Avec Bruno Retailleau à l'Intérieur, un nouveau round sur l'immigration ?
Moins d'un an après les vifs débats sur la loi immigration qui avait divisé jusque dans la macronie, le sujet est appelé à redevenir brûlant avec l'arrivée au ministère de l'Intérieur de celui qui avait largement contribué à...
Moins d'un an après les vifs débats sur la loi immigration qui avait divisé jusque dans la macronie, le sujet est appelé à redevenir brûlant avec l'arrivée au ministère de l'Intérieur de celui qui avait largement contribué à durcir ce texte: le très droitier Bruno Retailleau.
Après la censure partielle de certaines des dispositions les plus dures de la loi par le Conseil constitutionnel, celui qui était alors président des Républicains au Sénat avait exhorté en janvier le gouvernement à "reprendre au plus vite dans un texte législatif spécifique l’ensemble des dispositions invalidées".
Le voilà désormais en possibilité de le faire, au ministère de l'Intérieur. D'autant que le nouveau Premier ministre Michel Barnier, après avoir lui-même durci sa position sur l'immigration ces dernières années, a exprimé juste après sa nomination son "souci de maîtriser" l'immigration avec "humanité", laissant entrevoir la résurgence de ce sujet inflammable dans l'agenda politique, au grand dam des associations de défense des migrants.
"On espère que Bruno Retailleau et le gouvernement ne s'arrêteront pas à des postures et des mesures qui ne feront que cliver toujours plus la société", a réagi auprès de l'AFP Najat Vallaud-Belkacem, présidente de France terre d'asile.
La loi immigration, dont les derniers décrets ont été publiés en juillet, avaient alimenté 18 mois de tensions, d'hésitations et d'âpres négociations entre la droite et le gouvernement au Parlement.
Malaise gouvernemental
La droite, après avoir célébré l'adoption mi-décembre du projet de loi qu'elle avait largement durci au Sénat sous la férule de Bruno Retailleau, avait déchanté en janvier avec la censure partielle du texte au Conseil constitutionnel. Avaient notamment disparues l'instauration de quotas migratoires annuels et la suppression de l'Aide médicale d'Etat (AME) pour les sans-papiers.
Le Sénat avait aussi introduit dans le texte original de la loi "le rétablissement du délit de séjour irrégulier, la caution retour pour les étudiants étrangers, les mesures de restriction du regroupement familial ou celles restreignant le droit du sol".
En réaction à ces mesures ajoutées par la droite, plusieurs membres de l'aile gauche du gouvernement n'avaient pas caché leur malaise allant pour le ministre de la Santé Aurélien Rousseau jusqu'à démissionner dès le vote en décembre.
Désormais député Nouveau Front populaire des Yvelines, ce dernier a déploré dimanche sur franceinfo la nomination de Bruno Retailleau à l’Intérieur, un ministre "qui dit qu'il y a des Français de souche et des Français de papier".
Comme lui, l'ex-ministre de la Recherche, Sylvie Retailleau, avait présenté sa démission après le vote de cette loi, en raison d'un "désaccord profond" sur les mesures concernant les étudiants étrangers. Démission alors refusée.
Neuf mois plus tard, Mme Retailleau ne figure plus dans le nouveau gouvernement formé par Michel Barnier.
Politique de civilisation
Pas plus que d'autres frondeurs comme Clément Beaune, évincé du ministère des Transports quelques semaines après avoir critiqué la loi, ou Patrice Vergriete, qui l'avait remplacé à ce poste mais n'a pas été reconduit samedi.
La création d'un ministère de l'Immigration un temps envisagé, a été abandonnée par le Premier ministre, mais les positions de Bruno Retailleau font craindre à certains un nouveau tour de vis.
Partisan d'une "politique de civilisation", l'ancien protégé de Philippe de Villiers au Mouvement pour la France (MPF) avait lors des émeutes de juin 2023 établi un lien entre l'immigration, ces débordements et "une sorte de régression vers les origines ethniques" de la part des "deuxième et troisième générations".
"Les vrais enjeux en la matière aujourd'hui sont d'organiser l'accueil, de préserver la tradition d'asile française et de promouvoir tout ce qui peut nous permettre de coexister en paix", rétorque l'ex-ministre socialiste de l’Education nationale et des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem.
"J’ose espérer que vous ne définirez pas la politique migratoire de la France en donnant des gages à la droite extrême et à l’extrême droite", a exhorté François Héran, titulaire de la chaire Migrations au Collège de France et président de l’institut Convergences Migrations du CNRS dans une tribune, publiée il y a quelques jours dans le journal Le Monde et adressée à Michel Barnier.
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