CaliNange : quand l’innovation se met au service de l’humain

Rien ne prédestinait Aurore Saintigny, ingénieure dans l’automobile pendant 20 ans, à se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Mais après avoir plongé dans l’univers de la néonatalogie à la suite d’un accouchement prématuré, elle a décidé d’agir. «Un soir, j’ai eu l’idée de CaliNange. Je réfléchissais à trouver une solution pour les prématurés, pour leurs parents et pour rendre tout ce que les soignants nous avaient donné. Quand on est parent d’un enfant hospitalisé et qu’on ne peut pas prendre son enfant dans ses bras ou que l’on doit s’absenter, c’est un sentiment terrible qui nous saisit», confie-t-elle. Alors, l’ingénieure a mis son savoir au service de ce projet entrepreneurial où se mêlaient son cœur de maman et ses compétences d’ingénieure avec une seule obsession : amener l’empreinte d’un parent pendant son absence en se servant des différents sens. Mais avant de franchir le pas, elle a toutefois voulu vérifier que son projet n’était pas «un délire de maman», mais «avait bien toute sa place à l’hôpital.» Pour trouver une réponse objective, elle a tout simplement toqué à la porte de l’hôpital Cochin Port-Royal de Paris, en 2018. Pourquoi ce choix ? Tout simplement parce que c’est la réanimation néonatale la plus importante de France. Immédiatement, les professionnels sont séduits par son idée d’apporter dans un dispositif la voix, l’odeur et les battements de cœur du parent absent.

Un cœur à tout épreuve

Elle poursuit donc l’aventure en créant dès 2019 son entreprise, Calinescence, pas seule, mais accompagnée d’un comité scientifique pour que les prototypes soient compatibles avec les exigences et contraintes médicales. Il lui a fallu imaginer une solution avec une conception adaptée. Dix-huit mois après, et malgré le Covid, son dispositif baptisé CaliNange recevait la certification CE. La technologie fait partie intégrante de ce projet pour l’ingénieure qui a développé un algorithme qui permet une diffusion adoucie de la voix et des battements du cœur en sollicitant uniquement les bonnes fréquences sensorielles. Aurore Saintigny ne parle jamais à la première personne. C’est toujours le «nous» qui l’emporte. Et derrière elle, se sont 25 personnes, partenaires qui travaillent ensemble à la conception et la fabrication de cette innovation. Tous partagent les mêmes valeurs, le même engagement. Au total, huit entreprises, dont un atelier protégé (en charge de la housse en tissus) apportent leurs compétences et permettent à CaliNange de prendre vie. Le challenge était de créer et fabriquer en circuit court, à maximum 90 km autour de Metz. Défi relevé même si certains pouvaient en douter. La cheffe d’entreprise ne retient que ceux qui l’ont encouragée et soutenue à oser l’innovation. «Car oui, on est capable de créer de la valeur sur la terre industrielle qu’est la Moselle.» La région, le réseau Initiative Metz, Entreprendre Lorraine, Bpifrance, la dirigeante les énumère tous. «Je ne suis pas sûre que j’aurais pu créer ailleurs.»

200 dispositifs pour plusieurs centaines de bébés et enfants rassurés

Depuis 2022, ce sont 200 CaliNange qui ont été commercialisés à l’hôpital ou en structures médico-sociales (comme les établissements d’hébergement pour personnes âgées) auprès de seniors fragilisés. L’armée a également fait appel au service de l’entreprise pour vingt militaires qui partaient en opération extérieure fin 2022-début 2023 et attendaient une naissance imminente. L’enjeu était que le lien perdure jusqu’à la rencontre physique. C’est d’ailleurs toujours le même objectif affiché : «ne pas remplacer l’absent mais proposer une augmentation de présence. On ne vend pas un dispositif, on échange, on adapte, on personnalise en accompagnant», insiste l’ingénieure. Au début de l’aventure, elle s’était dit : «si notre technologie peut aider au moins un seul bébé.» Ce n’est un, mais plusieurs centaines qui ont d’ores et déjà profité de cette innovation mise au service de l’humain.

A.M.