«Difficile de prévoir, car il y a une grande volatilité de la demande…»
Jean-Yves Morisset, responsable de Deloitte, cabinet d’audit et de conseil, en région Nord, estime que malgré des prévisions économiques difficiles, les mesures de réduction des dépenses vont peser sur l’économie.
La Gazette . De par ce que vous entendez dans les milieux d’affaires, comment entrevoyez-vous l’activité économique dans les six mois à venir ?
Jean-Yves Morisset. On ne peut pas dire que l’activité s’annonce euphorique. C’est très difficile à prévoir. On l’a vu l’année dernière : il y a maintenant une grande volatilité de la demande dans tous les segments de la consommation. D’un mois sur l’autre les chiffres vont être bons, puis moins bons, ensuite ça va repartir… Sans qu’on ne sache exactement pourquoi. On le voit chez nos clients, les prévisions d’activité sont extrêmement compliquées. Dans le textile par exemple, les opérateurs économiques attendaient la fin des soldes pour savoir comment allait être le premier semestre. C’est à peu près vrai dans tous les métiers en contact avec les consommateurs. Ce qui se reporte d’ailleurs dans les activités B to B, d’entreprise à entreprise.
Le constat c’est que l’heure est à l’économie. C’est-à-dire que toutes les administrations, Etat et collectivités, réduisent leurs dépenses d’investissement et de fonctionnement. Dans un premier temps, les mesures de ce type ne seront pas favorables au développement de l’activité. Des études montrent que les réductions de dépenses se traduiront d’abord par des pertes d’emploi avant d’en regagner.
Comment expliquez-vous la grande volatilité que vous évoquez ?
C’est sans doute le manque de confiance. Les gens sont plutôt attentistes.
Qu’attendent-ils ?
On ne sait pas ce qu’ils attendent. C’est typiquement français. Dans les autres pays, l’environnement économique est aussi dur, mais les gens ont un peu plus confiance. Les Français sont un peu plus pessimistes. Il faudra casser ce pessimisme ambiant. Parce qu’à force de broyer du noir, le noir finit par arriver.
Faut-il craindre une réplique de la crise des dettes souveraines cette rentrée ? Que les marchés financiers s’en prennent à la France par exemple?
Ce qui est sûr, c’est que la France annonce de vraies mesures d’économies budgétaires. C’est de nature à rassurer.
Malgré tout, si cela devrait arriver, pensez-vous que les fondamentaux de l’économie française sont bons pour opposer une résistance ?
Je dirais plutôt oui. Par exemple, dans les milieux bancaires, il y a eu ces fameux stress tests pour vérifier la solidité des banques face aux crises. On est quand même en train de renforcer la solidité et la sécurité des marchés. Même si, parfois, la contrepartie c’est que cela pèse sur la croissance. Quand on demande aux banques de renforcer leurs fonds propres, c’est très bien. Mais il faut s’attendre ensuite à ce qu’elles prêtent moins. Comme dans le cas des réductions des dépenses publiques, il y a toujours un premier effet qui n’est pas souvent positif.
Qu’en est-il en particulier dans le secteur du numérique ?
C’est un secteur où il y a toujours du dynamisme, où il y a toujours de l’innovation. Et l’innovation reste le moteur du développement de demain. On voit les multiples applications dans les domaines du sans-contact, de la domotique, des réseaux, le cloud, etc. Le numérique envahit tous les autres secteurs. Il reste dynamique.
Vous seriez un porteur de projet en cette période, créeriez-vous votre entreprise cette rentrée ou préféreriez-vous différer votre décision ?
Etonnamment, il y a toujours beaucoup de fonds disponibles pour les bons projets. Donc, oui, c’est une bonne période pour créer.
Un mot sur Deloitte… Deloitte France a racheté en juin dernier Axoa, spécialisé en relation client. Est-ce par désir de vous diversifier ?
Axoa fait de la conception et de l’intégration de solutions en mode SaaS dans le domaine de la gestion de la relation client. Ce qui correspond bien à notre activité de conseil en technologie auprès des entreprises. Ce rachat enrichit notre offre technologique. Cependant, il est encore trop tôt pour juger de la réussite ou non de l’intégration de cette activité chez Deloitte.