Rencontre avec Xavier Piron, dirigeant de Xavier Piron Production
«Aujourd’hui, les acteurs de la filière travaillent ensemble»
Il est le représentant de la 7e génération à la tête d’une entreprise familiale fondée en 1855, dans ses locaux actuels de Godewaersvelde, et qui a su se réinventer pour traverser les époques. Rencontre avec Xavier Piron, dirigeant de la société éponyme.
Aux prémices de son histoire, l’entreprise nordiste intervient dans le tissage de lin et d’autres fibres libériennes. Au début du XXe siècle, les étoupes de lin, devenues trop chères, sont remplacées partiellement par le jute qui devient l’une des spécialités de la société. A cette période l’activité est très forte et l’entreprise Piron compte plus de 500 ouvriers. L’apparition des fibres artificielles, dans les années 1960, puis la délocalisation massive des productions vont profondément bouleverser la vie de l’enseigne qui réoriente son activité vers le négoce de tissus.
Le renouveau de l’activité de tissage
C’est en 2003 que Xavier Piron intègre l’entreprise familiale, pour «apprendre le métier» avec son père, avant d’en prendre la gérance trois ans plus tard. «Nous sommes aujourd’hui spécialisés dans la fabrication de tissus d’ameublement en fibres végétales (lin, jute, etc) après de nombreuses évolutions aux cours des 20 dernières années» explique Xavier Piron. «Dans les années 1980, mon père s’est tourné vers le négoce et la transformation de tissus d’importation car il était devenu impossible de concurrencer les fabricants asiatiques. Il a conservé une activité de tissage sur les produits à valeur ajoutée, mais c’était compliqué et il a pensé à stopper complètement cette activité. Mais j’ai souhaité conserver ce savoir-faire, même en micro-activité… et depuis 3 ou 4 ans, l’activité de tissage redémarre, de nouveaux projets arrivent et j’ai vraiment l’ambition de relancer l’activité. Nous avons le matériel, il nous faut maintenant embaucher».
Et c’est bien toute la difficulté pour l’entrepreneur. «Pendant 40 ans, l’industrie du textile a foutu tout le monde dehors et il n’existe aujourd’hui plus de formation pour apprendre les métiers du tissage. La solution, c’est donc de former nous-mêmes nos collaborateurs mais il faut une année pour former un tisserand ! C’est un vrai défi, comme de garder longtemps nos salariés». Et Xavier Piron de poursuivre : «Les signaux sont intéressants pour les métiers du tissage avec des matériaux nobles : une fabrication française, écologique et de qualité… nous avons les atouts pour réussir !»
De nouveau, les activités de tissage et de transformation sont ainsi les principales sources de chiffre d’affaires de l’entreprise, le négoce n’en représentant qu’une infime partie. Et les produits sont commercialisés auprès des tapissiers, des enseignes de distribution spécialisée, d’industries comme l’automobile ou encore des horticulteurs sur les tissus de protection des sols.
S’appuyer sur un savoir-faire… et une filière en reconstruction
La société Xavier Piron Production, installée depuis 168 ans dans ses locaux de Godewaersvelde (rénovés et transformés au fil des années, bien entendu), entrevoit ainsi l’avenir avec sérénité. «Nous avons 10 salariés à ce jour, notre volonté est de recruter deux tisserands pour optimiser la production de nos 12 métiers à tisser. Nous avons investi il y a quelques mois dans une nouvelle machine de conditionnement et l’année dernière dans une machine à tisser les rubans, avec l’objectif de continuer à nous développer sur le tissage et la transformation des textiles d’ameublement en fibres naturelles».
Et d’ajouter : «Nous avons la chance d’avoir une filière qui se reconstruit, notamment en région (je pense notamment au retour de Safilin à Béthune), cela va dans le bon sens. Et aujourd’hui, contrairement à autrefois, les acteurs de la filière travaillent ensemble, on s’entraide et ce n’est plus chacun de son côté».
Une croissance qui s’appuie aussi sur une stratégie d’innovation propice à ouvrir l’entreprise sur de nouveaux marchés. «Le virage du négoce nous a permis de survivre, tout en travaillant en parallèle sur des innovations en tissage. Avant, nous ne travaillions que sur des tissus écrus, par exemple, désormais nous les travaillons sur de nombreuses couleurs et utilisations… nous allons toujours plus loin dans la transformation, ce qui nous a donné l’opportunité notamment de développer une collection de linge de lit haut de gamme. En s’appuyant sur nos métiers, nous sommes capables de répondre à toutes les demandes et aux opportunités qui se présentent… et se présenteront». Ou l’histoire d’une renaissance.