Bâtiment : entre réalité du moment et enjeux de demain

Comment faire face aux enjeux de demain dans un climat général d’inquiétudes ? La question est quasi philosophique mais même si des signes (timides) d’amélioration conjoncturelle, apparaissent présents. Dans le Bâtiment, et encore plus chez les cousins des Travaux publics, si l’adaptation se veut nécessaire, elle en demeure tout de même plus que délicate.

© DR Quid de 2025 pour les secteurs du Bâtiment et des Travaux publics ? En cette fin d’année, dans la région comme partout dans l’Hexagone, les incertitudes se sont muées en inquiétude. L’adaptation plus que délicate demeure de rigueur.
© DR Quid de 2025 pour les secteurs du Bâtiment et des Travaux publics ? En cette fin d’année, dans la région comme partout dans l’Hexagone, les incertitudes se sont muées en inquiétude. L’adaptation plus que délicate demeure de rigueur.

Quand le bâtiment va, tout va ! La maxime est bien connue mais ce n’est pas vraiment un scoop à l’instant T d’annoncer que c’est loin d’être la grande forme. D’un point de vue purement conjoncturel dans la région : «les acteurs du second œuvre font face à une réduction de la demande, des problèmes de recrutement particulièrement pour les métiers spécialisés et une concurrence accrue», assure la Banque de France dans sa livraison de novembre dernier de ses tendances conjoncturelles régionales. «Au global, l’activité sur les chantiers se replie à nouveau. Les carnets de commandes pour le gros œuvre sont insuffisants du fait d’un manque d’appels d’offres et de projets notamment dans la construction neuve. L’attentisme des investisseurs et des promoteurs est notable.» 

Côté perspectives : «les carnets de commande pour le second œuvre offrent une meilleure visibilité pour 2025 mais dans l’ensemble, les trésoreries sont tendues et les marges en retrait avec des prix tirés vers le bas. L’année prochaine, un rebond modéré du courant d’affaires est prévu pour le second œuvre tandis que le gros œuvre devrait enregistrer un fléchissement.» À côté de la prise de température purement statistique en matière d’activité, c’est le climat général qui plombe tout simplement l’ambiance. 

«Nous sommes inquiets mais surtout dubitatifs sur le contexte général et politique», confie Alban Vibrac, le président de la Fédération du BTP de Meurthe-et-Moselle. À l’instar de ses homologues des autres départements lorrains, l’homme du bâtiment prône «la nécessaire adaptation à l’économie du marché, mais il est certain que c’est loin d’être facile tant les incertitudes qui planent sur nos entreprises sont nombreuses.» Des incertitudes multiples liées au contexte budgétaire annoncé par le gouvernement avec des coupes drastiques, notamment au niveau des collectivités territoriales. 

Cinq milliards d’euros d’économie, qui devraient être ramenés à deux milliards, sont réclamés par le gouvernement aux collectivités. L’effet boule de neige est certain au niveau de la commande publique. Les cousins des Travaux publics sont directement impactés car les collectivités locales demeurent les principaux donneurs d’ordre (voir encadré).

La rénovation énergétique, toujours moteur ?

Une donne déjà vécue par le secteur notamment en 2014 où l’État avait programmé une réduction budgétaire sur trois ans de onze milliards d’euros. Bilan des courses : baisse générale de l’activité de l’ordre de 25 %. Le brouillard législatif tenace et les annonces gouvernementales qui s’accumulent plombent le moral des troupes et accélèrent leur mobilisation. «Nous entrons dans une période de mobilisation générale pour les acteurs du BTP», assurait fin octobre Olivier Salleron, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB) à l’occasion de l’assemblée générale de la Fédération du BTP de Moselle.

