Barbouzeries au profit de LVMH: Bernard Squarcini condamné à deux ans ferme

L'ex-patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini a été condamné vendredi à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, pour avoir profité de ses réseaux pour obtenir informations confidentielles et privilèges au bénéfice...

L'ex-patron du renseignement intérieur français Bernard Squarcini (d), lors d'une audience à Paris le 28 novembre 2024 © JULIEN DE ROSA
L'ex-patron du renseignement intérieur français Bernard Squarcini (d), lors d'une audience à Paris le 28 novembre 2024 © JULIEN DE ROSA

L'ex-patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini a été condamné vendredi à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, pour avoir profité de ses réseaux pour obtenir informations confidentielles et privilèges au bénéfice notamment du PDG de LVMH, Bernard Arnault.

Dans cette affaire à tiroirs, dont l'un portait sur la surveillance de François Ruffin, qui à l'époque tournait un film satirique sur le leader mondial du luxe, l'ancien chef de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue depuis DGSI) a en outre été condamné à une amende de 200.000 euros.

Le tribunal correctionnel de Paris a également prononcé contre M. Squarcini, 69 ans, une interdiction d'exercice professionnel en matière de renseignement, de conseil, d'intelligence économique pendant cinq ans, comme la quasi-totalité des condamnés.

La partie ferme de sa peine de prison s'effectuera sous bracelet électronique.

Le tribunal a souligné que M. Squarcini a notamment "détourné les moyens de l'État afin de satisfaire les préoccupations clandestines du représentant d'une personne morale de droit privé", "conçu et validé un système de surveillance étroite de l'activité et des membres d'une association dont l'existence était parfaitement légale".

Il fait valoir qu'en dépit d'une précédente condamnation, il "a délibérément choisi d'enfreindre la loi dans un dessein lucratif".

Bernard Squarcini a "immédiatement" fait appel de "cette décision susceptible de mettre en risque l'activité comme l'efficacité des services de renseignement intérieur", ont réagi ses avocats, Mes Marie-Alix Canu-Bernard et Patrick Maisonneuve. Il soulignent la "difficulté certaine" que pose selon eux le fait que le tribunal ait statué "sans la base factuelle toujours classifiée", après le rejet de leur demande de supplément d'information demandant la déclassification de certains éléments.

Le parquet avait requis quatre ans de prison avec sursis et 300.000 euros d'amende contre M. Squarcini.

Collusion

L'ancien chef de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a comparu en novembre aux côtés de neuf autres personnes, parmi lesquelles des policiers et consultants en intelligence économique.

Sept d'entre eux ont été condamnés vendredi à des peines allant de six mois de prison avec sursis à trois ans de prison dont deux avec sursis et 75.000 euros d'amende.

L'ancien magistrat de la cour d'appel de Paris Laurent Marcadier et le préfet Pierre Lieutaud ont tous deux été relaxés.

Dans ce dossier aux multiples volets, celui qui est surnommé "le Squale" a été condamné pour une palette d'infractions, allant du trafic d'influence à la complicité et au recel de violation du secret professionnel, en passant par l'appropriation d'un secret de défense nationale ou le faux en écriture publique.

M. Squarcini a été condamné vendredi notamment en lien avec une rocambolesque opération de surveillance de François Ruffin et du journal Fakir, entre 2013 et 2016, pour le compte de LVMH. M. Squarcini venait de se reconvertir dans le privé.

A l'époque, François Ruffin, alors journaliste, tournait le film "Merci patron !", qui sera récompensé en 2017 du César du meilleur documentaire, et prévoyait d'interpeller Bernard Arnault lors des assemblées générales du groupe de luxe.

A l'issue du délibéré, François Ruffin a fait valoir qu'il est désormais "jugé" qu'"il y a eu une collusion entre la première fortune de France et le premier flic de France pour faire espionner un petit journal et son rédacteur en chef qui, à l'époque, faisait un film qui était de nature satirique".

Absolument pas au courant

Regrettant que Bernard Arnault n'ait pas fait l'objet de poursuites pénales, le député lui a donné rendez-vous au civil, dans une procédure engagée l'année dernière notamment pour atteinte à la vie privée et espionnage.

Bernard Arnault avait d'ailleurs témoigné à la barre, contraint de venir au tribunal après avoir été cité à comparaître par les avocats de l'ancien journaliste et désormais député François Ruffin (ex-LFI, qui siège désormais dans le groupe écologiste), partie civile.

Le milliardaire avait assuré n'avoir été "absolument pas au courant" et a accusé M. Ruffin "d'instrumentaliser" le procès, celui-ci n'ayant eu de cesse de déplorer que le groupe de luxe ait pu conclure, en 2021, une convention judiciaire d'intérêt public de 10 millions d'euros pour éviter les poursuites.

Selon l'accusation, M. Squarcini a indûment missionné des agents de la DCRI en 2008 afin de débusquer un homme qui voulait faire chanter Bernard Arnault, mais aussi obtenu des informations couvertes par le secret auprès de policiers, notamment sur l'affaire Cahuzac, sur une plainte d'Hermès contre Vuitton et sur l'assassinat de l'avocat corse Antoine Sollacaro. Ou encore fait appel à ses connaissances pour faciliter des procédures de passeports et visas.

Les avocats de la défense avaient plaidé la relaxe.

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