Avec 3,2% de croissance, l'Espagne a poursuivi sa "remontada" économique en 2024

Epargnée par la morosité qui touche la plupart de ses voisins européens, l'Espagne a vu son produit intérieur brut progresser fortement l'an dernier, porté par une fréquentation touristique record et par la...

Sur la plage de Valence, en Espagne le 5 juillet 2024 © Jose Jordan
Sur la plage de Valence, en Espagne le 5 juillet 2024 © Jose Jordan

Epargnée par la morosité qui touche la plupart de ses voisins européens, l'Espagne a vu son produit intérieur brut progresser fortement l'an dernier, porté par une fréquentation touristique record et par la hausse de sa population, soutenue par l'immigration.

Oublié le marasme économique du début des années 2010 puis le trou d'air provoqué par la pandémie de Covid-19... Selon une première estimation publiée mercredi par l'Institut national des statistiques (INE), la croissance espagnole s'est élevée à 3,2% en 2024, après 2,7% en 2023.

Ce taux, atteint à la faveur d'un quatrième trimestre solide (+0,8%), est légèrement supérieur aux prévisions du FMI et de la Banque d'Espagne, qui tablaient sur 3,1%. Il est surtout bien plus élevé que celui de la zone euro, où la Banque centrale européenne s'attend à 0,8% de croissance.

La croissance espagnole est "quatre fois supérieure à la moyenne de la zone euro", s'est félicité le ministre de l'Economie Carlos Cuerpo, en qualifiant les chiffres de l'INE d'"excellents". "Depuis plus de deux ans, nous n'avons cessé d'avoir des surprises positives" sur la plan économique, a-t-il ajouté.

Dans ses prévisions envoyées fin 2023 à Bruxelles, le gouvernement avait initialement parié sur 2% de croissance. Il avait ensuite révisé son objectif, jusqu'à évoquer une cible comprise entre 3,1% et 3,2%, malgré l'impact des inondations meurtrières qui ont ravagé fin octobre le sud-est de l'Espagne.

Revanche

L'économie espagnole a résisté "aux vents contraires", dans un contexte de "fortes tensions internationales", observe pour l'AFP Juan Carlos Martínez Lázaro, professeur d'économie à l'IE University de Madrid, qui voit dans ces 3,2% de croissance une forme de "revanche".

Après avoir fortement souffert lors de la crise financière de 2008, l'Espagne avait vu son PIB chuter de 10,8% en 2020 à cause de la pandémie de Covid-19, qui avait mis à l'arrêt son puissant secteur touristique, dont dépendent plus de 13% des emplois dans le pays.

La quatrième économie de la zone euro a depuis remonté la pente, jusqu'à être placée mi-décembre en tête du classement 2024 des économies les plus performantes de l'OCDE par le magazine britannique "The Economist", devant l'Irlande et le Danemark.

Selon l'INE, cette "remontada" s'est traduite l'an dernier par une hausse des exportations, qui ont progressé de 3% en rythme annuel au quatrième trimestre, mais aussi par la consommation des ménages, qui a grimpé de 3,7%, grâce au ralentissement de l'inflation.

Cette dynamique a permis de ramener le taux de chômage espagnol à 10,61% de la population active fin décembre, soit son plus bas niveau depuis 2008. Elle devrait par ailleurs permettre à Madrid de ramener son déficit public sous la barre des 3% du PIB, pour la première fois depuis 2018.

2,4% prévus en 2025

Parmi les facteurs mis en avant pour expliquer cette amélioration figurent les fonds du plan de relance européen post-Covid, qui ont bénéficié à de nombreuses entreprises, et le rebond du tourisme, l'Espagne ayant accueilli l'an dernier 94 millions de visiteurs étrangers, soit un record.

"Cette fréquentation a dopé la consommation, mais aussi les exportations de service", souligne Juan Carlos Martínez Lázaro, qui évoque un autre facteur "important" pour comprendre le dynamisme espagnol: la croissance démographique du pays, soutenue par l'immigration.

D'après l'INE, l'Espagne a gagné 1,5 million d'habitants au cours des trois dernières années et frôle désormais les 49 millions d'habitants. Cela a permis de "soutenir la demande intérieure", avec des répercussions positives sur l'ensemble de l'économie, insiste le chercheur.

Cette situation va-t-elle se poursuivre? Le gouvernement, qui table sur une croissance de 2,4% en 2025, s'est dit mercredi optimiste. Avec "l'impulsion" du dernier trimestre 2024, l'Espagne est en "bonne position" pour "rester en tête des grandes économies européennes", a jugé Carlos Cuerpo.

"Il y a une force d'inertie qui devrait permettre à l'activité de rester solide", abonde M. Martínez Lázaro, qui se dit néanmoins prudent au vu des tensions commerciales internationales et de l'instabilité politique en Espagne, où le gouvernement, faute de majorité, n'a toujours pas présenté de budget pour 2025.

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