Canal Seine-Nord : en attendant la fin de la crise ?
Suite aux rebondissements du dossier, un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) est sorti pour réenvisager les paramètres financiers du projet. Explications.
Ce n’est pas une simple question d’argent. A la lecture du rapport du CGEDD, le dossier majeur du canal Seine-Nord montre plusieurs estimations qui étaient vraies jusqu’en 2009/2010 mais dont la valeur a, évidemment, bougé avec l’inflation et les velléités des candidats. Les hauts-fonctionnaires de l’Etat pointent d’abord du doigt le coût de réalisation qui «excède toutes les valuations antérieures de VNF, même les plus récentes». Avec 3,2 milliards en 2006 et 4 milliards en 2009, «la dérive des coûts est manifeste» et motive «les inquiétudes de la tutelle». En 2011, on arrive à 6 milliards, dont 5,4 milliards de coût du contrat de partenariat, 270 millions d’euros de coût direct à la charge de VNF et 320 millions pour les plates-formes. Plusieurs facteurs expliquent cette inflation : «une évolution des prix de construction plus rapide que l’évolution générale des prix depuis 2006» pour 1,6 milliard de hausse ! Les frais financiers intercalaires n’avaient pas été évalués en 2006 : 660 millions d’euros de plus.
De sérieuses critiques sur les estimations du projet. Autre difficulté majeure, la perte −«non confirmée»−d’un des deux candidats dans le dialogue compétitif en août 2012 qui ne contribue pas à faire baisser le prix. Pour autant, un calendrier optimiste avait été maintenu : signature du contrat en 2013 et engagement des travaux au 1er janvier 2014. Prudents à l’excès, les haut-fonctionnaires tablent sur une fourchette totale comprise entre 5,9 et 7 milliards d’euros. Qui paiera ? L’Europe, bien sûr, à qui on a demandé trop peu au départ (à peine 6%). Cette part est montée à 20% et doit s’apprécier encore de 10%. L’Europe paiera mais en piochant dans des enveloppes déjà octroyées à la France. Le Conseil régional pousse ses partenaires à mettre la main à la poche et se prépare à ajouter 20 millions d’euros en plus des 200 millions déjà promis. Sera-ce suffisant pour relancer le projet ? VNF y croit toujours et propose aussi de phaser la construction des plates-formes, tout en espérant signer le contrat à la fin de l’année, pour une construction en 2014 et une livraison des ouvrage entre 2019 et 2020. Le canal Seine-Nord doit créer plus de 5 000 emplois sur le périmètre concerné. Des emplois cruciaux pour amortir quelque peu les impacts de la crise désignée comme principale responsable : les prévisions de trafic réalisés par VNF ont continué à s’appuyer sur un scénario macroéconomique datant de 2005, prévoyant un taux de croissance annuel du PIB de 1,9 entre 2007 et 2020. Et le CGEDD de conclure que «compte tenu de l’ampleur des risques et du caractère procyclique de l’exploitation du projet», ce dernier «ne devrait être mis en œuvre que durant une phase de croissance économique soutenue». Un raisonnement facilement pris à revers par ceux qui pensent que le projet est là pour créer de la croissance. Un rapport pour un enterrement de première classe ?