normalement supérieure à celle du livret A, un niveau de sécurité comparable, et des conditions fiscales très avantageuses.
Au total, le plan français, une paille par rapport au plan américain (environ 370 milliards de dollars)? «Nous n’avons pas à rougir de la comparaison avec les USA», estime Bruno Le Maire, rappelant qu’il faut également tenir compte des investissements réalisés dans le cadre de «France 2030» ou des 7 milliards d’euros du crédit impôt recherche... Quoi qu’il en soit, au total, selon Bercy, ces mesures devraient engendrer 23 milliards d’euros d’investissements d’ici 2030 et 40 000 emplois directs.
Par ailleurs, à la même échéance, ces mesures devraient permettre de réduire de 41,5 millions de tonnes équivalents CO2 l'empreinte carbone de la France. Cela correspond à environ 1% de l'empreinte carbone du pays, et à au moins 3 % des émissions associées à la demande finale intérieure de biens manufacturés. Le crédit d'impôt serait de très loin la mesure la plus impactante (baisse estimée de 34,6 millions de tonnes entre 2024 et 2030).