Attractivité : le cinéma, nouvelle pub des territoires ?
Pour les villes de Rome, Barcelone ou Paris, quelle meilleure publicité qu’un film de Woody Allen vu par des millions de voyageurs potentiels, à travers la planète ? En France, les politiques publiques en matière de tourisme s’intéressent à ce vecteur d’image que constituent le cinéma et les séries TV.
«C’est tes élèves qui vont être contents. Les traîner à Charleville-Mézières en plein hiver, c’est de la maltraitance !», s’exclame Coralie, enseignante, en parlant à sa collègue dans l’épisode du 12 février du célèbre feuilleton «Plus belle la vie», tourné à Marseille. Dans la vraie vie, la réaction du maire de la préfecture des Ardennes a été immédiate : il s’est ému de la réplique sur les réseaux sociaux et sur les médias nationaux. Et de fait, le sujet est sensible : l’image d’une ville ou d’une région dans un feuilleton télé, sur Internet ou dans un flm au cinéma est devenue un enjeu en termes d’attractivité du territoire. C’est du moins l’avis d’Atout France, organisme chargé de promouvoir la destination France, et qui a récemment publié un guide pratique «Tourisme et cinéma, comment dynamiser son territoire par l’audiovisuel», en partenariat avec la Commission nationale du flm France, instance notamment chargée d’accueillir les tournages étrangers dans l’hexagone. D’après les estimations de cette dernière, chaque année, quelque 500 millions de spectateurs de cinéma visionnent des images de la France. Celle-ci fait partie des trois pays les plus filmés au monde par des équipes étrangères. «Ces images de la diversité des paysages de France sont alors autant d’ambassadeurs virtuels de notre destination, avec une portée qui complète efficacement le marketing touristique effectué auprès de la clientèle internationale», estime Atout France.
L’ultra rentable «Bienvenue chez les Ch’tis»
Et les exemples existent, montre l’ouvrage, de lieux qui ont su attirer des touristes sur la base d’un succès cinématographique. Aujourd’hui encore, sept ans après le succès de «Bienvenue chez les Ch’tis» (plus de 20 millions d’entrées au box office) des touristes de nationalités diverses continuent de suivre la visite guidée d’une heure trente, mise sur pied par la ville de Bergues, sur les traces du tournage du flm… Celui-ci avait bénéficié du soutien de la région Nord- Pas-de-Calais. En Suède, le gouvernement a décidé d’essayer d’attirer les touristes suivant la même logique, après le long métrage de David Fincher, «Les hommes qui n’aimaient pas les femmes», tiré de la trilogie au succès mondial «Millénimum», de Stieg Larsson. D’après les études du gouvernement suédois, les touristes devraient être intéressés par se rendre sur les lieux du flm. Pour autant, au-delà d’exemples ponctuels qui incitent à l’optimisme, l’évaluation des retombées de succès cinématographiques ou télévisuels demeure difficile à quantifier. Comment mesurer l’apport pour la Provence de toutes les fictions réalisées sur la base des romans de Marcel Pagnol, ou des innombrables tournages qui se déroulent dans la Capitale ? Les professionnels s’y essaient, et distinguent impacts économiques directs des tournages et effets touristiques. En PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur), d’après une étude de 2011 sur l’impact économique des tournages dans la région, les 2,5 millions d’euros de crédits engagés en 2009 ont permis de générer plus de 21 millions d’euros de retombées directes, pour moitié constituées par des dépenses de rémunération. Et les deuxtiers de ces retombées proviennent de fictions TV qui bénéficient d’aides régionale. Les retombées touristiques indirectes, elles, sont estimées à 150 000 euros environ. Mais pour les territoires, tirer parti des potentielles retombées touristiques de projets audiovisuels, suppose la mise en place d’une démarche complète, que détaille le guide d’Atout France, et qui va de l’identification du «patrimoine cinématographique» des lieux, à une politique active et pertinente, pour favoriser et accompagner -voire soutenir- les éventuels tournages sur le territoire… Autre suggestion du guide : participer à des festivals, marchés et salons dédiés au business de l’audiovisuel, à l’image du «location show», qui se tient chaque année, à Los Angeles.