Attentats de Trèbes et Carcassonne en 2018: le procès s'est ouvert à Paris
Un projet "solitaire" d'un "fou" radicalisé, mais passé sous les radars: au premier jour du procès des attentats de Trèbes et Carcassonne, la cour a commencé lundi à retracer le parcours de Radouane Lakdim, qui avait tué quatre personnes...
Un projet "solitaire" d'un "fou" radicalisé, mais passé sous les radars: au premier jour du procès des attentats de Trèbes et Carcassonne, la cour a commencé lundi à retracer le parcours de Radouane Lakdim, qui avait tué quatre personnes en mars 2018, dont le gendarme Arnaud Beltrame.
Les sept accusés - une femme et six hommes âgés de 24 à 35 ans - ont à peine eu la parole en cette première journée d'audience, largement consacrée à la présentation générale du dossier.
Le président de la cour d'assises spéciale Laurent Raviot, puis un policier antiterroriste après lui ont refait le film de cette journée du 23 mars 2018. Radouane Lakdim, petit délinquant d'une cité de Carcassonne (Aude) de 25 ans, s'était levé tôt pour faire la prière, avait accompagné sa petite soeur à l'école, avant de prendre la direction d'un parking connu pour être un lieu de rencontre homosexuel.
Là, il tire tour à tour au pistolet sur deux hommes, visés à la tête. Jean-Michel Mazières, un viticulteur à la retraite de 61 ans, décède.
Ses prochaines cibles sont des policiers, qui font leur footing sur la route. L'un d'eux, atteint au thorax, est grièvement blessé.
Haine
"La haine" de Radouane Lakdim pour les homosexuels et les forces de l'ordre était connue, souligne le président, notant que l'assaillant avait tenté d'intégrer l'armée, sans succès.
Il arrive ensuite au Super U de Trèbes, une commune voisine, où il abat à bout portant le chef-boucher de 50 ans, Christian Medves, qui discutait avec une caissière, puis un client qui déposait ses achats sur le tapis de caisse: Hervé Sosna, maçon à la retraite de 65 ans, également tué d'une balle dans la tête.
Radouane Lakdim crie "Allah Akbar", se retranche avec une otage dans un local derrière le stand d'accueil, jusqu'à ce que le lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame le convainque de prendre la place de celle-ci. L'assaillant est abattu lors de l'assaut, après avoir mortellement blessé de coups de couteau le militaire.
Un hommage national avait été organisé pour ce "héros" aux Invalides à Paris. Dans la salle d'audience, sa mère et ses deux frères sont au premier rang des bancs des parties civiles.
"Arnaud était un battant, il s'est battu jusqu'à la mort", déclare devant la salle aux journalistes, la voix un peu tremblante, sa mère Nicolle Beltrame. "Son courage doit nous inspirer", poursuit son frère Cédric. "Il a été au combat, a commis un acte de bravoure, c'est ce qu'on veut qu'on retienne de lui".
Frustration
Plusieurs parties civiles disent ne pas attendre beaucoup de ce procès, où sont jugés "des deuxièmes, des troisièmes ou parfois des quatrièmes couteaux", comme le décrit Me Henri de Beauregard, l'avocat de Julie L., la caissière prise en otage.
Evoquant la "frustration" du "fait que l'auteur n'est pas là", il dit que sa cliente viendra surtout témoigner - vendredi - pour "rendre un hommage à celui auquel elle doit de pouvoir encore être là", Arnaud Beltrame.
"La difficulté de ce genre de procès, c'est que celui qui a fait, qui a commis l'irréparable et le terrible n'est jamais dans le box des accusés", déclare devant la presse Me Emmanuelle Franck, qui défend un beau-frère de l'assaillant. "Donc on remplit le box avec un certain nombre de personnes, et concernant notre client, avec des mauvaises personnes".
Aucun des accusés, tous des proches de Radouane Lakdim, n'est jugé pour "complicité". Cinq d'entre eux le sont pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle", deux autres pour des délits connexes. La cour a ordonné un mandat d'amener contre l'un d'eux, qui ne s'est pas présenté à l'audience.
Parmi eux, la petite amie d'alors de l'assaillant, Marine Pequignot, chignon et perles aux oreilles, "téléconseillère", habite désormais à Marseille, dit-elle à la cour. Très radicalisée aussi à l'époque (elle avait 18 ans), elle avait accueilli l'arrivée des enquêteurs chez elle aux cris d'"Allah Akbar".
Radouane Lakdim, surnommé "Grenouille" mais aussi "Kalash", était lui connu pour être "fou", "adorait les armes", et disait souvent que "par rapport aux mécréants il allait péter les plombs", rappelle le président.
Un "cocktail dangereux", décrit le policier antiterroriste à la barre. Pourtant, note la cour, son suivi pour radicalisation (fiché S) débuté en 2014 avait été "mis en sommeil" deux mois avant les attentats.
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