Culture

C'est l'été ! Le poil se dévoile !

Ce mercredi 29 juin, la chaîne Téva du Groupe M6 diffuse un documentaire sur la pilosité au féminin. Le sujet peut paraître léger, futile pour certains. Il est au contraire très sérieux. Dans ce documentaire intervient la comédienne-féministe messine Estelle Brochard. Depuis quatre ans, elle joue sur scène «Le poil incarné». Un regard volontiers ironique, mais porteur de sens. Car au-delà de la condition du poil au féminin, s’articule une vraie réflexion sur des questions sociétales… Estelle Brochard l’a expliqué à la Gazette Moselle.

Estelle Brochard, comédienne-féministe. © : Jean Lucas.
Estelle Brochard, comédienne-féministe. © : Jean Lucas.

60’ pour tout savoir du poil au féminin ou presque. C’est le thème du documentaire diffusé par la chaîne Téva du Groupe M6 le mercredi 29 juin prochain à 23 h 10. Abordé avec humour, délicatesse et beaucoup d’à-propos, le sujet ne laissera assurément pas indifférent spectatrices et spectateurs. Car la question, si intime, concerne les deux sexes. L'émission oscille, dans les angles et témoignages présentés, entre légèreté et analyse de spécialistes sociologues, médicaux. Au cœur de cette heure très documentée intervient Estelle Brochard. Arrivée en Moselle voilà une dizaine d’années, elle porte une approche résolument féministe dans son jeu sur scène.

Derrière le miroir...

Il y a trois ans, elle a commencé à jouer «Le poil incarné». Le pitch ? Elle le décrit elle-même, avec enthousiasme : «Tout est parti d’un ras-le-bol. Le mien ! Celui de devoir me raser, m’épiler constamment. Non seulement, ça fait mal, mais plus le temps passait, plus je vivais cela comme une injonction pour respecter un modèle sociétal que je refusais. Le spectacle est né sur ce constat. Sur scène, je passe en revue tout cela, avec mes anecdotes.» Depuis la nuit des temps, l’homme porte ce petit être - le poil - sur lui. Selon les cultures, on le fait disparaître ou on le vénère. De nos jours, en apparence, le poil est très peu présent sur le corps de la femme. Banni des images sur papier glacé, absent au cinéma, comme dans la publicité. Et tabou dans le quotidien féminin de notre siècle aux accents souvent aseptisés et où l’humour grinçant, voire noir, n’a peut-être plus toute sa liberté aujourd’hui. Imagine-t-on aujourd’hui, à une heure de grande écoute, un professeur Choron ? Un Gainsbourg ? Aucune chaîne ne s’y risquerait à une heure de grande écoute. Ce conformisme ambiant est assurément à placer dans la même famille que les stéréotypes du genre. Par son spectacle, Estelle Brochard aborde ces derniers, toujours de manière décalée et mordante. Le message passe forcément auprès de son public. «Aucune femme ne devrait être pour le féminisme», dit-elle. Sous-entendu : si les hommes ne prenaient pas l’essentiel de la place...

Cachez ce poil...

La comédienne est une militante de cette égalité hommes-femmes qu’elle revendique. Quant au poil, on y revient, il prend sa revanche par les temps présents. Instagram est envahi par des millions de femmes posant avec des aisselles velues. En première ligne, les stars comme les ambassadrices d’une révolte, d’une révolution : Emily Ratajkowski, Lily-Rose Depp, Ashley Graham. Nike a mené une campagne avec un mannequin non épilé. Effet controverse assumé. La tendance gagne du terrain. Le magazine Vogue a ainsi invité ses lectrices à retourner au naturel et à affirmer leur pouvoir. Alors faut-il, mesdames, mesdemoiselles, ranger vos rasoirs et autres bandes de cire au placard ? Le poil peut-il devenir glamour ? Sur scène, Estelle Brochard dévoile sa pilosité : «Au moment où j’enlève mon collant, c’est surtout des réactions de dégoût que j’entends. Il reste beaucoup de chemin pour faire accepter le poil au féminin.» La comédienne se sert du poil, pour le faire glisser de l’enjeu intime à l’enjeu sociétal et politique, au sens premier du terme. «J’interroge sur l’approche du corps, l’imaginaire collectif, nos conceptions sociétales, le regard que l’on peut porter sur son voisin, sur l’acceptation de la différence et les stéréotypes de genre.»

Déconstruire le stéréotype de la beauté

Les stéréotypes de genre donc. Vaste et inépuisable thème de débats, de polémiques, plus rarement d’analyses posées et constructives. Ils sont partout (comme les poils), certains remontant à des époques immémoriales, d’autres nés avec la société de consommation. Ils voyagent dans les couloirs du temps, se dressant (tel un poil rebelle) comme les gardiens du temple de nos us et coutumes. Exemple type du stéréotype : «Les filles sont douces et gentilles». Comme Estelle Brochard parle de «déconstruire la vision unique de la beauté.» Déconstruire un stéréotype, dès le plus jeune âge, est essentiel pour éviter de prendre une trajectoire menant à la discrimination et au sexisme. À partir de simples allégories, dénuées de tout fondement et de réalité avérée, comme «les filles sont douées en français, les garçons en mathématiques», le terrain devient glissant et arrive à la justification d’inégalités dans l’emploi, l’accès aux loisirs, aux sports… Dans le dialogue engagé avec les adultes à la fin de son spectacle ou dans la continuité sous forme d’ateliers ou d’expositions après une représentation auprès de lycéens.

Dire les choses...

Estelle Brochard conclut : «Pour combattre les préjugés, il faut échanger, toujours échanger.» Sa lutte à elle, le féminisme, se poursuit. Quant au poil, elle en fait le tour ou presque. La comédienne cogite d’autres jeux de scène où elle distillera sa pensée. «Pourquoi pas sur la virilité ?», dit-elle. En 1939, l’artiste Fernandel chantait Félicie «celle qui avait du poil aux pattes». On vous le concède, le texte n’est pas un modèle de finesse, ni de bon goût, les féministes puiseront dans ses paroles de quoi alimenter leurs argumentaires contemporains. La pertinence, l’impertinence, l’irrévérence, c’est une tradition hexagonale depuis des siècles. Un peu mise à mal, devenue trop souvent suspecte, par les temps présents. Pourquoi ne pourrait-on pas ou plus rire de tout ? Et du poil en particulier ? Curieuse évolution sociétale, étonnante soudaine pudibonderie sémantique et visuelle, au pays de Rabelais et de Molière ! «Je me marre», persiflait Coluche…

Documentaire «Libres et à poils !»

Téva - mercredi 29 juin - 23 h 10