«Il faut aider les fonds d’investissement à financer les projets locaux»
Le 12 décembre dernier, le One Planet Summit a mobilisé 4 000 personnes à Paris pour accélérer le financement du réchauffement climatique. Aux côtés des acteurs financiers et politiques, de grandes entreprises françaises, comme le transporteur et distributeur de gaz Engie, étaient là pour proposer de nouveaux modèles de financement des innovations écologiques.
La Gazette : Quel retour faites-vous de votre participation à ce Sommet ?
Isabelle Kocher : Je suis impressionnée par l’alignement des acteurs de toutes sortes sur la problématique du financement du réchauffement climatique : les maires de grandes villes, les acteurs financiers, les entreprises, les ONG, les représentants des États…avec notamment John Kerry, secrétaire d’Etat sous la présidence Obama, qui a rappelé que les Américains restent très engagés dans l’accord de Paris. Tous les ingrédients sont là pour réussir à limiter le réchauffement climatique à 2 degrés et résoudre les limites de nombreux modèles de développement, comme l’amélioration de la qualité de vie dans les grandes villes, du réseau électrique en Afrique…
Allons-nous assez vite ?
Non, malgré la volonté politique et la conscience citoyenne, nous n’allons pas à la bonne vitesse. Pour réussir cette trajectoire de 2 degrés, il faudrait multiplier par 4 en moyenne les investissements dans les énergies renouvelables dans le monde, soit par 2 dans les pays développés, et par 20 dans les pays émergents. Nous ne sommes pas pour l’instant à la bonne échelle. Face à ce problème global, il faut imposer des standards très élevés et des solutions énergétiques locales, avec des mini-COP21 à l’échelle des villes et des territoires.
Quelle solution proposez-vous dans le domaine de l’énergie ?
Il faut créer des conditions de marché qui donnent confiance. Les technologies sont là et il y a beaucoup d’argent disponible. Simplement, cet argent ne vient pas forcément financer les projets qui en ont le plus besoin. Le monde de l’énergie est plutôt habitué aux projets de grandes centrales, de grands réseaux. Les fonds d’investissement savent trouver le chemin pour les financer. Ce qui est nouveau, c’est que le monde de l’énergie de demain sera un monde décentralisé, où chacun sera gestionnaire de son énergie : à la maison, dans les buildings, il y aura un mix énergétique de production, de stockage, de gestion intelligente avec des outils digitaux malins qui permettront de consommer moins qu’aujourd’hui. On passe d’un monde de quelques grands projets à un monde d’une multitude de petits projets. Et là, les fonds d’investissement sont mal équipés pour les accompagner.
Comment être innovant en matière de financement des petits projets ?
La création de plateformes qui centralisent ces projets permettrait de retrouver une taille de marché significative et attractive pour les fonds d’investissement. Il faut les aider à financer les projets locaux. L’innovation financière est à mettre en œuvre pour que toutes les innovations technologiques ,qui ont été spectaculaires ces dix dernières années, soient déployées vraiment et à très grande échelle. Et moi, je pense que c’est possible. L’année 2018 devrait être une année charnière, qui permettra de mettre en œuvre ces nouveaux modèles.
Comment, en coulisses, œuvre Engie pour faire émerger ces nouveaux modèles ?
Nous investissons déjà dans divers projets industriels pour changer d’échelle. Et nous avons créé une association, Initiative Terrawatt, qui regroupe une centaine d’acteurs industriels, financiers, technologiques à l’échelle mondiale, pour réfléchir justement aux nouvelles conditions de marché. Il faut des outils puissants.