Territoires

Au Cescom de Metz-Technopôle, les Canalisateurs Lorraine interpellent sur l’urgence de l’eau

Organisé par les Canalisateurs de Lorraines, syndicat de spécialité de la Fédération des Travaux Publics (FTP) Lorraine, au Cescom de Metz-Technopôle, la Matinée de l’Eau a donné lieu à des échanges particulièrement constructifs. Dans les interventions des uns et des autres, le bon sens et l’expérience du terrain ont été le fil rouge. Articulé autour de la thématique «sécurisation et préservation des ressources», le rendez-vous a dégagé une pensée commune : nous sommes plus que jamais face aux urgences. L’action concrète se joue à l’échelle des territoires, en ruralité particulièrement. Les Canalisateurs apparaissent comme des facilitateurs de solutions vertueuses et pérennes.

Une matinée riche de débats et d'analyses.
Une matinée riche de débats et d'analyses.

«Même dans un climat tempéré comme le nôtre, nous avons des problèmes… alors imaginez dans d’autres parties du monde.» Une phrase extraite de l’intervention d’Erik Orsenna, lors de la Matinée de l’Eau, organisée par les Canalisateurs de Lorraine, au Cescom de Metz-Technopôle. L’écrivain, membre de l’Académie française, auteur d’une cinquantaine de livres, a notamment publié deux ouvrages sur la thématique de la ressource en eau «l’Avenir de l’eau» et «La terre a soif». Il a aussi été lauréat du prix Goncourt en 1988 pour son livre «l’Exposition coloniale». Cet échange vidéo diffusé lors de cette Matinée de l’Eau a mis en scène Pierre Rampa, président des Canalisateurs, et Erik Orsenna. Un dialogue franc, direct, sans langue de bois, sur nos réalités face à l’eau.

Quid du plan eau ?

L’écrivain l’a maintes fois rappelé, fort de son observation menée de par le monde quant à ce sujet crucial pour notre devenir commun. Pour les générations futures, mais, aussi pour l’immédiat. On sait l’à-propos, l'érudition, la pertinence, la clairvoyance d’Erik Orsenna. Sa hauteur de vue face aux enjeux qui nous entourent. Dans son flot de paroles passionnées et éclairantes, quand l’auditoire entend «prenons conscience», «le monde bouge», «réapprenons la géographie», «l’échelle globale, c’est l’échelle locale»… les mots interpellent. De conclure : «Aurons-nous dans dix ans suffisamment d’eau ? Assez d’eau pour boire ? Pour faire pousser les plantes ? Pour éviter qu’à toutes les raisons de faire la guerre s’ajoute celle du manque d’eau ? Il faut partager une ressource rare, c’est un défi pour la démocratie.» Cette Matinée de l’Eau avait été ouverte par Sébastien Streiff, délégué régional des Canalisateurs Lorraine : «Dans nos régions, dites tempérées, nous pensions, pour la plupart, que l’eau ne ferait jamais défaut de nos robinets. Nous avions tort. Après une année qui nous a rappelé à quel point nous pouvions être vulnérables face à cette ressource, 2023 n’augure rien de meilleur après un hiver particulièrement sec, bien au contraire. Les préfets commencent à rappeler la nécessité d’être économes en eau, et envisagent déjà des restrictions si la situation hydrique ne s’améliore pas. Nous attendions des annonces fortes du ministre de la Transition Écologique devant se décliner autour du plan eau. Ce plan articulé autour d’une cinquantaine de mesures visant à la sobriété, des moyens financiers et de la gouvernance, entre autres, n’a pas encore été dévoilé comme attendu. Nous pouvons le regretter eu égard de l’urgence de la situation.»

«Nous ne pouvons plus dire que l'eau qui coule de notre robinet ne manquera pas un jour», a alerté Sébastien Streiff, délégué régional Canalisateurs de Lorraine.

