Ça tangue pour la compagnie maritime P&O

Le 17 mars, la compagnie maritime P&O Ferries a suspendu les traversées de ses bateaux dans le détroit du Pas-de-Calais, mais aussi dans toute l’Europe. La société a en effet décidé, lors d’un CSE extraordinaire, le licenciement avec effet immédiat de 800 marins britanniques.

La compagnie maritime P&O France compte, à Calais, plus de 250 employés sédentaires et 15 navigants. © olivierguerinphoto
La compagnie maritime P&O France compte, à Calais, plus de 250 employés sédentaires et 15 navigants. © olivierguerinphoto

Dans le port de Calais, les salariés de la compagnie P&O Ferries, s’attendaient à un retour à la normale : la compagnie de transport maritime avait annoncé, sur ses réseaux sociaux, l’allègement des restrictions liées à la Covid-19. Mais c’était sans compter sur un mail de la direction, envoyé à 8h le 17 mars. «Veuillez noter qu’une annonce majeure sera faite aujourd’hui qui, grâce au soutien de notre actionnaire DP World, garantira la viabilité à long terme de P&O Ferries.»

A la suite de ce message, la direction a ordonné que tous les bateaux P&O en Europe soient à l’arrêt, dont les trois navires opérant entre Calais et Douvres : «Il a été demandé à tous les navires de décharger leurs passagers et leurs cargaisons et de se tenir prêts à recevoir de nouvelles instructions.»

Effet immédiat

L'effet ne s'est pas fait attendre au port de Calais avec, le même jour, des ralentissements, une file de camions qui s’allonge et des passagers désorientés redirigés vers Eurotunnel ou les autres compagnies. Les travailleurs s’attendent alors à un dépôt de bilan ou à la fusion avec une autre compagnie (comme DFDS).

C’est finalement le licenciement immédiat de 800 marins britanniques, justifié dans un communiqué : «P&O Ferries n’est pas une entreprise viable. Nous avons fait une perte de 100 millions de livres sur un an, qui a été couverte par notre maison mère DP World (...). Ces changements ont pour but de réduire nos coûts d'équipage de 50%, d'assurer l'avenir de notre entreprise et de la préparer à la croissance. Ils font partie du plan plus large de DP World visant à soutenir P&O Ferries afin qu'elle puisse offrir le meilleur à ses clients.» Selon une source syndicale, le mail sous-entend que «les Britanniques doivent être remplacés par des marins colombiens et des intérimaires»...

Une vague de contestation

À la suite de ces annonces, une vague de mécontentement n'a pas tardé à se manifester. A commencer par des salariés qui ont décidé d’occuper leurs navires dans le port de Hull (au Nord-Est de l’Angleterre), soutenus par le syndicat RMT. De son côté, le syndicat des officiers de marine marchande Nautilus International, qui condamne l’action de P&O, demande aux salariés de n’accepter aucun accord et se renseigne pour porter plainte pour licenciements abusifs.

Le syndicat britannique d'employés des transports TSSA, de son côté, affirme que P&O Ferries va plus loin en encourageant le personnel licencié à postuler aux agences d'intérim pour les mêmes postes, dénonçant une stratégie «conçue pour réduire les salaires et diminuer les conditions de travail de leur personnel». Plus tard dans la journée, la police est venue déloger les employés occupant les bateaux.

Quant à lui, le port de Calais s’est organisé pour faire face aux perturbations. «Le port est vaste et peut stocker des camions. Un arrêt des lignes P&O ne veut pas dire que la compagnie n’officiera plus à Calais, c’est temporaire et c’est cela qui est rassurant pour nous», souligne Jean-Marc Puissesseau, président de la SEPD, qui rappelle que P&O représente 50% du trafic.

De leur côté, les compagnies de transport maritime et Eurotunnel s’organisent, avec probablement à la clé des parts de marché supplémentaires. DFDS a indiqué dans un communiqué que «tout passager tourisme ayant réservé un véhicule auprès de P&O» peut se présenter à ses comptoirs dans les ports de Douvres et Calais pour voyager lors du prochain départ disponible.

Pour rappel, en 2020, P&O Ferries, qui appartient à DP World, avait déjà annoncé le licenciement de 1 100 personnes pour les mêmes raisons. L’entreprise a donc réduit près de moitié ses effectifs, et ce, en deux ans. Du côté français, la nouvelle consterne, même si les 250 employés sédentaires et 15 navigants ne sont pas directement impactés. Les traversées entre Douvres et Calais devraient être perturbées encore quelques jours.