Bugaled Breizh: "dès le jour du naufrage, on parle de sous-marin"

"Dès le jour du naufrage, on parle de sous-marin", se souvient Pascal Bodéré, rédacteur en chef adjoint du quotidien Le Télégramme, qui a enquêté sur le naufrage...

Pascal Bodéré, rédacteur en chef adjoint du quotidien Le Télégramme, montre le livre qu'il a écrit sur le naufrage du chalutier "Bugaled Breizh, l'enquête", le 9 janvier 2024 à Morlaix © Fred TANNEAU
Pascal Bodéré, rédacteur en chef adjoint du quotidien Le Télégramme, montre le livre qu'il a écrit sur le naufrage du chalutier "Bugaled Breizh, l'enquête", le 9 janvier 2024 à Morlaix © Fred TANNEAU

"Dès le jour du naufrage, on parle de sous-marin", se souvient Pascal Bodéré, rédacteur en chef adjoint du quotidien Le Télégramme, qui a enquêté sur le naufrage du Bugaled Breizh pendant 20 ans.

Un travail minutieux qu'il raconte dans "Bugaled Breizh, l'enquête", paru en octobre dernier aux éditions Le Télégramme. 

QUESTION: Pourquoi la thèse de la "croche molle" du chalut dans une dune de sable, avancée par le Bureau d'enquêtes sur les événements de la Mer (BEA mer), n'a jamais convaincu les familles des victimes?

REPONSE: Cette hypothèse crée un tollé immédiatement parce qu'il n'y a aucun exemple similaire, dans l'histoire, de croche avec une dune de sable qui aurait provoqué un naufrage. Alors qu'il y a 90 exemples, au moins, de croches avec des sous-marins, qui ont parfois amené des chalutiers au fond, que ce soit en France, en Angleterre ou aux États-Unis.

Dans l'histoire maritime, le Bugaled Breizh serait donc le premier chalutier de 24 mètres et 140 tonnes à couler par une croche dans une dune de sable. 

En outre, c'est vraiment le B.A. ba, la croche dans le sable. N'importe quel marin sait s'en dégager par une manœuvre très simple. C'est ce qu'apprend un mousse qui arrive sur un bateau. On peut difficilement supposer qu'un équipage aussi expérimenté se serait laissé avoir par une croche dans une dune de sable.

Q: Quand est apparue la thèse d'une croche avec un sous-marin?

R: Dès le jour du naufrage, sur les quais, ça parle assez vite de sous-marin parce que les marins du pays bigouden (Finistère, ndlr) savent que la zone de pêche est une zone dédiée aux exercices militaires de la Royal Navy.

Le lendemain, la préfecture maritime de Brest fait un communiqué et dit qu'il y avait un exercice militaire interallié, l'Aswex 04, qui devait débuter le 16 janvier à 00H00, c'est-à-dire le soir du naufrage. La préfecture dit qu'aucun des sous-marins prévus dans cet exercice n'est impliqué dans le drame. Cette communication, qui avait sans doute vocation à tenter d'éteindre un feu, crée finalement l'effet complètement inverse. 

Durant l'enquête, les experts d'Ifremer (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer) et l'expert judiciaire sont très circonstanciés sur les raisons pour lesquelles il pourrait s'agir d'un sous-marin. 

La différence dans le déroulement des câbles du chalut est ainsi le signe principal, pour ces experts, qu'il y a une force extérieure au bateau qui a agi entre 40 et 60 m de profondeur sur un des câbles du Bugaled Breizh. Entre 40 et 60 m de profondeur, on peut se demander ce qu'il y a... à part un sous-marin.

Q: Connaîtra-t-on un jour la vérité dans cette affaire?

R: Je pense que la Royal Navy, comme toutes les marines engagées dans l'exercice militaire ce jour-là (Aswex 04, ndlr), est au courant de ce qu'il s'est passé. Le commandant anglais du Turbulent Andrew Coles m'avait dit que son sous-marin était à quai le jour du naufrage mais qu'il avait reçu vingt messages. Les parties civiles ont demandé à avoir accès à ces vingt messages mais la Royal Navy leur a opposé le secret-défense.

Ces vingt messages, je suis assez convaincu qu'ils contiennent la vérité. Peut-être qu'ils ne désignent pas le Turbulent. Mais, à mon avis, ils donnent des indications sans doute déterminantes sur ce qu'il s'est passé ce jour-là.

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