Campings : «Le potentiel est de 50 milliards d'euros, si on lève des freins»
Premier hébergement marchand des Français en vacances, les campings ont ouvert juste à temps pour sauver la saison. Mais les filières qui dépendent d’eux risquent de pâtir de leur manque d’investissements. Pour l’avenir, la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA) plaide pour une stratégie touristique tournée vers la clientèle de proximité.
Comment se déroule la saison estivale dans les campings ?
Nous allons faire environ – 20 à – 25 % de l’activité sur l’année. Fermés au printemps, nous avons perdu 10 % de notre chiffre d’affaires annuel. Mais les campings restent moins mal lotis que d’autres. Le timing nous a favorisés, car 80 % de notre activité se déroule en juillet et août. Dès le 28 mai, au moment même où le Premier ministre prononçait son discours sur les vacances, les réservations en ligne commençaient ! Le 2 juin, la quasi-totalité des campings étaient ouverts. Aujourd’hui, les taux de remplissage sont très divers. Par exemple, les destinations qui s’en sortent le mieux sont sur le littoral, traditionnellement recherché par les Français. Mais dans certains départements ruraux, comme le Jura ou l’Aveyron, des campings, notamment de petite et moyenne taille, ont connu une dynamique inattendue. A contrario, sur le littoral, certains campings haut de gamme souffrent, car ils comptent normalement 90 % d’étrangers. D’habitude, ces derniers représentent le tiers des nuitées. Mais si une partie des Belges, des Allemands et Hollandais sont revenus, ce n’est pas le cas des Anglais ou des Espagnols, importants pour les campings des Pyrénées Orientales, du Pays Basque ou des Landes. Pour l’essentiel, 2020 sera une année franco-française.
Le secteur va-t-il sortir indemne de la pandémie ?
Au printemps, des campings ont sollicité des dispositifs du gouvernement, comme le chômage partiel et les PGE (Prêts garantis par l’État). Mais c’est maintenant que l’on va commencer à se rendre compte des difficultés. Certains demandent des reports de crédit à leur banque, car ils réalisent qu’ils vont avoir des difficultés financières, que cela ne va pas passer. Il est possible que dans le futur, il y ait des rachats entre campings, mais pour l’instant, ce n’est pas encore visible. Aujourd’hui, notre principale source d’inquiétude, ce sont nos fournisseurs : les campings investissent régulièrement dans les piscines, les aires de jeu… La filière de l’hébergement rapide, les fabricants de mobile-homes, qui représentent 600 millions d’euros et 5 000 salariés n’ont qu’un client : nous. Et nous ne pourrons pas redémarrer sans eux. Nous sommes donc en train de réfléchir avec l’État et Bpifrance pour encourager les campings à investir, ce qui sauverait la filière. Le prêt tourisme Bpifrance, qui prévoit jusqu’à trois ans de différé pour rembourser le capital, devrait inciter les professionnels du camping à investir.
Quelle stratégie touristique préconisez-vous pour l’avenir ?
Si on loupe ce moment, on sera impardonnable : il ne se représentera pas. On le sait peu, mais la France est le pays du camping en Europe. Nous en avons 7 900, soit le tiers des capacités du continent ! Cette crise est l’occasion de revoir la stratégie touristique de la France. Bien sûr, il faut continuer à essayer de conquérir la clientèle extra-européenne, mais il faut surtout redynamiser le tourisme domestique et celui de la clientèle européenne de proximité. En 2019, le chiffre d’affaires des campings était de 2,8 milliards d’euros, mais le potentiel est de 50 milliards d’euros, si on lève des freins, notamment en matière de normes, qui empêchent les petits campings de se développer. Le tourisme est une économie de l’offre. Il faut la créer, dans le cadre d’un tourisme raisonné, qui répartisse mieux les flux dans les territoires. Cela constitue aussi une opportunité pour les petites communes. Dans un bourg, la présence d’un camping, qui apporte deux à trois fois la population du lieu, recrée un tissu économique.