Au procès Faïd, derniers mots à la cour d'une "belle famille"

Dire à son frère ce qu'on ne lui avait jamais dit: "je t'aime". La cour d'assises de Paris a entendu lundi les derniers mots de Rédoine Faïd et ses proches, jugés pour l'évasion de la prison de Réau en 2018, avant...

Croquis d'audience réalisé le 5 septembre 2023 montrant Rédoine Faïd dans le box des accusés au début de son procès devant la cour d'assises de Paris pour son évasion de la prison de Réau © Benoit PEYRUCQ
Croquis d'audience réalisé le 5 septembre 2023 montrant Rédoine Faïd dans le box des accusés au début de son procès devant la cour d'assises de Paris pour son évasion de la prison de Réau © Benoit PEYRUCQ

Dire à son frère ce qu'on ne lui avait jamais dit: "je t'aime". La cour d'assises de Paris a entendu lundi les derniers mots de Rédoine Faïd et ses proches, jugés pour l'évasion de la prison de Réau en 2018, avant de clore un procès aux airs de thérapie familiale.

Les magistrats professionnels et jurés vont désormais se retirer dans un endroit tenu secret, en dehors du palais de justice, "en raison de la longueur prévisible du délibéré", a annoncé la présidente Frédérique Aline.

La cour devra répondre à 194 questions. Le verdict sera rendu mercredi "à compter de 17H00", a précisé la magistrate, avant de donner la parole une dernière fois à chacun des douze accusés - dont deux frères et trois neveux du braqueur multirécidiviste.

Son tour venu, Rédoine Faïd, l'air solennel comme à chaque fois qu'il prend la parole, commence par présenter ses excuses au pilote d'hélicoptère assis en face de lui, pris en otage par son frère Rachid et d'autres ce 1er juillet 2018, pour aller le libérer de la prison de Réau (Seine-et-Marne). 

"Vous vous prenez la tête à faire les choses bien pour vous évader, mais ça reste violent", reconnaît, penché sur le micro, Rédoine Faïd, jugé ici pour sa deuxième évasion. "Si c'était à refaire, je ne le referais pas. J'ai bousillé des vies, traumatisé des gens", continue le braqueur de 51 ans au crâne chauve.

Alors, il tentera son possible pour ne pas "recommencer": "je vais essayer de faire ce travail sur moi-même, pour me projeter... même si les portes de prison se sont un peu refermées sur ma vie", dit celui dont la fin de peine est pour l'heure prévue à 2046. 

L'accusation a requis 22 ans de réclusion criminelle, une peine faite pour "les assassins", a répondu sa défense.

Seule tricherie

Puis Rédoine Faïd s'éclaircit plusieurs fois la gorge pour s'adresser à son frère dans le box, Rachid, 65 ans. Ce dernier venait de lire son petit mot à la cour, de son habituel ton brut, haché par l'émotion.

"J'ai confiance en la justice, j'ai jamais triché", avait dit Rachid Faïd, contre qui l'accusation a requis la lourde peine de 18 ans de prison, pour être allé chercher son frère en hélicoptère et avoir scié les grilles menant au parloir de la prison où il se trouvait. C'était la "seule tricherie" d'une vie où il a "toujours travaillé", avait-il assuré à la cour. "J'ai toujours aidé les autres".

En réponse, Rédoine Faïd se tourne vers ce grand frère qui a joué le père de substitution dans une famille marquée par les drames. "Papa, maman", leur soeur aînée... "là où ils sont, ils t'adorent. Depuis qu'ils sont plus là, t'es un roc", dit le braqueur, avant de sourire à son frère.  

"Je vais te dire un truc que je t'ai jamais dit... je t'aime".

Sous les néons du box, Rachid Faïd se lève, contourne le grand bandit corse Jacques Mariani assis entre eux, et prend longuement son frère dans ses bras. Les gendarmes et la cour laissent faire.

Ce procès, c'est "une boîte à émotions", avait décrit Brahim Faïd, l'autre frère, 63 ans, jugé ici parce qu'il se trouvait au parloir au moment de l'évasion. Les avocats généraux l'ont cru quand il jurait n'avoir pas été mis au courant, et ont demandé son acquittement.

Après la longue embrassade des deux hommes, c'est à Jacques Mariani de se lever. "Vous me prenez au mauvais moment", bougonne le grand chauve à lunettes, très ému.

Figure du grand banditisme corse, égaré dans le box pour un précédent projet d'évasion avorté dans lequel il aurait été impliqué, Jacques Mariani, 57 ans dont 38 passés en prison, n'est finalement "pas désolé" d'être ici. "Enfin si, parce que j'ai rien fait", nuance-t-il. 

Mais "le bon côté, c'est que j'ai rencontré cette famille", sourit-il en regardant Rédoine Faïd, ses frères et ses neveux.

"Vous êtes une belle famille", lance-t-il. "Continuez à vous aimer comme ça".

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