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Baisse de la prise en charge de l’apprentissage : quelles conséquences en Moselle ?
La seconde baisse des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage est entrée en vigueur en cette rentrée. Les deux décotes successives permettront à France Compétences, opérateur en charge de la répartition des fonds de la formation et l’alternance, d’économiser 540 M€ chaque année. Le réseau CMA France y voit lui un impact certain sur la filière de l’apprentissage. Au Campus des Métiers de Moselle quelque 2 000 alternants sont formés tous les ans, préparant une quarantaine de diplômes...
Lundi 10 juillet, le conseil d’administration de France compétences a débattu de la méthode retenue pour parvenir à dégager des économies. Lundi 17 juillet, les partenaires sociaux ainsi que Régions de France se sont opposés à ces propositions de révision... Sans effets au vu du poids des représentants de l’État dans les instances décisionnaires de l’organisme. Après une première vague de baisses intervenue en septembre 2022, cette nouvelle mesure prévue depuis l’an dernier ferait économiser environ 540 millions € en année pleine, soit 5 % des dépenses. L’exécutif défend une baisse «proportionnée» qui tient compte de l’écart entre les coûts contrats appliqués et une «valeur de référence» moyenne où l’inflation a été intégrée.
Aucun «coût-contrat» réduit de plus de 10 %
53 % des quelque 40 000 niveaux de prise en charge (définis par chaque branche professionnelle pour chaque diplôme accessible en apprentissage) ne sont pas concernés par cette baisse. Plus de 8 600 tarifs, soit un niveau de prise en charge sur cinq, ce qui concernera 31 % des effectifs d’apprentis, sera impactée par une diminution de 10 % de la prise en charge des frais pédagogiques par leur opérateur de compétence. La baisse moyenne pour les titres et diplômes concernés atteint 7 %. «On assiste à l’insoutenabilité financière de la réforme, qui se mesure logiquement par des baisses successives des coûts-contrats. Le gouvernement a voulu soutenir les chiffres de l’apprentissage au prix d’un déficit colossal. Cette réforme aboutit à des déséquilibres majeurs», commente David Margueritte, qui représente les régions au sein du conseil d’administration de France compétences.
Baisse des moyens... sur les métiers en tension
Pour la fédération des directeurs de CFA, la Fnadir, par cette décision, «la nation se désengage de l’éducation et de l’insertion des plus éloignés de l’emploi. Sur le top 25 des secteurs qui vont être touchés, 30 % concernent les niveaux CAP et équivalents et 23 % les niveaux bac et équivalents. Une part importante des diplômes bac ou infrabac des secteurs du bâtiment, de la boulangerie, de l’hôtellerie et des services à la personne vont subir cette baisse alors qu’il s’agit de secteurs en tension.» Pour l’Union des entreprises de proximité (U2P), organisation patronale représentant les TPE, cette mesure conduira «à une baisse de la qualité des formations dispensées et du nombre d’apprentis» et «ne tient pas compte des oppositions formulées par l’ensemble des organisations syndicales et patronales.»
Ponction sur l'UNEDIC ?
«Cette nouvelle baisse, cumulée aux autres sources de dépenses, risque d’engendrer un déficit pour les 137 CFA, fragilisés économiquement parlant pour supporter ces charges supplémentaires», dénonce le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA). Dans une note publiée le 7 juillet, la Cour des comptes préconisait de mieux tenir compte de la «moindre valeur ajoutée de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur» sur le retour à l’emploi afin de réduire les dépenses de France compétences en matière d’apprentissage. «Il serait utile d’étudier la possibilité de faire contribuer directement les employeurs d’apprentis préparant des diplômes de niveau bac +3 et plus, au financement de la formation de leurs apprentis», indiquait-elle. Le gouvernement réfléchit à la piste d’une ponction sur un tiers des recettes de l’UNEDIC (environ 3 Mds€ pris sur les cotisations des entreprises et la CSG) maintenant que le régime a retrouvé la croissance.
Des métiers menacés ?
Joël Fourniy, président de CMA France, n’a pas caché ses inquiétudes quant à la baisse des «coûts-contrats» : «Aujourd’hui, notre outil de formation fonctionne, fait l’objet d’investissement et permet de former à des métiers rares, en proximité, parce que les formations qui sont déficitaires restent minoritaires. Les marges qui nous permettent d’équilibrer la charge qu’elles représentent. Demain, cela pourrait ne plus être le cas. Le pire des scénarios nous amènerait à ne plus signer de contrats d’apprentissage dans les formations déficitaires lors de la prochaine campagne de recrutements en mars 2024. Comment l’imaginer, Donnez-nous les moyens de continuer à former. L’effet domino de cette décision, c’est que nous n’aurons plus la capacité de répondre aux besoins de formations des jeunes comme des entreprises dans de très nombreux métiers. Si vous ne formez plus à ces métiers, ils sont clairement menacés.»
Comme une incohérence...
CMA France pointe un risque de baisse de qualité des formations, l’arrêt de celles à faibles effectifs déjà déficitaires, la fermeture de CFA ruraux pour regrouper les effectifs. Dans un contexte où le besoin de main-d'œuvre est criant dans de nombreux métiers, où l’exécutif a fait sien l’étendard d’un objectif d’un million d’apprentis en France, il y a là, effectivement, comme une dissonance. Le réseau des CMA demande, plus globalement, une concertation de fonds et d’ampleur sur le financement durable de l’apprentissage dans notre pays. Dans ce domaine, comme dans d’autres, avoir des ambitions est louable, leur en donner les moyens est mieux encore…
Impact sur le local ?
En Moselle, le Campus des Métiers de la CMA 57 est composé de 3 CFA (Metz, Forbach et Thionville) et de l’Institut Supérieur National de l’Artisanat dévolu à la prothèse dentaire. Le campus propose un enseignement en alternance entre l’entreprise et le centre de formation sur les métiers de l’artisanat. Il permet à toute personne de 16 à 29 ans d’acquérir des compétences techniques, des connaissances générales et professionnelles. Plus de 40 diplômes y sont préparés sur les niveaux 3, 4 et 5 dans les domaines tels que l’alimentation, le service à la personne, l’automobile, les énergies électriques et leurs communications et les métiers des arts graphiques. Le campus est doté d’équipements de hautes technicités «Pôle Élite» en automobile, centre historique en prothèse dentaire, Pôle alimentaire aux normes CE, salon de soins esthétiques équipé des dernières technologies. Rien que sous l’angle local, on mesure toute la problématique posée...