Environnement

Baie de Somme zéro carbone : la transition et le surtourisme en question

L’association Baie de Somme zéro carbone a organisé un colloque sur la thématique de la Transition et du surtourisme L’une des plus belles baies du monde ne cesse de séduire de plus en plus d’admirateurs, ce qui entraîne des conflits avec les habitants et des craintes pour la biodiversité. Des pistes d’actions sont apparues…


L’objectif est de protéger cette biodiversité unique.
L’objectif est de protéger cette biodiversité unique.

Un colloque a été organisé à l’entrepôt aux sels de Saint-Valery-sur-Somme, par l’association Baie de Somme zéro carbone, avec en fil rouge un constat : la pression touristique grandissante a des impacts divers en baie de Somme, sur les infrastructures, l’environnement, l’habitat, les commerces, les habitants… Pour preuve à l’entrée, des prospectus ont été distribués pour inviter à signer une pétition sur change.org concernant des nuisances engagées par l’exploitation de cinq embarcations semi-rigides, équipées de moteurs à essence, de février à novembre en baie.

Ce colloque a réuni différents acteurs publics, scientifiques et privés. Il a porté sur l’exploration et l’échange autour des questions qu’induisent le tourisme et la sur-fréquentation en France pour les professionnels et les chercheurs du secteur du tourisme, dans un contexte de territoires en transition.

Un juste équilibre à trouver

L’association Baie de Somme zéro carbone, fondée en 2009, rassemble une cinquantaine d’acteurs du tourisme. Ce sont des hébergeurs, des restaurateurs, des commerçants, des prestataires d’activités de nature. 

En préambule, Daniel Chareyron, le maire de Saint-Valery-sur-Somme, a confié : « Saint-Valery n’a pas été créée pour le tourisme, comme les stations de ski. C’est une ville historique qui a grandi grâce au tourisme, 2 500 habitants y vivent toute l’année. Nous avons développé un certain nombre de services pour eux, en terme de filière, le tourisme est la plus pourvoyeuse d’emplois directs et indirects, non délocalisables. Tout est une question d’équilibre, d’échelle et d’espace. Nous avons encore cinq exploitants agricoles de qualité, ils sont primordiaux. »

Notamment ancien député, président du Syndicat mixte baie de Somme Grand littoral-picard et président du club des Plus belles baies du monde, Jérôme Bignon a interrogé à propos du développement touristique mené depuis plusieurs décennies : « Tout n’a pas été parfait. Est ce qu’on a bien fait, est ce qu’on est passé à côté de que chose chose ? »

Il a pointé lui aussi un équilibre à trouver et la difficile mission des maires. Il a pris exemple sur le Kilimandjaro, situé dans un parc et dont l’accès est réglementé. Les mobilités douces, comme le petit train à vapeur au départ de Noyelles-sur-Mer, sont pour lui à privilégier afin de préserver ces sites « pour les générations qui viennent ».

Une problématique d’équilibre que n’a pas pu contourner non plus Sabrina Holleville, vice-présidente du Conseil départemental en charge du tourisme : « Le tourisme est un vecteur indéniable d’économie pour la baie de Somme, pointe t-elle. Saint-Valery fait partie des joyaux en France, elle a su garder son caractère authentique, préservé. Il faut garder cet équilibre en baie de Somme, le Conseil départemental a fait de la transition écologique un fil rouge de ses politiques publiques. Nous allons d’ailleurs plancher sur la fresque du climat au Cap Hornu. C’est tout un écosystème qui est appelé à changer : gestion et flux de tourisme, mobilités douces, circuits courts… Il s’agit d’adapter nos pratiques en faisant preuve d’intelligence. »

Jean Viard, directeur de recherche associé au CNRS, spécialiste du tourisme.

« On peut espérer gagner la bataille du réchauffement climatique »

Pour Jean-Philippe Gold, directeur du Comité régional du tourisme des Hauts de France : « On est en train de vivre une quatrième révolution touristique. » Directeur de recherche associé au CNRS, spécialiste du tourisme, Jean Viard, a commencé par doucher la salle : « Il n’y pas assez de touristes, 60% des Français partent en vacances, il en faudrait 80% car le voyage rend citoyen. Nous sommes dans une époque de rupture, nous avons gagné la bataille du Covid, on peut espérer gagner celle du réchauffement climatique. Nous allons vers une société de proximité, vers un monde de livraison et du repli sur soi : 3 millions de personnes ont déménagé et 3 millions ont quitté leur travail. Elles ont le désir de quitter les villes, le rapport au travail a changé. Elle ne partent pas que pour du télétravail mais aussi pour créer des petites entreprises. À Paris, 30% des locaux sont vides. C’est la fin de l’idéologie du progrès. »

Pour lui, l’avenir de la société passera par l’alliance du numérique et de l’écologie. Ainsi, deux calanques de Marseille ne sont accessibles qu’après réservation, la fréquentation est limitée à 400 personnes par jour au lieu de 2 000. Le réchauffement climatique permettrait d’étaler la saison d’automne. Un modèle adaptable à la baie de Somme grâce à diverses informations distillées via des sites Internet.

Jean-Michel Decroly, professeur de géographie et de tourisme à l’université libre de Bruxelles, s’est exprimé sut la thématique "Les conflits d’aménagement et d’usage de l’espace touristique sont-ils solubles dans la participation citoyenne ?". Il a mis en lumière quelques solutions : la régulation de l’aménagement touristique pourrait passer par l’obligatoire d’obtenir un permis pour la création d’un hébergement touristique et par la mise en place de jury citoyens pour des projets d’envergure. Enfin, le rôle des hôtes serait négligé : les comportements des tourismes seraient différents s’ils louent un meublé autonome ou une chambre chez l’habitant.

Gérant du Domaine du Val (30 chalets et salle de séminaire) à Grand-Laviers, Xavier Menesson, également secrétaire de l’association Baie de Somme zéro carbone confie : « Je m’équipe de six vélos électriques pour la prochaine saison. Je vais installer 80 m² de panneaux photovoltaïques et j’ai un projet de pompe à chaleur, c’est important de mettre en place ce type d'actions. Un colloque comme celui-là permet de découvrir des pistes pour se protéger, anticiper pour agir sur le tourisme en termes d’impact sur la biodiversité et sur la fréquentation de certains sites, comme Saint-Valery-sur-Somme, les jours fériés. Il faut que chacun s’empare du débat, par exemple, il est quasi impossible pour les locaux de se loger sur le littoral. L’idée n’est pas de tuer la poule aux œufs d’or, il y a une vraie réflexion à mener. »