La co-construction d'un avenir responsable et plus sobre

Une table ronde participative avec la salle s’est ensuite animée, sous la houlette de la journaliste Véronique Lorre. Mélissa Cetinski-Neves, directrice de la Cellule économique régionale de la Construction (CERC Grand Est), Jean-Luc Thiery, président du SIE du Haut Du Mont, Xavier Lequeux, directeur régional Sud-Ouest Méditerranée et Nord-Est du groupe Merlin, Christophe Leblanc, directeur adjoint de l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse et Michel Fournier, maire de la commune vosgienne des Voivres et président des Maires ruraux de France ont exposé, dans leur champ de compétences et d’expertise respectif, leurs analyses. Études sur l’évolution locale du prix de l’eau, actions menées sur les territoires, présentation de l’outil de gestion «calculette canalisateurs» permettant de modéliser le budget d’une collectivité gestionnaire d’un service d’eau potable, des tenants et aboutissants du plan sécheresse mis en place depuis l’automne dernier… Les éclairages ont été clairs, précis, sans jamais éluder la réalité, laquelle est préoccupante. Elle nous oblige à revoir nos modes de consommation à court terme et beaucoup de paramètres de notre vivre ensemble. Ce n'est pas optionnel... Cela vaut autant collectivement qu'individuellement. À l’échelle personnelle, de son foyer, de son entreprise, comme d’un territoire. Car, comme souvent, au-delà des grandes déclarations d’intention et incantations, c’est au niveau rural que tout commence. Il y a matière à accentuer et pédagogie auprès des populations. Dès le pas de sa porte.

«Faites confiance aux élus ruraux», a plaidé Michel Fournier, élu vosgien.

Prise de conscience collective...

Dans sa conclusion à ce colloque, Sébastien Streiff faisait ce constat : «La ressource va se raréfier. C’est un fait. Il sera extrêmement difficile de pouvoir agir sur ce point. Cependant, il est de notre ressort de la préserver autant que possible. L’eau c’est la vie. Sans eau, pas de vie. Le rôle des Canalisateurs est invisible et inconnu, mais incontournable. Les canalisations alimentent un petit miracle quotidien dont les usagers n’ont pas souvent conscience. Nous contribuons activement à préserver, sécuriser, renouveler la plus précieuse des ressources (…) Le déficit d’investissement pour les réseaux d’eau et d’assainissement est estimé à près de 2 Mds€ par an. Il y a urgence à investir pour les territoires en matière de réseaux de manière curative et préventive. La gestion de l’eau est centrale et cruciale (…) Sauver l’eau, c’est bien de cela dont il est question. Rien de moins. Quel avenir souhaitons-nous laisser aux générations futures ? Tout dépendra des ambitions et des volontés individuelles de chacun d’entre nous d’agir, à travers les investissements nécessaires à préserver cette ressource. Vous avez l’opportunité collective de changer les choses, ce dès demain, en incitant notamment les petites communes à se regrouper pour être plus fortes. N’attendez pas qu’il soit trop tard (…) Nous avons chacun un rôle à jouer. Tous ensemble, communes, syndicats des eaux, entreprises, agences de l’eau, consommateurs finaux : nous sommes les solutions !»

«Trouver des solutions coconstruites à l'échelle des territoires, à partir des réussites avérées, comme celles du syndicat du Haut du Mont», évoquée par son président, Jean-Luc Thiery.

Le livret bleu des Canalisateurs :

Il propose 4 clés pour faire face à la crise de l'eau : renforcer la connaissance du patrimoine pour des investissements efficaces, améliorer la performance des réseaux pour une gestion économe de l'eau, réutiliser l'eau pour économiser la ressource naturelle, protéger la ressource pour préserver les sols et la biodiversité. Et 4 engagements : construire des réseaux durables et performants, proposer des solutions alternatives et innovantes, participer à la décarbonation, se mobiliser pour sauver l'eau et les milieux naturels.