Entretien avec Danielle Mametz, vice-présidente de Noréade

«C'est dans la transversalité qu'on réussira la transition écologique»

L'épisode de canicule qui a touché la France et la région en juillet dernier ont aggravé la sécheresse des sols et la baisse des débits des cours d’eau. En Hauts-de-France, le bassin de l’Yser a été particulièrement affecté. Face à ces épisodes de sécheresse amenés à se répéter avec le réchauffement climatique, l'opérateur régional dans la distribution et l'assainissement de l'eau, Noréade, à travers ses régies du SIDEN-SIAN, est sur tous les fronts pour tenter de limiter les impacts sur la qualité mais aussi sur la quantité de l'eau. Rencontre avec Danielle Mametz, vice-présidente de Noréade.

Danielle Mametz, vice-présidente de Noréade.
Danielle Mametz, vice-présidente de Noréade.
La Gazette : Quel est le bilan de la canicule qui a touché les Hauts-de-France cet été ?

Danielle Mametz : Dans le Nord et le Pas-de-Calais, des arrêtés vigilance ont été pris pour le bassin de la Lys, jusqu'à des arrêtés crise pour le bassin de l'Yser. Il y a eu des impacts sur l'agriculture sur certains bassins. Noréade, en tant qu'opérateur distributeur d'eau, a été en alerte sur les niveaux des forages et des nappes. Le dérèglement climatique provoque un décalage au niveau des pluies efficaces. Les nappes phréatiques1 ne se remplissent pas car les pluies efficaces ne tombent plus au bon moment, il y a donc des conséquences sur les niveaux de recharge mais aussi sur les débits des cours d'eau. On ne peut plus parler de crise car la région est en alerte sécheresse pour la quatrième année consécutive. Nous sommes plutôt dans une crise structurelle. 

En période de forte canicule, on constate un besoin accru d'eau, à savoir une demande supplémentaire de 30% des consommations d'eau. Cela met en difficulté nos forages et nos châteaux d'eau qui ne sont pas calibrés pour cette demande. C'est arrivé que, dans le Cambrésis notamment, on soit obligé de ravitailler les châteaux d'eau avec des camions-citernes... Nous avons limité ce genre d'incidents grâce notamment à la mise en place d'une autoroute de l'eau.

Le réservoir dans la commune du Cateau-Cambrésis.

A quoi sert concrètement cette autoroute de l'eau ?

Cette dorsale de 200 kilomètres - sur une canalisation qui fait 700 millimètres de diamètre -, appelée «autoroute de l'eau», sécurise l'alimentation en eau et interconnecte l'ensemble des champs captants et des ouvrages. Elle part de l'Avesnois jusqu'aux portes de Dunkerque et de la Belgique. Cet outil permet d'irriguer l'ensemble du territoire et de sécuriser l'approvisionnement en eau. Mais c'est aussi la nécessité pour chaque usager de consommer écoresponsable et de supprimer le gaspillage d'eau. Ce projet a représenté 200 M€ d'investissement sur 30 ans. Cette interconnexion étant terminée, nous avons été en mesure de libérer des fonds consacrés au renouvellement de réseau.


Que représente le renouvellement des réseaux en termes d'investissement ?

Noréade a multiplié par trois ses investissements au cours des trois dernières années autour du renouvellement des réseaux d'eau potable. Nous sommes passé de 10 à 30 millions d'euros investis, par conséquent nous sommes passé de 70% à 80% de rendement sur le territoire. C'est un investissement qui permet de lutter contre les fuites également. Notre enjeu est d'améliorer à la fois la gestion quantitative et qualitative de l'eau. Pour cela, nous avons également misé sur une vaste campagne de communication, ce qui a représenté 100 000 euros investis.


Comment s'est articulée cette campagne et comment Noréade sensibilise-t-elle les particuliers comme les entreprises à la préservation de la ressource ?

