Attaque au hachoir visant Charlie Hebdo: les victimes et leur difficile guérison

"Aujourd'hui encore je ressens cette peur dans mes entrailles", a raconté Hélène lundi devant la cour d'assises spéciale des mineurs de Paris, quatre ans après avoir été victime d'une violente attaque au hachoir devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, aux côtés de son...

Croquis d'audience réalisé le 6 janvier 2025 à Paris montrant Zaheer Mahood (2e D), principal accusé de l'attaque à la feuille de boucher devant les anciens locaux de Charlie Hebdo en 2020 © Benoit PEYRUCQ
Croquis d'audience réalisé le 6 janvier 2025 à Paris montrant Zaheer Mahood (2e D), principal accusé de l'attaque à la feuille de boucher devant les anciens locaux de Charlie Hebdo en 2020 © Benoit PEYRUCQ

"Aujourd'hui encore je ressens cette peur dans mes entrailles", a raconté Hélène lundi devant la cour d'assises spéciale des mineurs de Paris, quatre ans après avoir été victime d'une violente attaque au hachoir devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, aux côtés de son collègue Paul, qui a lui aussi frôlé la mort.

Aujourd'hui âgée de 32 ans, Hélène (prénom modifié), pull torsadé gris et pantalon noir, raconte à la barre son quotidien depuis l'attaque: "le moindre geste est douloureux, me laver les dents, rire, manger. J'ai l'impression qu'on m'a privée de mon corps".

L'attaque a eu lieu le 25 septembre 2020, en plein procès des attentats de janvier 2015 ayant ciblé notamment Charlie Hebdo. L'hebdomadaire satirique faisait à l'époque l'objet de nouvelles menaces depuis qu'il avait republié les caricatures de Mahomet le jour de l'ouverture de ce procès le 2 septembre. 

Aux alentours de 11H40 ce jour-là, Zaheer Mahmood arrive devant l'immeuble de la rue Nicolas-Appert (XIe arrondissement de Paris), armé d'un hachoir, et blesse grièvement deux employés de l'agence de presse Premières Lignes qui se trouvaient sous le porche pour fumer une cigarette.

"Je vois cette lame énorme qui arrive vers nous, je prends des coups, je m'écroule, (...) j'ai l'impression de me noyer dans mon sang", se souvient Hélène, des sanglots dans la voix.

Un mouchoir à la main elle raconte sa vie aujourd'hui, loin de Paris. "Je me suis éloignée de mes amis, je ne suis plus avec mon conjoint, je n'ai pas de travail", regrette Hélène. "Eux ils avancent dans la vie, moi je suis restée bloquée rue Nicolas-Appert". 

A aucun moment la jeune femme ne tourne le regard vers l'assaillant, assis à quelques mètres d'elle dans le box des accusés. 

Aujourd'hui âgé de 29 ans, Zaheer Mahmood comparaît pour tentatives d'assassinats terroristes et association de malfaiteurs terroriste criminelle.

Les cinq autres accusés, dont deux comparaissent libres, sont poursuivis pour participation à une association de malfaiteurs terroriste.

Tous sont Pakistanais, arrivés en France entre 2018 et 2019.

Ça fait partie de moi

Après Hélène, c'est au tour de Paul (prénom modifié), 37 ans, de raconter l'attaque, lui qui a commencé à travailler dans ces locaux un an tout juste après l'attaque du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo. 

"Je n'ai pas de souvenir fluide de ce qui s'est passé. Ce sont des flashs qui me reviennent", explique-t-il de manière presque détachée.

"J'ai cette image de l'assaillant qui brandit ce hachoir au-dessus de nos têtes. J'avais l'impression que c'était une machette", se remémore-t-il, le visage secoué de tics nerveux sur le côté gauche, là même où il a été frappé.  

"J'ai perdu mon insouciance, ça a cassé quelque chose en moi. L'enjeu c'est de cohabiter avec ce traumatisme. Ça fait partie de moi et ça doit devenir une force", analyse le directeur de postproduction.

Paul a frôlé la mort ce 25 septembre 2020. Conduit en urgence à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, il a été placé dans un coma artificiel avant d'être opéré par les meilleurs neurochirurgiens après des coups profonds sur le crâne.

"En me réveillant, je ne pouvais pas parler à cause de mes cordes vocales sectionnées, je ne pouvais pas manger ni déglutir", se souvient-il.

Parmi les séquelles qu'il gardera à vie: de larges cicatrices et son majeur gauche qu'il ne peut plus plier. 

Interrogé par son avocate sur son sentiment à l'égard de Charlie Hebdo, Paul ne cache pas son amertume. "Évidemment que la liberté d'expression est importante, mais est-ce que ça doit prendre le dessus sur le discernement ? Eux, ils étaient protégés quand ils ont pris la décision de publier à nouveau les caricatures, pas nous..."

Au premier jour du procès le principal accusé avait demandé "pardon" aux victimes et à leur famille.

"Envers lui, je ne ressens pas de haine parce que la haine, le ressentiment, ça vous ronge de l'intérieur et je souffre déjà assez", a souhaité réagir Paul à la barre. "Mais je ne lui accorderai jamais mon pardon". 

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