Auxiliaire de justice et d’entreprise
Issus de la loi Badinter de 1985 qui les a séparés des missions de syndic, les administrateurs judiciaires n’ont pas bonne presse. Considérés généralement comme des oiseaux de mauvais augure, ils sont des auxiliaires de justice dont cette dernière ne peut plus se passer. Rencontre avec l’un d’entre eux, Alexandre Delezennes.
La profession reflète la réalité d’un métier − d’une charge diront d’autres − où le quotidien ne le dispute plus à l’exception. On le voit dans les grandes affaires économiques qui tournent mal. En ce moment, pas un plan social issu d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire qui ne les met pas sur le devant de la scène : «nous devons accepter ce rôle public qui est parfois le nôtre», acquiesce Alexandre Delezennes, mandataire judiciaire auprès du tribunal de Dunkerque. Nommés par le tribunal de commerce (plus rarement par le TGI), les mandataires sont délégataires de l’autorité de la puissance publique. Et cette mission n’attire pas que des sympathies. «On traite clairement les difficultés.Quand on est nommé sur une affaire, on vérifie le passif, on s’adresse aux créanciers, on paye les salaires… La masse de documents est impressionnante. Mais l’essentiel de notre travail se fait avec des petites entreprises», raconte Alexandre Delezennes. Observateurs de l’économie réelle, le mandataire se mue en administrateur judicaire quand l’affaire devient plus importante. «La TPE, c’est le commerçant du coin qui vient vers nous quand ça ne va plus. Généralement, la comptabilité est catastrophique, le comptable n’est plus payé, les gens sont très peu informés du fonctionnement normal d’une entreprise, même petite…», constate-t-il. A Dunkerque, son cabinet est elle-même une TPE qui compte huit salariés.
«Les banques ne jouent pas le jeu». Souvent, les dirigeants de TPE ne comprennent pas ce qui leur arrive. «Il est d’usage dans la profession d’aller au-delà de nos missions : on conseille, on assiste», indique le mandataire/administrateur. Quand une affaire peut être sauvée, l’auxiliaire intervient régulièrement auprès des fournisseurs pour qu’ils continuent de livrer, auprès du banquier pour qu’il reste souple, et auprès du juge-commissaire pour qu’il donne du temps au dirigeant. «Le problème, ce sont les banques qui ne jouent pas le jeu. Une entreprise en redressement n’intéresse pas les banques», lâche-t-il. A ce propos, justement : et l’argent, car l’opinion populaire les considère en effet comme des charognards. «Nos honoraires sont tarifés. Regardez (il sort ses honoraires pour diverses affaires) : vérifications des créances : jusqu’à 150 euros par créance ; traitement par salarié : 120 euros. On aide l’entreprise au mieux. Dans une liquidation par exemple, l’apurement des créances peut durer dix ans. Si vous prenez le problème à l’envers, c’est un prêt sans intérêts», argumente-t-il. Mais le mandataire ou l’administrateur est surtout l’interlocuteur unique dans un contexte où personne ne veut jouer le jeu. «On amortit les problèmes, c’est déjà beaucoup.»