Après une baisse de défaillances, le tribunal de commerce du Havre s'attend à une "normalisation progressive"
L'audience solennelle du tribunal de commerce du Havre s'est déroulée mardi 25 janvier, sans public. L'occasion pour Cristel Betremieux de faire le bilan d'une année 2021 exceptionnelle.
Comme pour le tribunal de commerce de Rouen, l'activité juridictionnelle de la juridiction havraise est en baisse. Alors qu'en 2021, le nombre de défaillances a atteint son niveau le plus bas depuis 35 ans, le territoire havrais ne fait pas exception. Après avoir chuté de 20% entre 2019 et 2020, le nombre de procédures collectives ouvertes par le tribunal de commerce du Havre a encore reculé de 25% l’an dernier, pour tomber à 110. Cette baisse se traduit également à l'échelle de la région. En Normandie, 999 procédures ont été ouvertes en 2021 contre 1 367 procédures en 2020, soit une baisse de 27%, le pourcentage le plus élevé des régions françaises.
La présidente du tribunal de commerce, Cristel Bétremieux, met en avant les différentes mesures de soutien aux entreprises mises en place par l'Etat, notamment les mesures d'assouplissement du remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) - qui permet de décaler la première échéance et d'étaler les paiements jusqu'à dix ans. Selon Cristel Bétremieux, « c'est une bonne chose, car en étalant la dette sur dix ans, il est davantage possible de la rembourser » et donc, de sauver les entreprises.
Une hausse des défaillances au 4e trimestre
« Nous avons tout de même constaté une légère hausse des défaillances en Normandie au 4e trimestre 2021 avec une augmentation de 3,2% », annonce la présidente du tribunal de commerce du Havre. Les conséquences de la crise économique commencent donc à se faire sentir. « On est plutôt sur des problématiques liées à la difficulté d'approvisionnement de matières premières, au surcoût que cela engendre, note-t-elle. On voit que les entreprises du bâtiment commencent à être touchées. » Alors qu'en 2021 les acteurs économiques s'attendaient à une flambée de défaillances, Cristel Bétremieux entrevoit plutôt des vagues successives de procédures collectives sur le long terme, une "normalisation progressive".
La présidente du tribunal de commerce du Havre s'inquiète surtout de l' « effet boule de neige ». « Ce que l'on redoute c'est qu'une entreprise en difficulté se retrouve dans l'incapacité de payer ses fournisseurs, et que cela engendre des difficultés aussi chez les fournisseurs... »
Si, pour l'instant, les entreprises « n'ont pas besoin » de la juridiction, le tribunal de commerce du Havre se tient prêt et à l'écoute des chefs d'entreprise dans le besoin. « Il faut qu'ils sachent que la porte est toujours ouverte au tribunal de commerce ». Pour cela, Cristel Bétremieux mise sur la prévention des difficultés des entreprises. « En 2022, nous allons continuer de recevoir les entreprises en toute confidentialité pour trouver la meilleure approche et présenter toutes les solutions juridiques », explique-t-elle.
Miser sur la médiation
Par ailleurs, la présidente du tribunal de commerce va relancer un "chantier" entamé au début de son mandat, en 2019 : les modes alternatifs de résolution des différents (MARD). « Nous voulons permettre à des contentieux d'être conciliés, grâce à quatre juges conciliateurs ou des médiateurs, afin de rapprocher les deux parties et de trouver une solution amiable », explique-t-elle. Sur dix affaires, huit trouvent une issue amiable lorsqu'elles sont traitées ainsi.
Toujours dans le souci de mieux accompagner les chefs d'entreprise, le tribunal de commerce du Havre souhaite accroître le dispositif Apesa, une association créée par le tribunal de commerce de Douai (Nord) qui permet la prise en charge d'une assistance psychologique pour les chefs d'entreprises en détresse. 2022 sera aussi marquée par la formation des juges et la transition numérique au sein de la juridiction.
En chiffres
- Le nombre de jugements rendus en matière de contentieux général est de 162 contre 142 en 2020, soit une baisse de 14%.
- Le nombre d'ouvertures de procédures collectives (sauvegardes, redressements judiciaires, liquidations judiciaires) est de 110 contre 147 en 2020, soit une baisse considérable de 25%.
- Des plans de sauvegardes et de redressements sont en augmentation de 17 en 2021, contre 12 en 2020.
- Le nombre de procédures amiables est en baisse, seules 5 conciliations ont été ouvertes en 2021 contre 8 en 2020.
- Le nombre de création d'entreprises (immatriculation au RCS) est en augmentation de 37% pour les créations d'entreprise de personnes physiques (micro-entreprise), 33% pour les activités commerciales et 13% pour les sociétés civiles.