Les élus du SIDEN-SIAN ont voté pour une vaste campagne de communication via les médias à destination des usagers, qu'ils soient domestiques, non domestiques, agriculteurs, artisans, commerçants ou industriels. Cette campagne a été lancée au début de l'été pour trois mois. Nous devons tous changer nos façons de faire, pas uniquement les agriculteurs. Nous avons aussi distribué un livre à destination des primaires afin de sensibiliser les enfants sur la ressource. Une action de communication a également été réalisée auprès des 640 collaborateurs de Noréade, répartis sur les 10 centres différents du territoire. Le but est que les collaborateurs délivrent le bon message aux abonnés sur les économies d'eau.

Constatez-vous une prise de conscience des particuliers comme des entreprises ?

Effectivement il y a une prise de conscience, et c'est positif. En revanche, on remarque que celle-ci n'est pas forcément suivie d'actes. A titre d'exemple, le nombre de piscines qui s'installent dans notre région a explosé, pas à proprement parler des piscines creusées mais plutôt des piscines gonflables, remplies chaque semaine et qui ne disposent pas de système de récupération d'eau. Ce phénomène inquiétant peut vider nos châteaux d'eau. En période de forte canicule, le problème ne vient pas des agriculteurs mais bien des particuliers. Nous avons encore du travail en termes de sensibilisation. Malheureusement nous sommes dans une situation où chacun veut son petit confort, la crise Covid a renforcé cela.


Sur le volet tarification, quelle politique a été mise en place par Noréade ?

Nous avons mis en place une tarification progressive. Cette stratégie vise à faire évoluer les comportements de consommation. On incite les abonnés à économiser en baissant de 10 euros la part fixe eau ainsi qu'en baissant de 20 euros la part fixe assainissement car celle-ci était historiquement élevée. Ensuite, on a décidé d'augmenter le prix de l'eau au-delà des 80 mètres cubes. L'objectif est de diminuer la consommation d'eau des industriels. Il est assez courant qu'un industriel nous demande entre 800 000 et 1 million de mètres cubes d'eau par an, ce qui représente la consommation d'une ville d'un peu plus de 20 000 habitants. On peut donc constater, par cet exemple, le levier sur les économies.


Quels liens entretient Noréade avec les institutionnels et les entreprises ?

On ne peut plus travailler en silos aujourd'hui, il faut qu'on travaille avec l'ensemble des acteurs du territoire. Pour la première fois, Noréade noue un partenariat avec la CCI pour tenter d'inscrire dans le marbre des conventions de partenariat avec l'ensemble des acteurs institutionnels qui, eux, peuvent irriguer la bonne parole et les bonnes pratiques. L'idée est aussi d'alerter sur le fait de ne pas implanter n'importe où des entreprises qui ont besoin d'eau. Chacun travaille dans son domaine certes, mais il faut désiloter toutes ces politiques. C'est en travaillant dans la transversalité qu'on réussira la transition écologique et l'adaptation au changement climatique.

1. Les nappes phréatiques ont atteint des niveaux rarement atteints depuis plus de 50 ans.

Noréade en chiffres 

Le volet Eau potable :
- 644 communes desservies en eau potable
- 387 000 abonnés en eau potable
- 53,7 millions de m3 d'eau potable distribués
- 11 000 km de conduites de distribution
- 32,6 M€ de travaux d'investissement 
- 79,6 M€ de recettes d'exploitation (Eau)

Le volet Assainissement : 
- 594 communes desservies en assainissement collectif
- 287 000 logements desservis en assainissement collectif
- 42 millions de m3 d'eau usée traités
- 7 200 km de réseaux de collecte
- 44 km de travaux d'investissement
- 85,6 M€ de recettes d'exploitation (Assainissement/GEPU)

-Assainissement non collectif : 503 commune
- Eaux pluviales : 518 communes
- Défense extérieure contre l'incendie : 476 communes
- 11 900 : Points d'eau incendie