Au Pays basque, des seniors isolés relogés ensemble au cœur du village

La bâtisse abandonnée a retrouvé des habitants: à Banca, petit village basque, des personnes âgées isolées ont été rassemblées au cœur du bourg, dans un projet de logement partagé avec une famille, "sous...

Le maire de Banca Michel Ocafrain (d) parle avec deux résidents de la maison "Tunio", le 23 novembre 2023 dans les Pyrénées-Atlantiques © GAIZKA IROZ
Le maire de Banca Michel Ocafrain (d) parle avec deux résidents de la maison "Tunio", le 23 novembre 2023 dans les Pyrénées-Atlantiques © GAIZKA IROZ

La bâtisse abandonnée a retrouvé des habitants: à Banca, petit village basque, des personnes âgées isolées ont été rassemblées au cœur du bourg, dans un projet de logement partagé avec une famille, "sous les yeux et l'attention de tous".  

"On s'est posé la question de ce qu'on faisait pour nos personnes âgées dès 2016", raconte Michel Oçafrain, maire de ce village de 360 habitants, dans la vallée des Aldudes (Pyrénées-Atlantique), frontalière de l'Espagne. 

"Elles vivent parfois dans de grandes maisons, isolées, avec des escaliers, mal chauffées." Dans cette commune rurale de 5000 hectares, à plus d'une heure de Bayonne ou de Pampelune, les fermes isolées ne manquent pas, relève le maire.

Dans la maison baptisée "Tunio", qu'il a fallu réhabiliter après plus de 40 ans d'inoccupation, six appartements à loyers très modérés, sont désormais destinés à des seniors. 

Un septième est occupé provisoirement par une assistante maternelle, pendant les travaux de réhabilitation de la crèche, mais sera à terme "destiné à une famille", explique Michel Oçafrain.

- Vieillissement marqué - 

En 2019, d'après des données du Département, près d'un habitant sur trois du Pays basque était âgé de plus de 60 ans et la population âgée de plus de 65 ans devrait doubler d'ici 2050.

En France, selon le ministère de la Santé, les plus de 60 ans vont passer de 15 millions aujourd'hui à 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060, tandis que le nombre de plus de 85 ans va plus que tripler (de 1,4 millions à 5 millions en 2060).

Avant d'envisager un quelconque projet, la commune a sondé les intéressés. "On a été surpris des demandes immédiates parce qu'on pensait que la perspective de quitter leur maison aurait été plus difficile pour beaucoup", dit l'édile.

Le budget - environ 1,2 million d'euro - est financé par le Département, un bailleur social, la Communauté d'agglomération Pays basque, l'État et même la Fondation Abbé Pierre: "Il a fallu aller chercher de l'argent partout", résume le maire de cette commune au budget de fonctionnement de 300.000 euros.

Marie-Jeanne, 90 ans, vit avec sa fille, Mirentxu, 48 ans et en situation de handicap. Après 26 ans passés dans un appartement mal isolé au 2e étage sans ascenseur, les deux femmes ont emménagé fin septembre, avec soulagement. 

Surtout un projet social

"C'est plus facile de sortir pour des balades", dit la frêle nonagénaire en montrant le fauteuil de sa fille. "Le midi, ma fille voit les enfants sortir de l'école pour aller à la cantine, elle aime bien ça."

Alain Lecacheux, 62 ans, a cherché un appartement pendant deux ans et demi avant "d'arriver à Tunio". Auparavant logé par sa fille, dans le même village, il a pu prétendre à un T2. "Je suis venu ici pour me rapprocher d'elle et je suis content de pouvoir être chez moi". 

Son voisin, Dominique, berger à Banca pendant 50 ans, a quitté la ferme familiale, transmise à son neveu, "où il se sentait désormais de trop".

"Pour nous, c'est surtout un projet social, comment fait-on pour veiller les uns sur les autres, renchérit Michel Oçafrain. Là, nos aînés sont sous nos yeux, sous notre attention."

La Fondation Abbé Pierre finance ainsi 500 à 600 logements par an, fondés sur du "très social". "On trouve du sens à des projets très divers, aux manières de faire particulières. Ici, c'est parce qu'il y a un sens à lutter contre l'isolement, cela répond à un réel besoin", précise Florian Huyghe, pour l'association.

D'autres leviers ont été mis en place localement pour faciliter le maintien à domicile des plus âgés. 

Le Département des Pyrénées-Atlantiques, l'Etablissement public foncier local (EPFL) et le bailleur social Soliha ont ainsi développé un dispositif de viager solidaire, baptisé Lokarri, pour assurer une sérénité matérielle et financière à des personnes âgées en les maintenant le plus longtemps possible à domicile.

Et à l'issue de la période de viager, les logements sont vendus à de jeunes ménages, freinés par les prix du marché immobilier local.

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