«Savoir collecter et protéger ses informations, indispensable pour conquérir de nouveaux marchés»
Franck Tognini, responsable du master 2 ISCI (information, stratégie et compétitivité internationale) à l’université de Lille 1, directeur régional de la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS) et coauteur du Petit manuel de l’intelligence économique.
La Gazette. Vous qui êtes aux côtés des entreprises, quelles sont leurs principales préoccupations dans le domaine de la cybersécurité ?
Franck Tognini. La première est de mieux en cerner les enjeux et les risques. Alors que l’on passe plus d’heures devant un écran d’ordinateur que devant son téléviseur, on oublie que cette pratique quotidienne recèle des risques de captation d’informations, de détournement de données ou d’identité….
La seconde est de définir le bon niveau de protection : où mettre le curseur entre impératif de sécurité et nécessité de diffusion, échanges d’informations… La troisième est d’intégrer une démarche de cybersécurité dans une approche plus globale. Il est certes indispensable de protéger ses ordinateurs, mais au même titre que d’avoir un comportement discret, de protéger ses idées en déposant des brevets. Il n’y a de protection que globale.
A ce sujet, une des évolutions récentes réside dans le fait que la cybersécurité nous concerne désormais tous et ceci tant au niveau de notre activité professionnelle qu’à titre personnel. La e-réputation par exemple c’est-à-dire «que dit-on sur moi sur Internet ?» est une question que toute personne doit se poser tant au niveau de son entreprise ou sa collectivité que sur son propre nom. Or, moins de 10% des personnes mettent leur nom sous alerte alors que cela est gratuit et ne prend que quelques secondes.
Devenu une référence européenne, le FIC (Forum international de la cybersécurité) permettra au plus grand nombre d’obtenir des réponses concrètes et opérationnelles à des questions que beaucoup trouvent complexes. C’est assurément le rendez-vous à ne pas manquer !
Quelle part prend aujourd’hui le numérique dans l’intelligence de l’information ?
Le numérique est partout. Dans notre vie professionnelle comme personnelle. Or, pouvoir tout trouver sur Internet donne la fausse impression que le numérique est la réponse à toutes nos questions. La quantité de l’information disponible n’est pas gage de qualité ni même de vérité. En plus, nous passons chaque jour des heures dans la sphère numérique sans pour autant savoir bien collecter. Comme nous le démontrons dans nos formations, avec quelques méthodes simples de collecte on arrive à diviser par 100 000 le volume d’informations disponibles pour trouver celles dont on a réellement besoin. Moins de 1% des internautes connaissent ces techniques que l’on peut maîtriser en moins d’une heure sans être un geek ou un technophile.
Par ailleurs, le numérique ne doit pas s’opposer aux autres sources d’informations. Internet, oui bien sûr, mais pas au prix de ne plus aller sur les salons, de ne plus échanger avec ses collègues, de ne plus questionner ses partenaires… Le numérique est un complément à l’information orale pas son remplaçant.
En quoi le master 2 ISCI que vous dirigez à l’université de Lille 1 répond-il aux besoins des entreprises en compétences dans le domaine qu’est le management de l’information stratégique ?
Classé par les revues économiques de référence comme le MOCI «1er master universitaire de France», le master ISCI est très apprécié par les entreprises et leurs représentants, comme les pôles d’excellence et de compétitivité. La raison est simple : les étudiants ont une double compétence opérationnelle. Ils maîtrisent le marketing, la stratégie, l’analyse des marchés, en même temps qu’ils ont acquis des méthodes de collecte, d’analyse, de diffusion et de protection d’informations. Réunissant par ailleurs plusieurs dizaines de nationalités chaque année, chaque promotion est un concentré de mondialisation. Or, savoir collecter et protéger ses informations est indispensable pour toute entreprise qui veut conquérir de nouveaux marchés et/ou se défendre face aux attaques concurrentielles.
Mettre en place une cellule de veille, glaner des informations sur un salon, comprendre la stratégie d’un concurrent, trouver des marchés de niches à haute valeur ajoutée, esquiver des pratiques peu fairplay, réagir à une crise figurent parmi les compétences des étudiants qui répondent aux attentes des entreprises.