«L’inquiétude demeure, rien n’est acquis»

Le 17 septembre, ils étaient quelque 1 200 notaires de la région à avoir fait le déplacement pour le rassemblement des notaires place de la République à Paris et, le 30 septembre, 700 à s’être réunis place de la République à Lille. Explications avec Mes Anne-Françoise Potié, deuxième vice-présidente et déléguée à la communication, Patrick Vacossin, premier vice-président, et François Bernard, président du Conseil régional des notaires Nord-Pas-de-Calais.

De gauche à droite, Mes Anne-Françoise Potié, Patrick Vacossin et François Bernard.
De gauche à droite, Mes Anne-Françoise Potié, Patrick Vacossin et François Bernard.

La Gazette. Les notaires dans la rue, c’est du jamais-vu. Pourquoi en être arrivé là ?

 

D.R.

De gauche à droite, Mes Anne-Françoise Potié, Patrick Vacossin et François Bernard.

Me Bernard. De multiples projets de réforme visent les 37 professions réglementées de France, et parmi elles le notariat, avec des problématiques extrêmement diverses, communes ou spécifiques. Le notariat n’est pas une profession comme les autres : les notaires sont des officiers publics nommés par le Garde des sceaux et exercent le service public de l’authenticité sous le contrôle des procureurs de la République. A l’origine de ces projets de réforme, un rapport de l’Inspection générale des finances qui expose des pistes à explorer pour libérer la croissance et pour amadouer la Commission européenne qui n’a qu’un objectif : réformer les professions réglementées.

 

Me Vacossin.  Au surplus, ce statut nous permet de donner un conseil le plus souvent gratuit à nos clients, notre rémunération étant assurée par les actes que nous recevons soumis à un tarif national. Une libre installation semblerait incompatible avec la solidarité de la profession et les garanties collectives données à chaque client par celle-ci. En effet, chaque notaire est tenu d’adhérer à une assurance responsabilité civile et à une garantie collective de couverture des fonds que nous détenons pour nos clients. 

 

Où en est-on aujourd’hui ?

 

Me Vacossin. Les instances nationales du notariat ont été reçues à Bercy pour un premier contact  au lendemain du rassemblement parisien et nous avons été reçus à la préfecture de Lille pour faire entendre notre voix. Nous avons pu rappeler que s’il y a des professions réglementées, ce n’est pas pour protéger les professionnels, mais pour protéger le public. 

 

Me Bernard. Aujourd’hui, il n’y a pas de rassemblement prévu, mais l’inquiétude, couplée à une conjoncture économique difficile,  demeure, rien n’est acquis. La profession a le moral bas, les salariés sont inquiets. L’état d’esprit est combatif et risque de le devenir encore plus. Nous faisons un gros travail d’information auprès des élus de la Nation. Ceux qui connaissent le notariat, tel le ministère de la Justice, nous défendent. Ceux qui ne le connaissent pas, les inspecteurs des finances, nous attaquent, alors que le notariat rend des services importants, ne serait-ce qu’en matière de perception des droits d’enregistrement, de l’impôt sur les plus-values, droits de mutation…  Beaucoup de confrères sont surpris de se voir qualifiés de nantis, de rentiers, de rétrogrades, alors qu’ils ont du mal à rembourser leurs emprunts d’installation, que la profession est à la pointe des nouvelles technologies avec l’acte authentique électronique, le minutier central électronique… La vision balzacienne du notaire est éloignée du vécu au quotidien. Le notariat a la volonté de dialogue pour évoluer et apporter des aménagements dans l’organisation de la profession, dans la politique tarifaire. Mais se voir imposer des réformes par des gens éloignés de la réalité du notariat !… La profession craint d’être sacrifiée comme monnaie d’échange, d’être immolée pour simplement montrer que les pouvoirs publics ont fait quelque chose.  

 

 

 

Encadré 1

Le témoignage de Me Potié

 

Quand je me suis installée à Templeuve, j’ai emprunté à 100% le montant qui a été fixé par la Chancellerie et des confrères se sont portés caution pour moi, preuve que le notariat est une profession très ouverte. Je travaille 12 heures par jour et je ne pense pas être une rentière, une privilégiée. J’ai encore sept ans à rembourser, mais je suis aussi chef d’entreprise avec des responsabilités, j’ai quatorze salariés, un associé. Et comme tout chef d’entreprise, il y a des mois où je ne gagne pas ma vie et des mois où je gagne bien ma vie. 

 

Encadré 2

Le notariat dans la région

479 notaires

2 700 collaborateurs

210 lieux de réception de la clientèle

41 bureaux annexes

214 200 actes authentiques établis en 2013, dont 17 500 déclarations de succession