Budget de la Sécu: le Sénat lance son marathon budgétaire, sans marge de manoeuvre
Le Sénat a débuté lundi son marathon budgétaire par l'examen du budget de la Sécurité sociale avec l'ambition d'adresser un "message politique" à défaut de pouvoir peser nettement sur ce texte...
Le Sénat a débuté lundi son marathon budgétaire par l'examen du budget de la Sécurité sociale avec l'ambition d'adresser un "message politique" à défaut de pouvoir peser nettement sur ce texte frappé du 49.3 à l'Assemblée nationale.
A peine remis d'une longue semaine de débats houleux sur l'immigration, soumis au vote mardi, les sénateurs ont lancé leur habituelle séquence automnale qui les mènera jusqu'à la mi-décembre avec le budget de l'Etat.
Ils se sont d'abord saisis du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 avec une particularité, et non des moindres: le gouvernement, sans majorité absolue à l'Assemblée nationale, a engagé sa responsabilité sur ce texte pour le faire adopter sans vote, escamotant même la majeure partie de l'examen des articles...
Cette arme constitutionnelle, encore activée lundi sur un autre texte (la loi de programmation des finances publiques), permet au gouvernement d'introduire les mesures à sa guise, et donc de tourner le dos à toutes les propositions du Sénat s'il le souhaite.
"On est avant tout dans une démarche politique parce que c'est le seul outil que nous avons ici", constate le président de la commission des Affaires sociales Philippe Mouiller (Les Républicains).
Trajectoire
Au Palais du Luxembourg, les parlementaires oscillent entre résignation et espoir. "A l'époque, on pouvait obtenir quelques avancées en s'accordant avec les députés en commission mixte paritaire (réunie après un examen dans chaque chambre, NDLR). Là, le gouvernement est tout seul", s'inquiète le sénateur socialiste Bernard Jomier.
Plus positive, l'écologiste Anne Souyris souligne que "cela oblige les ministres à nous répondre, ils ne peuvent plus se cacher".
Le gouvernement estime dans le PLFSS ce déficit à 8,8 milliards d'euros en 2023, puis 11,2 milliards en 2024. Ce dernier chiffre a été abaissé à 10,7 milliards après intégration de l'impact financier des amendements conservés après l'examen du texte à l'Assemblée nationale.
A plus long terme, ce déficit pourrait atteindre 17,5 milliards à l'horizon 2027, selon les projections du gouvernement.
"La ligne de crête est ténue. Elle n'est pas facile à tenir. Mais je dois aussi dire que je m'élève en faux contre l'idée selon laquelle (...) le gouvernement laisse filer les dépenses", a insisté le ministre de la Santé Aurélien Rousseau.
La rapporteure générale Elisabeth Doineau (groupe centriste) lui a rétorqué que "le gouvernement assume de financer durablement la santé par le déficit". "C'est ça qui est véritablement contestable dans ce PLFSS", a-t-elle regretté.
Sincérité
La majorité sénatoriale de droite et du centre a néanmoins prévu de rejeter l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2024, fixé à 254,9 milliards d'euros par le gouvernement. Un "message" pour "ouvrir le débat sur la sincérité des chiffres qui nous sont présentés", affirme Philippe Mouiller.
En revanche, le Sénat a rétabli lundi les trois premiers articles du projet de loi consacrés aux grands équilibres financiers, qui avaient été supprimés par l'Assemblée nationale.
Ils ont également adopté plusieurs mesures de lutte contre la fraude aux cotisations sociales, mais la gauche est parvenue à faire supprimer, contre l'avis du gouvernement et de la droite sénatoriale, un dispositif visant à s'attaquer à la "sous-déclaration" de chiffre d'affaires des micro-entrepreneurs employés par les plateformes numériques comme Uber.
"La régulation dont vous parlez, c'est la régulation d'un esclavagisme et rien d'autre. C'est inadmissible", a pointé Bernard Jomier. Mais là encore, le gouvernement aura tout loisir de rétablir sa mesure.
Sur le coeur du projet de loi, les alliés LR et centristes ont prévu quelques points de vigilance.
Ils proposeront ainsi de reporter au 1er janvier 2028, "au terme d'une expérimentation", la réforme du financement des hôpitaux, par laquelle le gouvernement veut réduire la part de la Tarification à l'activité (T2A). Une réforme jugée "précipitée" par la majorité sénatoriale.
Les sénateurs s'inquiètent aussi d'une augmentation possible des franchises médicales: le reste à charge pour les assurés quand ils achètent des médicaments (50 centimes par boîte) ou voient un médecin (un euro par consultation).
La droite sénatoriale devrait voter une mesure visant à obliger le gouvernement à consulter le Parlement avant tout projet de décret sur la question.
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