Au procès Zepeda, la défense passe à l'offensive
"Vous avez oublié de dire un truc fondamental, à décharge" : après le long récit du chef d'enquête, les avocats de Nicolas Zepeda, accusé d'avoir assassiné Narumi Kurosaki en 2016 à Besançon, ont exposé d'importantes "limites du...
"Vous avez oublié de dire un truc fondamental, à décharge" : après le long récit du chef d'enquête, les avocats de Nicolas Zepeda, accusé d'avoir assassiné Narumi Kurosaki en 2016 à Besançon, ont exposé d'importantes "limites du dossier", jeudi, devant la cour d'assises de Vesoul.
"On n’a pas eu de réponse, à mon sens, ni sur le mobile, (ni sur) la façon dont Narumi a été tuée ce soir-là, ni la façon dont Nicolas Zepeda se serait débarrassé du corps. Ça fait quand même trois mystères majeurs". Il est 19h30 quand la parole revient, en dernier comme le veut la procédure, à Sylvain Cormier et Renaud Portejoie, et les deux avocats de la défense sont bien décidés à bousculer les jurés dans leurs certitudes.
Car depuis le milieu de matinée, David Borne, officier de police judiciaire, chef d'enquête sur la disparition de l'étudiante japonaise, expose tous les éléments qui, selon lui, désigne le Chilien de 32 ans comme l'assassin de son ex-petite amie.
Les investigations ont mobilisé des moyens colossaux et des enquêteurs dans quatre pays (France, Espagne, Chili et Japon) pour parvenir à constituer un épais dossier : selon l'accusation, le jeune homme a traversé l'Atlantique sans prévenir pour venir à Besançon et retrouver Narumi Kurosaki qu'il a étranglée dans la chambre de sa résidence universitaire, avant de se débarrasser du corps qui n'a jamais été retrouvé.
L'enquête, saluée unanimement par les parties, "fait honneur à la police judiciaire française", applaudit même l'avocat général, Etienne Manteaux.
Mais permet-elle d'affirmer que l'accusé a effectivement fait le voyage du Chili jusqu'en France avec un projet d'assassinat ? Il y a là un pas que le doute ne permet pas forcément de franchir, tente de démontrer le duo d'avocats.
-"Des erreurs judiciaires"-
"Je vous demande la même rigueur pour reconnaitre" les éléments à décharge, lance ainsi Me Sylvain Cormier à l'officier. Il rappelle que huit jours seulement après la saisine de la police judiciaire, un mandat d'arrêt international était lancé contre Nicolas Zepeda.
De fait, les indices contre lui étaient nombreux : témoins, téléphonie, factures de cartes bleues, vidéosurveillance... jamais l'accusé ne semble s'être préoccupé de laisser des traces partout où il allait.
"Ça serait un assassin qui loue une voiture à son nom, va au restaurant avec sa future victime et la prend en photo", s'étonne l'avocat. "C'est pas vraiment malin !".
Il estime plutôt que les enquêteurs ont été "intoxiqués" par Arthur Del Piccolo, rival amoureux de l'accusé et petit ami de Narumi Kurosaki au moment de sa disparition, qui leur a "apporté sur un plateau" la piste Zepeda, selon les propres mots du chef d'enquête.
Une piste dans laquelle la police s'est précipitée jusqu'à l'excès, estime Sylvain Cormier : il donne l'exemple de ces témoins à qui les enquêteurs ont demandé d'identifier le suspect en présentant seulement des photos du Chilien, plutôt qu'en panachant avec d'autres portraits.
"Il y a eu des erreurs judiciaires sur la base de cette erreur là", dénonce l'avocat lyonnais, citant "l’affaire Marc Machin".
-"Des zones d'ombre"-
Renaud Portejoie poursuit dans la même veine. Le soir de leurs retrouvailles, Nicolas Zepeda et Narumi Kurosaki vont diner au restaurant à Ornans (Doubs), avant de traverser la campagne, de nuit et pendant 25km, pour rejoindre Besançon, où l'étudiante invite son ex-compagnon dans sa chambre.
"On parle de préméditation. Mais pourquoi il irait la tuer dans la résidence, là où il y a du monde ? Il peut la tuer sur la route ! Il peut la tuer ailleurs !", insiste-t-il.
Surtout, "Narumi était plutôt contente de voir Nicolas", soutient l'avocat. Sans ça, "vous n'accueillez pas un ex que vous avez follement aimé dans une chambre de 9m² avec un lit simple", remarque-t-il.
Il s'interroge aussi sur la vraisemblance d'une mort par strangulation, alors que des cris tonitruants ont été entendus dans la résidence. "La strangulation, par essence, ça coupe les voies aériennes", pointe Me Portejoie.
"Là où je vous rejoins, c’est qu’il y a des zones d’ombre", concède le chef d'enquête.
-"Des zones d'ombres ?", reprend l'avocat. "Il n'y a que ça".
Le procès doit se tenir jusqu'au 22 décembre. Nicolas Zepeda encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
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