Transition écologique
Biodiversité et énergies renouvelables : même combat ?
Biodiversité et énergies renouvelables sont-elles compatibles, quand la première représente des coûts pour les secondes, lesquelles ont un impact pour partie négatif sur l'environnement.. C'est en tout cas le pari nécessaire du SER, Syndicat des énergies renouvelables, qui organisait un forum sur le sujet.
En juillet dernier, à Paris, le SER, Syndicat des énergies renouvelables,
qui réunit les professionnels de la filière, organisait le
1er Forum
national des énergies renouvelables et de la
biodiversité intitulé «Énergies
renouvelables et Biodiversité : même combat».
L'enjeu, expose Jules
Nyssen, président
du SER, en ouverture du colloque, réside dans la conciliation entre
deux «luttes»
également vitales : celle contre la dégradation de la
biodiversité et celle contre le changement climatique, qui passe par
la décarbonation des sociétés et donc, notamment, par une
évolution du système énergétique marquée par un recours massif
aux EnR, énergies renouvelables. Mais celles-ci ne sont pas
dépourvues d'impacts sur la biodiversité. Et à l'inverse, cette
dernière représente un coût non négligeable pour les projets
EnR...
Afin
de préciser cet enjeu,
une
table ronde était
consacrée
à «En
quoi la situation actuelle fait état d'une opposition entre énergies
renouvelables et biodiversité ? Quels enjeux pour le
développement de ces filières».
En préambule, sur le plan strictement environnemental, il existe
bien des «tiraillements»
entre objectifs de décarbonation et impact des EnR sur
l'environnement, confirme Pierre
Cazeneuve, député
des Hauts-de-Seine, qui était rapporteur
du
projet de
loi
d’accélération des énergies renouvelables, visant à faciliter
l'implantation des infrastructures nécessaires. «Ce
n’est pas simple, il faut trouver des points d’équilibre. Il ne
s’agit pas de nier les impacts des EnR, mais de les mettre en
perspective. (...) Il est nécessaire de parvenir à une
objectivation du débat»,
clarifie
Jules
Nyssen.
Fake news et protection des oiseaux
A
ce titre, l'ensemble des intervenants de la table ronde juge
positivement la mise en place du nouvel «Observatoire
sur la biodiversité»,
prévu par
l'article
20 de la récente loi. «Il
s'agit avant tout consolider le diagnostic pour sortir des postures,
des dogmes»,
précise Olivier Thibault, directeur général de l'OFB, Office
français de la biodiversité, en charge de la nouvelle instance.
«Il
existe des études d'impact, mais nous manquons de connaissances
globales et de protocoles unifiés. Il est nécessaire de pouvoir
concentrer et exploiter les informations»,
ajoute
David
Marchal, directeur exécutif
adjoint de l’expertise et des programmes de l'ADEME, Agence de la
transition écologique.
Les études déjà
existantes montrent la complexité de la question des impacts –
certains positifs, d'autres négatifs – des EnR sur la biodiversité,
variables en fonction de nombreux paramètres. Par exemple, il est
avéré que les barrages perturbent la continuité sédimentaire.
Les
parcs éoliens, eux, retirent plus ou moins d'espace de vie aux
animaux, en fonction du lieu où ils sont implantés. Les projets
peuvent aussi inclure des mesures bénéfiques pour la biodiversité
à l'image de la plantation de haies.
Par ailleurs, dans certaines
installations photovoltaïques, «nous
voyons réapparaître des prédateurs, car l'espace est préservé
de la présence humaine et fait l'objet de peu de fauchage»,
témoigne David
Marchal. En
outre, des dispositifs peuvent permettre de réduire les impacts des
EnR. C'est le cas, par exemple, du bridage des éoliennes qui limite
les nuisances sonores et protège les oiseaux. «Il
est important de mesurer l'efficacité de ces dispositifs. C'est un
enjeu du point de vue du maintien de la biodiversité et de la
rentabilité des projets»,
souligne David
Marchal.
Pour
les intervenants à la table ronde, le nouvel Observatoire devrait
aussi constituer un rempart aux «fake
news»
sur les EnR qui prolifèrent dans le débat public, entravant le
déroulement des projets. Depuis plusieurs années, en effet, ces
énergies nouvelles (les éoliennes, en particulier) sont devenues un
terrain d'affrontement idéologique d'ampleur nationale.
Biodiversité et rentabilité nécessaire
Mais
la politisation du débat ne constitue pas le seul élément
perturbateur. En effet, même en considérant qu'
EnR
et biodiversité relèvent d'un
«même combat»,
les coûts que représente la seconde pour les premières
complexifient l'équation. En particulier, il existe «une
vraie difficulté de dialogue»
entre l'économie et l'écologie, en matière de politique publique,
selon Lucas
Robin-Chevallier, responsable
relations institutionnelles chez EDF Renouvelables. Illustration avec
un projet d'éoliennes en Camargue, situé dans un couloir d'oiseaux
migrateurs. Un arrêt de l'activité durant les périodes de
migrations (deux fois trois semaines par an) permettrait de résoudre
le problème écologique. Mais la remise en cause du modèle
économique du projet que constitue cet arrêt de l'activité n'est
pas prise en compte...
Autre
difficulté pour les entreprises de l'EnR, les recours en justice
réalisés pour stopper les projets au nom de la biodiversité. «Un
projet crée beaucoup de vocations environnementales locales. Il
s'agit souvent de personnes qui ne veulent pas de
ces
projets et qui utilisent l'argument de l'environnement»,
estime Lucas
Robin-Chevallier. Selon Olivier Thibault, toutefois, ces recours
sont également le fruit d'une intégration trop tardive des
problématiques de biodiversité dans les projets. «Il
faut arriver à les intégrer dès le départ, autrement cela se
termine devant les tribunaux. Pour avoir voulu passer en force, on
peut se retrouver avec rien, au bout de cinq ans»,
observe-t-il. Certains ont déjà fait le calcul.
Chez Engie, sur un
projet de huit ans, deux sont consacrés aux études préalables. «C'est
devenu une dimension opérationnelle de la gestion de projet, nous
avons transformé le modèle économique pour l'intégrer»,
explique
Julia
Maris,
vice-présidente RSE, chez Engie. Entre 2023 et 2025, l'entreprise
prévoit d'investir 13 à 14 milliards d'euros dans les EnR. En la
matière, poursuit-elle,
«les
leviers financiers nécessaires sont dans le monde des entreprises».
Lesquelles ont elles-mêmes besoin d'assurer leur rentabilité. Au
total, rappelle Lucas
Robin-Chevallier, le respect de la biodiversité impacte le modèle
économique : «Cela
va se répercuter sur le prix du mégawatt».