Attentat du quartier Opéra: attente du verdict contre l'ami de l'assaillant

Le ministère public a requis mardi devant la cour d'assises spéciale de Paris dix-sept ans de prison assortis d'une période de sûreté des deux tiers contre Abdoul-Hakim Anaiev, ami du jihadiste qui a tué en...

Des fleurs déposées au pied d'un arbre à Paris, quatre jours après une attaque au couteau qui a fait un mort et quatre blessés, le 16 mai 2018 © JACQUES DEMARTHON
Des fleurs déposées au pied d'un arbre à Paris, quatre jours après une attaque au couteau qui a fait un mort et quatre blessés, le 16 mai 2018 © JACQUES DEMARTHON

Le ministère public a requis mardi devant la cour d'assises spéciale de Paris dix-sept ans de prison assortis d'une période de sûreté des deux tiers contre Abdoul-Hakim Anaiev, ami du jihadiste qui a tué en 2018 un passant à Paris près de l'Opéra.

Abdoul-Hakim Anaiev, un Franco-Russe âgé de 26 ans, est soupçonné d'avoir joué un rôle central dans le conditionnement de son ami du lycée Khamzat Azimov.

Il comparaît pour participation à une association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation de crimes et encourt jusqu'à trente ans de réclusion criminelle.

Le verdict de la cour est attendu en fin de journée, après les plaidoiries de la défense.

Khamzat Azimov, un Franco-Russe né en Tchétchénie, a tué le 12 mai 2018 au couteau de cuisine Ronan Gosnet, 29 ans, employé d'une librairie du quartier du Palais-Garnier, après une lutte acharnée.

L'assaillant s'en était pris à une dizaine de personnes, avant d'être abattu par la police.

L'attaque avait été revendiquée par le groupe Etat islamique (EI), qui avait diffusé le lendemain une vidéo dans laquelle Khamzat Azimov faisait allégeance à l'organisation jihadiste.

"L'ombre de Khamzat Azimov plane tout au long de ce procès", a déclaré mardi l'avocate générale lors de ses réquisitions.

Détaillant "l'influence évidente de Abdoul-Hakim Anaiev sur Khamzat Azimov dans ce conditionnement", la magistrate a estimé qu'il "arme idéologiquement son meilleur ami, il nourrit son idée, son idéologie jihadiste".

Jihad par la plume

L'accusé avait admis dès le premier jour de son procès avoir été "radicalisé" et avoir partagé "cette idéologie" jihadiste, "bien que dégoûtante", sur les réseaux sociaux.

Né en Tchétchénie le 22 octobre 1997, Abdoul-Hakim Anaiev a raconté avoir été "sensibilisé" à la "cause syrienne" dans la foulée de la guerre civile qui a éclaté en Syrie en 2011.

Il était alors au lycée à Strasbourg, où il a fait la rencontre de Khamzat Azimov, un jeune homme présenté comme "timide" et "très discret" par plusieurs témoins.

Les deux hommes nouent alors des liens d'amitié et deviennent très proches, dépeints comme "des frères" ou "des cousins" par deux témoins appelés à la barre vendredi, rencontrés en 2017 par les deux amis.

Sur ses positions pro-Etat islamique, l'accusé assure ne pas "cacher" ce qu'il pensait, ajoutant que son ami, à l'inverse, "n'évoquait jamais tous ces sujets-là". Mais il "comprend" que Khamzat Azimov était lui aussi "radicalisé" en le découvrant face à une vidéo de propagande de l'EI.

Abdoul-Hakim Anaiev a fermement démenti avoir joué le moindre rôle dans le passage à l'acte de son ami, condamnant les attaques terroristes ayant eu lieu en France. "Comment je peux inciter quelqu'un à commettre un attentat alors que je les ai condamnés?", a-t-il interrogé.

"Il regardait déjà des vidéos de propagande", ce n'était pas "un nouveau-né qui avait besoin de moi pour la religion", a-t-il martelé.

Abdoul-Hakim Anaiev est également soupçonné d'avoir présenté son ami à différents sympathisants de l'EI en 2017, dont certains avaient des projets d'attentats ou de départ en zone irako-syrienne.

"Ce n'était pas une intronisation", a affirmé l'accusé.

"Il y a celui qui agit et celui qui pense", a indiqué l'avocate générale dans ses réquisitions, "le jihad par la plume et le jihad par l'épée". "L'un n'existe pas sans l'autre", a-t-elle résumé.

"On vous prouve tout par le silence et par le vide", a plaidé Adrien Sorrentino, l'un des avocats de l'accusé, pointant le manque de preuves matérielles contre M. Anaiev. "Khamzat Azimov n'a pas besoin d'Abdoul Hakim Anaiev pour commettre un attentat", selon lui.

Pour Florian Lastelle, autre avocat de l'accusé, "le principal coupable de tout ça", c'est "l'EI et à travers l'EI, c'est la propagande".

Interrogé une dernière fois par la cour avant que celle-ci ne se retire pour délibérer, Abdoul-Hakim Anaiev a indiqué: "La seule chose que je souhaite, c'est que je ne veux pas continuer à gâcher cette vie".

Son procès intervenait deux semaines après l’assassinat de Dominique Bernard, enseignant poignardé à mort à Arras le 13 octobre par un ancien élève russe originaire d'Ingouchie.

33ZL67W