Entreprises
La Moselle entrepreneuriale au cœur d’incertaines perspectives nationales
Le bilan national des entreprises élaboré par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et l'institut Xerfi livre ses premiers résultats pour 2022. Ils annoncent clairement un retournement de tendance après une année porteuse pour l’entrepreneuriat. On retrouve dans cette étude nombre de paramètres similaires entre le panorama hexagonal et mosellan, même si en termes de chiffres, notre département a bien limité les dégâts l’an passé… même si une relative euphorie est passée. 2023 ne sera pas de tout repos. Avec ce constat : toute une partie des entreprises nées durant la Covid-19 repose sur des fondations fragiles... quand elle n'a pas déjà disparu.
Le bilan national des entreprises élaboré par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et l'institut Xerfi a donné ses premiers résultats pour 2022. Après une année 2021 particulièrement porteuse pour l'entrepreneuriat, 2022 s'est achevée sur une note beaucoup plus mitigée : envol des entreprises en difficulté, baisse des créations d'entreprises, radiations en hausse… de sombres perspectives qui restent toutefois à relativiser au regard des chiffres de 2019, avant la crise sanitaire. Les entreprises en difficulté y étaient alors 20 % plus nombreuses qu'en 2022. Entre janvier et novembre 2022, 34 082 entreprises en difficulté ont ouvert une procédure collective, soit une hausse de 53 % par rapport à la même période en 2021. En cause, les effets à retardement de la crise sanitaire, avec l'arrêt progressif des dispositifs de soutien déployés à partir de 2020, et un contexte économique et géopolitique difficile (guerre en Ukraine, hausse des prix de l'énergie, inflation…).
L'hôtellerie-restauration dans le rouge
En hausse de 52 %, les liquidations judiciaires sont préférées aux redressements judiciaires et aux sauvegardes pour 80 % des procédures collectives ouvertes sur la période. La restauration (traditionnelle, rapide et débit de boisson) paie ici le plus lourd tribut en représentant 45 % du total d'entreprises en liquidation sur 11 mois. Notons que le nombre d'entreprises en difficulté enregistré sur 11 mois reste toutefois inférieur de 17 % aux niveaux de 2019, plus proches des dynamiques habituellement observées avant la crise sanitaire. Secteur durement touché par la crise sanitaire et ayant massivement bénéficié de dispositifs de soutien, l'hébergement-restauration enregistre deux fois plus d'entreprises en difficulté (+ 103 %) sur la période, à un an d'intervalle. Une fois encore, le secteur reste toutefois largement préservé comparativement aux dynamiques observées en 2019 (- 21 % d'entreprises en difficulté entre 2022 et 2019). La hausse des radiations d'entreprises frappe en premier lieu le secteur du transport et de l'entreposage (+ 37 % de radiations sur la période), porté en 2020 et 2021 par l'essor du e-commerce et de la livraison à domicile. 2022 marque un retour à la réalité pour ces jeunes entreprises qui ne parviennent finalement pas à assurer leur pérennité.
Les «produits» Covid-19 baissent pavillon
En outre, nombre d'entreprises nées en parallèle de la crise sanitaire n'auront pas survécu aux renversements de 2022 : 93 727 entreprises créées depuis 2020 ont précocement disparu en 2022, représentant ainsi près d'un tiers du total des radiations d'entreprises enregistrées sur la période. Là encore, la livraison à domicile et le e-commerce sont les premiers touchés, avec 8 entreprises radiées en 2022 sur 10 créées depuis 2020. Ce panorama national est intéressant à mettre en parallèle avec la situation mosellane telle qu'elle était dessinée par l'Insee ou la Banque de France. La tendance départementale n’incite pas à l’optimisme en matière de défaillances d’entreprises, même si, ici, la Moselle s’en sort mieux que d’autres. Quand sur les années 2020 et 2021, le nombre de défaillances était respectivement de 392 et 331, 2022 dépassera selon les données à consolider les 400. Certes, loin des 730 de 2019. Les défaillances sont plus prononcées pour les TPE. Les PME, comme les micro-entreprises, n’échappent pas à cette remontée des défaillances. La levée des dernières mesures de soutien à l’économie dans le cadre de la Covid-19, couplée à la crise de l’énergie et au remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) devrait continuer d’amplifier la hausse des défaillances en Moselle en 2023. Les faillites pourraient égaler ou dépasser leur niveau d’avant la crise sanitaire.
L'élan entrepreneurial ralentit
Sur le volet des créations d’entreprises en Moselle, les chiffres déparent d’une tendance hexagonale plutôt morose. Dans le département, pour la seconde année consécutive, la barre des 11 000 nouvelles immatriculations a été franchie. On avait noté un fléchissement de la création au printemps, poursuivi en été. La Moselle épousait ici le visage de la création en France. Jusqu’à ce surprenant revirement, sous forme d’une remontée de la courbe observée sur les quatre derniers mois de l’année. Ce bilan qui laisse cette impression que la volonté entrepreneuriale mosellane aurait pu passer entre les gouttes d’un climat socio-économique difficile n’est pas inexact. Mais ne nous leurrons pas, quittons ce déni - sport national, voyons avec réalisme le mur des réalités. À toutes les crises accumulées depuis trois ans, vient s’ajouter celle, terrible, de l’énergie, avec des conséquences directes sur l’économie artisanale et de proximité, symbolisées par le drame humain des boulangers dans nos campagnes, bourgs et villes. Avec eux, de nombreuses professions et commerces vont incontestablement souffrir. On peut craindre là un effet domino. Le quoi qu’il en coûte s’élève, selon les sources officielles, à 240 Mds€. Faut-il, dès lors, le rouvrir, pour alourdir, un peu plus, l’abyssale dette nationale qui a dépassé les 3 000 Mds€. Ce schéma a des accents à la Sisyphe, ce personnage de la mythologie grecque, condamné par Hadès à rouler perpétuellement un énorme rocher jusqu'en haut d'une montagne, d'où il retombait sans cesse. À bien des égards, notre économie a les traits de peu flatteur miroir…
Thomas Denfer, président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, souligne : «Si le «mur des faillites» n'est pas d'actualité, les dynamiques négatives observées pour l'ensemble de nos indicateurs appellent à la vigilance. 2023 s'ouvre sur un contexte perturbé pour notre tissu entrepreneurial, marqué par l'inflation, l'accumulation de difficultés de recrutements, le risque de montée des tensions sociales et un conflit géopolitique qui dure. Les entreprises ont besoin d'être toujours plus soutenues et accompagnées dans leurs démarches et la prévention de leurs défaillances. Les greffiers des tribunaux de commerce, tiers de confiance, répondront présents.»