Industrie

Bergère de France : La Renaissance

Reprise officiellement le 25 octobre à la suite de la décision du Tribunal de commerce de Bar-le-Duc, Bergère de France ouvre un nouveau chapitre de son histoire. La filature familiale devenue tout récemment société coopérative de production (SCOP) conserve son outil de production et s’appuie désormais sur 57 salariés-associés avec la volonté de moderniser son image et de s’accrocher à la tendance du «fait main».

© Alexandra Marquet. Valentine Fanjeaux, la présidente du Conseil d’administration et Jean-Michel Nicolas, le nouveau directeur général de la SCOP .
© Alexandra Marquet. Valentine Fanjeaux, la présidente du Conseil d’administration et Jean-Michel Nicolas, le nouveau directeur général de la SCOP .

SCOP pour société coopérative de production. Un sigle qui est à la mode en Meuse. Après La Meusienne en juillet dernier, c’est Bergère de France qui a changé son statut avec la reprise par cinquante-sept de ses salariés devenus tous associés auxquels il faut ajouter dix tricoteuses à domicile. Une décision qui permet surtout à la filature meusienne de ne pas disparaître de l’environnement industriel français. «Il a fallu convaincre notamment l’Union régionale des SCOP de nous suivre alors que notre business model repose sur des consommateurs privés. Nous nous sommes attelés à leur démontrer que le site de production n’était pas une coquille vide», se rappelle Jean-Michel Nicolas, le nouveau directeur général. Au début de l’aventure, quatre personnes clefs planchent sur le dossier avec une seule obsession : «sauver l’entreprise, maintenir l’outil de production et les emplois.» Tous croient en la possibilité d’inscrire l’entreprise créée à Bar-le-Duc en 1946 par la famille Petit dans l’ère de la modernité. Dans les années 80, l’atelier de tricotage compte 750 emplois, en plein cœur de Bar-le-Duc. Bergère de France était l’un des deux poids lourds du secteur dont l’activité va inexorablement baisser avec l’émergence du prêt-à-porter et la multiplication des enseignes d’habillement. Le changement de consommation se traduit par une première alerte en 2015 quand le redressement judiciaire est prononcé par le tribunal de commerce de Bar le Duc. À l’époque, le chiffre d’affaires affiche 18 millions d’euros et 150 personnes y travaillent encore.

Repositionnement stratégique

Après dix ans de procédure collective, une absence totale de stratégie et un cercle vicieux alarmant pour des salariés en chômage partiel 30 % de leur temps de travail, la filature qui s’est déclarée en cessation de paiement et avait été placée en liquidation judiciaire en avril 2024 a repris son destin en main. Conscients que la solution ne viendrait pas d’un repreneur, au début de l’été, Valentine Fanjeaux pour la partie production, Jean-Michel Nicolas pour la direction commerciale, Corinne Bauvin pour la création et David Soldi pour le digital se sont engagés pleinement dans le projet de la Scop. Le défi était grand avec un délai particulièrement court. Le Tribunal qui devait se prononcer le 26 juillet leur a alors laissé trois mois supplémentaires pour peaufiner leur dossier et trouver des financements sachant que les banques ne prêtaient plus à l’entreprise depuis dix ans. «On a décidé de redéfinir les règles et d’arrêter la stratégie de l’entreprise qui prônait : toujours plus de références, moins de budget et des ventes accès sur les soldes», explique Valentine Fanjeaux, la présidente du conseil d’administration de la SCOP. Compte tenu des problèmes énergétiques et pour faire face à un outil de production surdimensionné, capable de produire 1 500 tonnes par an contre 210 tonnes en 2024, le processus et la méthodologie de fabrication vont être revus avec le choix de concentrer la production sur les périodes les plus chaudes. L’enjeu est de réduire la consommation sachant que la facture énergétique annuelle s’élève à 1,6 million d’euros (entre l’électricité et le gaz) pour 2024.

Nouvelle visibilité

L’autre priorité concernera la modernisation des collections pour la filature qui «avait du mal à changer ses habitudes et avait perdu en visibilité alors que nous vendons des produits de qualité», analyse la nouvelle direction collégiale. Les équipes de création et de marketing ont été particulièrement mobilisées jusqu’à la fin décembre pour imaginer le futur catalogue de fils qui entre désormais dans la phase de production. 70 nouveaux coloris et surtout une nouveauté qui sera dévoilée une fois par mois pour suivre la tendance et la mode. «Nous ne misons pas sur une révolution, mais une évolution pour que la clientèle habituelle ne soit pas perdue.» Toute la subtilité est de séduire la nouvelle génération de consommateurs, plus jeunes, plus engagés dans des valeurs écologiques pour qu’ils deviennent les futurs ambassadeurs de la marque. Pour y parvenir, une nouvelle offre et de nouveaux canaux seront privilégiés. Côté investissement, le digital sera la priorité avec une enveloppe de 300 000 euros en 2025. Ambitieux, ce projet a été rendu possible grâce à la mobilisation générale de tous les acteurs économiques et des élus. En plus du soutien financier de l’union régionale des SCOP et deux établissements bancaires, la région Lorraine va voter une subvention de 200 000 euros auxquels s’ajoutent 400 000 euros du côté du GIP Objectif Meuse. Une dynamique collective qui espère avoir une résonance nationale pour une «démarche (qui) fait du bien à la profession et au fil à tricoter.»