Au tribunal, Sarkozy, les infirmières bulgares et la visite de Kadhafi dont il se serait "bien passé"

Contrepartie d'un "pacte de corruption", ou de la libération de ces "malheureuses infirmières bulgares" détenues en Libye ? Nicolas Sarkozy s'est longuement expliqué lundi au tribunal sur la visite controversée à Paris de Mouammar Kadhafi en 2007...

Nicolas Sarkozy à sa sortie du tribunal à Paris le 13 janvier 2025 © Martin LELIEVRE
Nicolas Sarkozy à sa sortie du tribunal à Paris le 13 janvier 2025 © Martin LELIEVRE

Contrepartie d'un "pacte de corruption", ou de la libération de ces "malheureuses infirmières bulgares" détenues en Libye ? Nicolas Sarkozy s'est longuement expliqué lundi au tribunal sur la visite controversée à Paris de Mouammar Kadhafi en 2007, dont il jure qu'il se serait volontiers passé.

Son argument principal tient en une phrase, qu'il répète une dizaine de fois : "Si les infirmières n'avaient pas été libérées, Mouammar Kadhafi ne serait pas venu en France", jure Nicolas Sarkozy, qui a encore passé plusieurs heures à la barre - "13 ou 14 heures" depuis le début du procès le 6 janvier, a-t-il compté.

"Quand avez-vous commencé à vous intéresser au sort des infirmières ?", demande la présidente. 

"Le 26 avril 2007", répond le prévenu, notes sous les yeux, visiblement bien préparé. 

Comme son adversaire Ségolène Royal insiste-t-il, il avait reçu entre les deux tours de la présidentielle et à leur demande les familles de ces cinq infirmières, accusées à tort, avec un médecin palestinien, d'avoir inoculé le virus du sida à des centaines d'enfants libyens. 

Elles ont vécu "huit années de cauchemar", et Nicolas Sarkozy prend "l'engagement de faire de leur libération une priorité" - comme Ségolène Royal, insiste-t-il encore.

L'ancien chef d'Etat est accusé d'avoir passé en 2005 un pacte de corruption avec le dictateur libyen pour qu'il finance son accession à l'Elysée en 2007. Parmi les contreparties supposées, une réhabilitation sur la scène internationale qui se serait notamment concrétisée par une visite de Mouammar Kadhafi à Paris, une première depuis 30 ans, et par la libération des infirmières. 

"Il sera facile de faire litière de ces accusations grossières", assure le prévenu, avant de méticuleusement remonter, date par date, le fil du réchauffement des relations franco-libyennes.  

En résumé : il est "bien antérieur à mon action", engagé par "Jacques Chirac", et "ne concerne pas que la France mais le monde entier" avec la levée des sanctions des Nations Unies en 2003, soutient-il.

Coût en terme d'image

Une fois élu, dans le contexte de ce réchauffement, et alors que les "gros efforts" de l'Union européenne pour libérer les infirmières n'ont "pas abouti" - mais qu'un accord pour indemniser les familles des enfants vient d'être trouvé -, Nicolas Sarkozy a "l'idée" d'envoyer son épouse d'alors, Cécilia Sarkozy, négocier en Libye. 

"Ce sont des femmes qui sont victimes de cette situation épouvantable et je pense que ce geste personnel pourrait faire bouger les choses".

"L'idée que Kadhafi pouvait me tenir se fracasse à la pression que je lui mets pour les infirmières, pour les droits de l'Homme. On voit bien que je suis parfaitement libre", clame-t-il.

Les infirmières et le médecin palestinien repartiront de Libye à bord de l'avion de Cécilia Sarkozy. 

"Recevoir Mouammar Kadhafi n'est pas une condition de la libération ?", demande la présidente du tribunal. 

"Je ne l'aurais pas reçu si elles n'avaient été libérées", répond le prévenu. 

Les images de la tente plantée à deux pas de l'Elysée, les critiques au sein même du gouvernement sur la France qui n'est pas "un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang"...

Cette visite, "franchement je m'en serais bien passé", répète plusieurs fois Nicolas Sarkozy, conscient du "coût en terme d'image".

Mais "à aucun moment on ne peut voir cette visite comme celle de deux compères qui se retrouvent après un accord juteux qui les a rapprochés, tellement ça a été tendu de la première à la dernière minute", jure-t-il encore, s'affairant à minimiser le rôle de l'Etat qui n'a ni "payé" ni "organisé" le tour "en bateau mouche" du Guide, "la visite du Louvre", ou encore "la partie de chasse à Rambouillet". 

Le parquet national financier, qui peine décidément à faire vaciller l'ancien chef de l'Etat depuis le début du procès, s'"interroge" : si la libération des infirmières n'était pas la contrepartie de la visite, peut-être le pacte de corruption l'était-il ? Le prévenu s'agite, le procureur précise : "je suis obligé de vous poser la question". 

Nicolas Sarkozy se radoucit: "Le pacte de corruption, M. le procureur, il n'existe pas".

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