Au procès Kardashian, deux "braqueurs" et 40 ans de prison au compteur
A la barre, Yunice Abbas tient fermement son bras pour contenir le tremblement dû à la maladie de Parkinson. Didier Dubreucq arrive lui dans l'après-midi, après une séance de chimiothérapie. Et devant la cour, ces deux accusés du braquage de Kim...

A la barre, Yunice Abbas tient fermement son bras pour contenir le tremblement dû à la maladie de Parkinson. Didier Dubreucq arrive lui dans l'après-midi, après une séance de chimiothérapie. Et devant la cour, ces deux accusés du braquage de Kim Kardashian reviennent sur 40 ans de vie de bandit.
"Ca vous ennuie que je dise qu'à l'époque vous êtes braqueur ?", vérifie le président David De Pas quand il voit Didier Dubreucq protester sur son fauteuil, alors qu'il énumère ses condamnations des années 1970-1980.
"C'est comme voyou. Moi je suis un bon garçon. Voyou ça veut dire mauvais garçon", bougonne l'accusé de 69 ans.
"Ni voyou, ni braqueur ?", résume le magistrat. "Voilà".
Apte "physiquement et intellectuellement" après sa séance de chimiothérapie, assure-t-il à la cour d'assises de Paris, Didier Dubreucq, carrure d'ancien boxeur dans sa large chemise à carreaux, crâne rasé, barbichette grise, avait appris son cancer quand il était en détention provisoire dans ce dossier. "Malheureusement je me suis remis à fumer. Et celui-ci est plus violent", lâche-t-il pendant son interrogatoire dit "de personnalité".
Pour l'accusation, il est l'un des deux hommes montés arme au poing dans la chambre de Kim Kardashian la nuit du 2-3 octobre 2916 pour lui voler sa "ring" de fiançailles à 4 millions de dollars.
Lui nie catégoriquement. Depuis qu'il est devenu père à 50 ans passés en 2007 et 2008, fini les "grosses conneries" et autres vols à main armée qui peuplent son casier judiciaire (23 ans de prison au compteur). "Papa poule" plutôt que "papy braqueur" comme la presse a surnommé la bande de vieux malfrats soupçonné d'avoir agressé Kim Kardashian.
Ces dernières années, il l'a appelée "Karda-chiante, car sans le vouloir, elle a bousillé ma vie", disait cet homme au sourire facile et regard perçant - d'où son alias "Yeux bleus".
Moments de faiblesse
Son coaccusé Yunice Abbas a lui largement assumé le braquage puisqu'il en a tiré un livre et fait la tournée des télés à sa sortie en 2021.
L'avocate générale le brandit, le président commente la couverture bling-bling : "Quand on voit le livre avec les petits diamants, le titre +"J'ai séquestré Kim Kardashian+, ça pose question, ça laisse penser qu'il y a une sorte de fierté", comme si "c'était héroïque", lance le magistrat.
L'accusé jure que non, qu'il regrette "total" le braquage, voulait simplement rétablir sa "vérité" et qu'il n'a pas choisi le titre. Il a reconnu, et été identifié comme "le guetteur" resté en bas de l'hôtel, et n'a donc jamais vu Kim Kardashian.
Petit, chauve, bouche pincée, chemise à carreaux à manches courtes, Yunice Abbas est un homme à la "franchise assez déconcertante, à charge ou décharge d'ailleurs", résume son avocat Gabriel Dumenil.
A 71 ans, après avoir été opéré du coeur pendant sa détention provisoire, il souffre aujourd'hui de la maladie de Parkinson.
Quand il s'emporte pour raconter vite sa vie, ses 17 ans de prison au total, le président lui demande de ralentir, qu'on le comprenne. "Je vais essayer mais c'est mon bras qui m'entraîne", répond l'accusé qui a mis les pieds en prison pour la première fois à 18 ans à peine, pour des vols de supermarché.
Des raccourcis qui rallongent
Lui qui avait "un peu trop d'amis" a aussi enchaîné les affaires de hold-up jusqu'à celle de "trop", qui lui a "ouvert les yeux" par sa surmédiatisation.
Mais entre chaque séjour en prison, souligne le président, Yunice Abbas se réinsère, "combattif", dans la vie professionnelle classique, rouvre un garage, travaille comme mécanicien chez les autres.
"Le travail semble compter pour vous, qu'est-ce qui fait qu'à chaque fois, ça bascule ?"
L'accusé évoque les "moments de faiblesse", quand il a besoin d'argent, "les banques" à qui il en veut "à mort" parce qu'elles ne prêtent pas d'argent à ceux qui n'ont rien.
"Je me suis rabattu sur des choses que je croyais être des raccourcis faciles mais qui n'ont fait que compliquer ma vie", des "raccourcis qui rallongent", admet l'accusé.
"Vous comprenez qu'il y a une sanction, vous y êtes préparé ?", demande son avocat.
"Non, on n'est jamais préparé. Mais bien sûr, il va falloir payer les pots cassés".
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