Canal Seine-Nord et multimodalité : l’alliance de l’eau et du fer ?

Les Hauts-de-France voient chaque jour avancer les travaux du Canal Seine-Nord. S’il doit profondément développer les flux de marchandises et donner à la région et à la France de nouvelles cartes dans la crise que l’on affronte, ce projet va profondément booster le report modal. Le point sur une ambition de 5 milliards d'euros et porteuse de 20 000 emplois directs et indirects.

Le projet représente 107 kilomètres, un budget de 5 milliards d'euros et 20 000 emplois directs et indirects. © Bennekom
Le projet représente 107 kilomètres, un budget de 5 milliards d'euros et 20 000 emplois directs et indirects. © Bennekom

C’est le tracé le plus regardé d’Europe du Nord : 107 kilomètres d’ici 2028... Géographiquement, il s’agit d’installer un barreau fluvial de grand gabarit reliant la Seine au Nord de l’Europe.

«Un canal, c’est structurant, explique Pierre-Yves Biet, directeur partenariats territoires Europe de la Société du canal Seine-Nord Europe. Une fois passé la montée en puissance des premières années, le report modal est de l’ordre de 15 millions de tonnes par an contre 3 millions de tonnes aujourd’hui Sur le périmètre du canal, 760 000 camions ne circuleront plus«probablement, un million à terme».

Les marchandises convoyées sont pour un quart des pondéreux, pour un autre quart des céréales, des produits divers conteneurisés pour un cinquième, le reste relevant des secteurs énergétique, sidérurgique ou chimique (notamment depuis les ports de Calais et de Dunkerque). Il s’agit d’élargir l’activité en reliant les régions et leurs infrastructures portuaires (Le Havre, Rouen, Lille, Calais-Boulogne, Dunkerque) à un gigantesque bassin de création de valeur dont le canal sert de vecteur.

Plan de relance européen

Les prévisions de trafics sont issues des diverses études réalisées depuis 2010 : «Tous nos chiffres ont été mis à jour à plusieurs reprises, précise Pierre-Yves Biet. Avec la crise de la Covid, on devra probablement le faire encore. Y compris dans de nouvelles perspectives de financements européens.» 

Si le projet du canal n’est pas éligible au plan de relance français, il peut l’être à celui lancé par la Commission européenne. Des discussions sont en cours entre Etat membres, et les Hauts-de-France doivent tirer leur épingle du jeu.

L’accroissement du trafic, dont les deux tiers générés sont du report, favorisera le trafic fluvial normand : 25% de plus selon les derniers chiffres (2014). 

Dans la région, la Lys, la Deûle, entre autres, connaîtront de profonds recalibrages. Ex-maître d’œuvre du projet, VNF fera un bond de géant en termes d’activité. L’établissement public gère en effet aujourd’hui un réseau où passent en moyenne 6,6 milliards de tonnes par kilomètre de réseau. Avec le canal, il y en aura 7 milliards de plus… Dans la région, le trafic fluvial en 2020 culminait, en baisse de 2%, à 11,5 millions de tonnes (ou 1,3 milliard de tonnes/km).

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Avec ce canal, ce sont 760 000 camions en moins sur les routes. (@alteheia Press / MR)

Axes secondaires, coûts et rapprochement d’opérateurs

L’Etat l’a compris en doublant le budget investissement de VNF ces trois dernières années. L’ancien président de VNF et député du Pas-de-Calais Stéphane Saint-André ne l’espérait plus : «Il était temps. À la faveur du plan de relance, de la convention sur le climat, on est passé de 140 à 310 millions d’euros annuels d’investissement. On a pris un tel retard sur nos voisins européens... Il est heureux que VNF et SNCF réseau travaillent ensemble tant sont grandes leurs complémentarités. Il ne faut surtout pas oublier de travailler les réseaux secondaires. Et le fluvial coûte cher.» Et pour cause : 3 millions d’euros pour une écluse, jusqu’à 50 millions pour un barrage.

Une convention entre SNCF réseau et VNF a été signée en janvier dernier. Elle ne va pas plus loin qu’un engagement réciproque pour une «complémentarité opérationnelle entre les réseaux ferrés et fluviaux et la construction de chaînes logistiques bas carbone. (...) Ce rapprochement stratégique entre les modes ferroviaire et fluvial va permettre à SNCF réseau et VNF de mettre en place une approche et des actions coordonnées pour favoriser une croissance commune de leurs trafics». A suivre sur le chantier...