Au procès du féminicide de Chahinez Daoud, brûlée vive, l'accusé crie au complot
Quatre ans après le féminicide retentissant de Chahinez Daoud, brûlée vive à Mérignac en Gironde, le procès de son ex-mari pour assassinat s'est ouvert lundi à Bordeaux, l'accusé se décrivant comme un "gentleman" et se...

Quatre ans après le féminicide retentissant de Chahinez Daoud, brûlée vive à Mérignac en Gironde, le procès de son ex-mari pour assassinat s'est ouvert lundi à Bordeaux, l'accusé se décrivant comme un "gentleman" et se disant victime d'un complot ourdi pour le "détruire".
Mounir Boutaa, 48 ans aujourd'hui, est jugé jusqu'à vendredi devant la cour d'assises de la Gironde pour avoir tué, en mai 2021, son épouse qui cherchait à le quitter après avoir déposé plusieurs plaintes pour violences.
Il est accusé de lui avoir tiré une balle dans chaque jambe, d'avoir aspergé son corps d'essence et mis le feu avec un briquet, après avoir surveillé depuis l'aube la victime, âgée de 31 ans.
L'ouvrier maçon franco-algérien était sorti de prison fin 2020 après une condamnation pour des faits de strangulation et de menace avec un couteau sur son épouse.
Il avait interdiction d'entrer en contact avec Chahinez Daoud, qu'il avait connue en Algérie en 2015. Mais leur vie commune avait repris jusqu'en mars 2021, cette mère de trois enfants, dont deux issus d'une première union, déposant alors une nouvelle plainte.
Mais celle-ci fut mal enregistrée par un policier qui venait lui-même d'être condamné pour violences conjugales, parmi une série de "défaillances" pointées ultérieurement par une enquête administrative.
Des pros
Devant la cour lundi, Mounir Boutaa s'est dit victime d'un complot ourdi par "des pros" venus d'Algérie, une "association de malfaiteurs (...) réunis pour me voler, pour me détruire".
"Ce sont des propos qu'il a toujours tenus" au cours de l'instruction, a commenté Me Elena Badescu, l'une de ses avocates. "Il pense exactement ce qu'il a dit à la cour."
Mounir Boutaa a aussi accusé Chahinez "d'avoir eu un plan diabolique" à son encontre. "Elle cherchait à m'empoisonner", a-t-il dit, demandant aux magistrats "pourquoi son amant n'est pas présent ici ?". Au début de l'enquête, il avait déclaré avoir voulu "punir" son épouse, sans la tuer, persuadé qu'elle lui était infidèle.
Il est "dans la continuité de son positionnement durant l'instruction", a estimé Me Julien Plouton, avocat de la famille Daoud, reprochant à l'accusé d'"inverser les rôles" et d'"imaginer des complots".
Depuis le box, à la présidente qui lui demandait s'il se considérait comme "violent", l'accusé a répondu: "non", se décrivant comme un "gentleman", "gentil" mais parfois "têtu".
Devenant nerveux au fil des échanges, il s'est dit "strictement innocent" des violences conjugales ayant précédé les faits, dénonçant des "mensonges" motivés "par l'argent".
Défaillances
La mère de la victime a passé les premières heures du procès sans regarder l'accusé. "Je ne peux pas voir l'assassin devant moi", avait-elle dit en amont.
Après la mort de Chahinez, ses deux parents sont venus en Gironde s'occuper de leurs trois petits-enfants, âgés aujourd'hui de 16, 11 et huit ans.
Pour eux, "l'enjeu de ce procès, c'est qu'on s'attache au parcours de cet homme et à ce qu'a vécu Chahinez avant", a souligné Me Plouton, décrivant une situation "d'emprise", de "contrôle coercitif".
Chahinez Daoud n'avait pas de téléphone grave danger et son conjoint ne s'était pas vu attribuer de bracelet anti-rapprochement à sa remise en liberté.
Une inspection diligentée sur le suivi de ce mari violent et récidiviste, en 2021, avait relevé une série de "défaillances", tandis qu'une enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pointait fautes et erreurs d'appréciation. Cinq policiers ont été sanctionnés.
L'affaire a conduit le ministère de l'Intérieur à préconiser une révocation automatique des policiers et gendarmes condamnés définitivement pour certains faits, dont les violences intrafamiliales.
Une cinquantaine de personnes s'étaient rassemblées devant le palais de justice pour l'ouverture du procès.
"On dénonce surtout les pouvoirs publics, l'État qui ne fait pas son travail par manque de moyens financiers et par manque aussi de moyens humains, surtout au niveau de la police qui ne protège pas les femmes", a déclaré une manifestante sous couvert d'anonymat.
Parallèlement au dossier pénal, la famille de la victime a lancé une procédure pour "faute lourde" contre l'État.
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