À l’instar des autres pans entrepreneuriaux, le secteur est vent debout sur la diminution des allégements de charges et le transfert sur les entreprises d’une partie des indemnités journalières de sécurité sociale auxquels s’ajoute la baisse du soutien à l’apprentissage. C’est dans ce climat houleux et incertain, que le secteur tente vaille que vaille de s’adapter. Une adaptation, bien que délicate, nécessaire pour faire face aux grandes transitions liées à la démographie, à l’environnement et au numérique. L’enjeu de la rénovation énergétique demeure l’un des principaux moteurs de l’activité du secteur tout comme la construction neuve «qui se doit d’être un enjeu national», comme l’a assuré le président de la FFB en terres mosellanes. 

Sur ce point, les choses apparaissent avancer, même si dans les faits la chute de la construction neuve a plongé le secteur dans une crise enclenchée depuis l’année dernière. La nomination dans le gouvernement Barnier de Valérie Létard, ministre du Logement et de la Rénovation urbaine, se veut comme un signal fort. Cela faisait sept ans qu’un ministre en plein exercice n’avait pas été nommé au logement dépendant alors du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Construire mais d’une façon différente pour atteindre le fameux zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050 prévu dans la loi «Climat et Résilience».

Nouveaux leviers de développement

Cette sobriété foncière recherchée va impacter directement les entreprises du secteur dans les mois et année à venir. À la mi-novembre, la FFB, son pôle habitat et la Fédération nationale des Schémas de cohérence territoriale (SCoT) ont signé un partenariat pour croiser leurs expertises et «réfléchir dès maintenant à la définition et au déploiement de nouveaux modèles d’aménagement des territoires.» 

Un enjeu certain mais qui peut apparaître bien loin des préoccupations actuelles des TPE et PME du secteur. C’est pourtant sur ce type d’enjeu que l’avenir se joue. Tout comme la recherche de nouveaux leviers de développement et d’activité. L’an passé en Meurthe-et-Moselle, en lien avec l’État, un important travail a été mené pour tenter de pousser les entreprises du secteur à s’approprier le marché du photovoltaïque. Les choses apparaissent un peu en silence du fait du contexte politique général. 

Dans cette mouvance de transition écologique, le secteur doit répondre aux enjeux de la réduction de son empreinte écologique et surtout répondre à des évolutions réglementaires plus que complexes. L’exemple de «l’usine à gaz» de Ma Prim’Rénov ou de Ma Prim’Adapt devant, sur le papier, faciliter les démarches administratives des particuliers pour engager des travaux de rénovation est encore dans tous les esprits des entrepreneurs du secteur. Les questions du réemploi des matériaux de déconstruction et le recours à des circuits courts en termes d’approvisionnement sont également dans l’enveloppe des défis à relever. 

Reste que le quotidien prend rapidement le dessus, l’urgence apparaît aujourd’hui ailleurs. Dans les faits, l’incertitude d’hier s’est muée en inquiétudes. Un climat de confiance réel se doit d’être réellement mis en œuvre pour faire face à ces enjeux jugés tout simplement vitaux pour l’évolution sociétale générale.

Travaux publics : l’alerte rouge

Alerte générale ! À l’annonce par le gouvernement d’un coup de rabot sur les recettes des collectivités territoriales de 5 milliards, qui devrait être redescendu à 2 milliards, l’inquiétude monte encore d’un cran chez les professionnels des Travaux publics. Déjà à la fin octobre, lors de la présentation du projet de loi de finances 2025, la Fédération des Travaux publics de Lorraine alertait sur la réduction significative des dispositifs de financement des infrastructures à l’image du Fonds Vert ou encore du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). «Les besoins de financement des infrastructures sont cruciaux notamment dans le contexte actuel de dérèglement climatique (...) Il faut reconsidérer ces mesures et préserver les budgets alloués à l’investissement dans les infrastructures. Il est essentiel de renforcer le soutien aux collectivités locales et aux entreprises de travaux publics pour qu’elles puissent continuer à contribuer à la relance économique, à la transition écologique et à la protection des territoires», assure Thierry Ledrich, président de la Fédération des Travaux publics de Lorraine. Cela n’en prend pas vraiment le chemin....