Borne dégaine le premier 49.3 de la saison, pour la programmation des finances publiques

Six mois après celui sur la réforme des retraites, Elisabeth Borne a dégainé un nouveau 49.3 mercredi, sur un texte de programmation des finances publiques, premier recours d'une longue...

La Première ministre Elisabeth Borne lors d'une session de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 26 septembre 2023 à Paris © MEHDI FEDOUACH
La Première ministre Elisabeth Borne lors d'une session de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 26 septembre 2023 à Paris © MEHDI FEDOUACH

Six mois après celui sur la réforme des retraites, Elisabeth Borne a dégainé un nouveau 49.3 mercredi, sur un texte de programmation des finances publiques, premier recours d'une longue liste attendue à l'Assemblée cet automne.

"Nous avons besoin de cette loi de programmation de nos finances publiques. Nous ne pouvons pas prendre le moindre risque", a justifié la Première ministre à l'Assemblée peu avant minuit, avant d'engager la responsabilité de son gouvernement.

Il s'agit de son 12e recours à cet outil qui, en l'absence de majorité absolue à l'Assemblée, lui permet de faire passer un texte sans vote, sauf adoption d'une motion de censure.

En réaction, l'alliance de gauche Nupes a immédiatement annoncé qu'elle en déposait une, dont le succès reste conditionné à un vote des autres groupes d'opposition.

"Cette orientation est la pire qui ait jamais été faite dans notre pays. 70 milliards d'économie sur le dos des Français d'ici à 2027", a dénoncé la présidente du groupe La France insoumise (LFI) Mathilde Panot. 

"On a un gouvernement qui est 49.3 dépendant", a fustigé son homologue socialiste Boris Vallaud, au côté de la cheffe du groupe écologiste Cyrielle Chatelain et du député PCF Nicolas Sansu.

L'opposition de gauche conserve une profonde amertume du recours à cette arme constitutionnelle en mars dernier pour faire adopter la réforme des retraites, dans une atmosphère de crise sociale et politique.

Les élus du parti Les Républicains (LR) de leur côté ne devraient pas déposer de motion et les ténors du groupe se sont montrés jusqu'ici réticents à voter une censure du gouvernement sur des textes d'ordre financier.

"Il faut que le gouvernement comprenne qu'il ne peut pas gérer la France par le 49.3", a déclaré de son côté le président du groupe indépendant Liot Bertrand Pancher.

"Nous avons pris nos responsabilités", a rétorqué le rapporteur général du Budget Jean-René Cazeneuve (Renaissance), dénonçant des groupes, "diamétralement opposés" sur les questions financières, "mais (qui) s’allient uniquement pour battre le gouvernement". 

Les oppositions à gauche et à droite ont de nouveau rejeté l'idée de soutenir le texte mercredi. Seul le groupe Rassemblement national (RN) avait laissé planer la possibilité de s'abstenir. 

Mais le camp présidentiel était de toute façon réticent à l'idée d'un "deal" avec l'extrême droite.

Distinct des traditionnels budgets de l'État et de la Sécurité sociale, le texte doit servir de feuille de route pour la trajectoire budgétaire française sur la période 2023-2027.

Des milliards européens en jeu ?

Rejeté par l'Assemblée il y a un an, il prévoit notamment de ramener le déficit public de 4,8% du produit intérieur brut (PIB) en 2022 à 2,7% en 2027, sous l'objectif européen de 3%, dans un contexte où la charge de la dette explose.

La dette publique diminuerait d'un peu moins de quatre points, à 108,1% du PIB, encore bien au-dessus de la limite européenne de 60%. Une trajectoire "peu ambitieuse" et basée sur des hypothèses de croissance "optimistes", a tancé le Haut conseil des finances publiques (HCFP) lundi. 

Reste que l'exécutif tient absolument au texte, arguant que la France s'est engagée à fournir une trajectoire à Bruxelles pour pouvoir obtenir 17,8 milliards d'euros sur la période 2023-2024. 

Des arguments que réfutent la plupart des oppositions.

"Soumettre le décaissement des crédits européens au vote d'une loi découle du seul engagement du gouvernement qui ne sait plus comment faire", a dénoncé la socialiste Valérie Rabault, considérant que la projection de réduction du déficit public était "inatteignable sans endommager sérieusement notre économie".

"Rien ne permet d'affirmer que l'absence d'adoption serait un motif seul de blocage des versements", et le gouvernement "restait libre de modifier sa politique budgétaire pour trouver une majorité", a martelé le président de la commission des Finances Eric Coquerel (LFI). 

Mais pour le gouvernement le timing est intéressant. Le texte étant examiné en session extraordinaire, il disposera toujours d'une cartouche de 49.3 pour la session ordinaire qui s'ouvre lundi.

Le gouvernement ne peut dégainer le 49.3 que sur un seul texte par session ordinaire, hors budgets de l'Etat et budget de la Sécurité sociale, sur lesquels il peut engager sa responsabilité autant de fois qu’il le souhaite.

Et Elisabeth Borne sera très probablement amenée à dégainer une dizaine de 49.3 à l'automne sur les budgets de l’État et de la Sécurité sociale.

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