Campagne betteravière : des rendements toujours en baisse dans l'Aisne

À l'occasion de la visite de Fanny Anor, préfète de l'Aisne, la CGB Aisne (Confédération générale des planteurs de betteraves) a présenté la situation de la récolte dans le département en 2024 marquée par des rendements à la baisse. Des points d'inquiétude ont aussi été soulevés quant au Mercosur et aux importations ukrainiennes alors que la possible réintroduction de pesticides néonicotinoïdes récemment ouverte par le Sénat les satisfait.

Guillaume Gandon président de la CGB Aisne et Fanny Anor, préfète de l'Aisne au pôle betteravier de l'Aisne à Laon.
Guillaume Gandon président de la CGB Aisne et Fanny Anor, préfète de l'Aisne au pôle betteravier de l'Aisne à Laon.

La récolte 2024 de betteraves dans l'Aisne est toujours marquée par une baisse de rendements, observée depuis plusieurs années. C'est l'un des principaux enseignements de la présentation faite à la préfète Fanny Anor, mardi 28 janvier, par Guillaume Gandon, président de la CGB Aisne et Emmanuel Pigeon, directeur régional de la CGB Hauts-de-France. «La moyenne française de rendements de la betterave s'établit cette année en France autour de 80 tonnes quand dans l'Aisne, elle sera de 74 tonnes, explique le second. La moyenne départementale depuis cinq ans tourne autour de 76 tonnes quand avant cela, on était à 83-84 tonnes soit une de 7 à 8 tonnes en moyenne». Comment l'expliquer ? «L'Aisne a toujours été le premier département français en termes de production de betteraves, les producteurs faisaient revenir régulièrement cette culture tous les deux à trois ans, ce qui a eu pour conséquence de fatiguer un peu les sols, c'est pour cela que des rotations ont été mises en place», avance Guillaume Gandon.

La betterave a un temps profité du réchauffement climatique

Si le poids de la filière de la betterave sucrière est rappelé avec 1 994 planteurs dans l'Aisne, deux sucreries Tereos à Bucy-le-Long et Origny-Sainte-Benoîte, un chiffre d'affaires agricole betteraves prévisionnel de 215 millions d'euros et 315 emplois en sucrerie dans le département, ces baisses de rendements inquiètent et ne sont pas entièrement explicables. «Cette baisse des rendements est forte depuis le milieu des années 2010, avant cela, sur les 30 à 40 années précédentes, nous avions une progression très régulière du rendement, note Emmanuel Pigeon. La betterave a profité du réchauffement climatique qui permettait un cycle plus précoce, avec des hivers plus courts et des printemps plus chauds. Mais depuis une dizaine d'années, nous atteignons un palier en moyenne et depuis cinq à six ans, nous sommes à la baisse. Cela doit nous pousser à accentuer les recherches pour lutter contre les maladies et contre les pucerons».

L'ITB (Institut technique de la betterave) à Laon travaille à des solutions pour rendre la betterave plus résistante aux maladies et aux pucerons.

Accentuer la recherche oui mais tout en sachant que «la génétique de la betterave est assez complexe et quand on demande aux semenciers de nous faire des betteraves résistantes à des maladies, ça n'est pas possible techniquement et quand on met des résistances par exemple contre les pucerons ou la jaunisse, ça ne produit pas de betterave», précise Guillaume Gandon. Il estime tout de même que des solutions techniques devraient être abouties et disponibles d'ici deux à trois ans. L'ITB (Institut technique de la betterave) implanté à Laon au sein du pôle betteravier, travaille sur ces questions.

Augmentation des coûts de production

Cette baisse de rendements se cumule aussi à l'augmentation des coûts de production depuis les crises énergétique et ukrainienne. «Avant la crise, sur la période 2019-2023, nous étions à 2 577 € de coût de production et aujourd'hui, depuis 2023, nous naviguons autour de 3 000 € soit + 500 €, pointe Emmanuel Pigeon de la CGB Hauts-de-France. Le prix de la betterave n'est pas encore connu, seul Cristal Union a annoncé un prix de 40 €, mais cela suscite des inquiétudes car il faudra un prix élevé pour arriver à dégager un peu d'argent».

D'autres dossiers majeurs suscitent des inquiétudes : la fin des négociations du Mercosur ou encore les importations ukrainiennes. «Pour le Mercosur, ce n'est pas tellement nouveau puisque les 190 000 tonnes de sucre qui vont pouvoir être importées dans l'UE, on les avait déjà, ce qui est nouveau, ce sont les 8,2 Mhl d'éthanol et cela concerne uniquement la France parce qu'il n'y a que la France qui produit de l'éthanol en Europe. Mais au-delà du Mercosur, c'est l'accumulation des accords de libre-échange qui pose problème puisqu'au total, ce sont plus de deux millions de tonnes de sucre qui ont la capacité à rentrer au sein de l'UE, la consommation européenne se situe autour de 15 millions de tonnes donc ça commence à faire un pourcentage significatif, regrette Guillaume Gandon. Et le sujet récurrent sur ces accords, c'est le cas avec l'Ukraine aussi, c'est que ce sucre est produit dans des conditions qui ne sont pas les nôtres, avec des produits pesticides interdits ici et la traçabilité est très différente».

Réduire les importations ukrainiennes

Sur les importations ukrainiennes, la CGB rappelle qu'avant guerre, seulement 20 000 tonnes de sucre ukrainien étaient importées, que ce chiffre a monté jusqu'à 500 000 en 2023 et qu'il est aujourd'hui de 260 000 tonnes jusqu'en juin prochain. «Nous aimerions revenir à 20 000 tonnes comme avant puisque ces importations très importantes de sucre moins cher, ont divisé par deux les cours du sucre depuis deux ans les faisant passer de 1 000 € la tonne à 500 €, rappelle Emmanuel Pigeon. Ce n'est pas aux agriculteurs de supporter seuls le coût de la guerre en Ukraine, ça n'est pas tenable sur la longueur».

Le sujet des néonicotinoïdes (voir encadré) a également été abordé devant la préfète qui s'est montrée attentive à ces sujets de vigilance. Elle a rappelé par exemple que le gouvernement était toujours déterminé à ne pas accepter le traité du Mercosur.

La réintroduction de certains pesticides a les faveurs de la CGB Aisne

La proposition de loi (PPL) des sénateurs Duplomb (LR) et Menonville (UDI) visant à «lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur» a été votée par le Sénat lundi 27 janvier. Elle permet la réautorisation de l’usage de certains pesticides ou assimilés dont un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, l’acétamipride, pour certaines cultures. Une substance autorisée dans toute l'Europe mais interdite en France depuis 2016. 

«Nous y sommes favorables bien sûr et à la différence de 2020 où il était déjà question de réintroduire certains pesticides, cette loi profiterait à beaucoup de filières en plus des betteraviers, notamment pour la noisette parce que sans ces pesticides, on récolte des colliers de perles, des noisettes avec plein de trous, plaide Guillaume Gandon, président de la CGB Aisne. Cela va aussi profiter à la filière pommes de terre, à celle des pommes et poires, aux légumes plein champ, aux fruits rouges comme la cerise». Reste à voir désormais si cette PPL adoptée par le Sénat le sera aussi à l'Assemblée nationale, où la donne politique bien différente et complexe, est difficile à appréhender.