Saint-Saulve : Ascoval repris par Saarstahl

Six longues années de combat. En 2015, Vallourec décidait de se séparer de son aciérie de Saint-Saulve. Les repreneurs, depuis, sont venus et repartis. Cet été, le groupe allemand Saarstahl est devenu l’actionnaire unique d’Ascoval et compte développer sa capacité de production.

L'aciérie bas carbone Ascoval fait, depuis août, partie du groupe sidérurgique allemand Saarstahl.
L'aciérie bas carbone Ascoval fait, depuis août, partie du groupe sidérurgique allemand Saarstahl.

Dans l’usine, l’acier commence à rougeoyer. Les morceaux de métaux récupérés dans les entreprises proches, jusqu’à 300 km de Saint-Saulve, fondent doucement dans leur immense chaudron. Les salariés surveillent l’opération. Souvent, ces six dernières années, ils ont dû arrêter ou freiner la production.  Le savoir-faire était là. Le matériel, les hommes aussi.  Les repreneurs ne faisaient seulement que passer depuis qu'en 2015, Vallourec avait décidé de se séparer de l'aciérie.

«Il y a un an, nous produisions 5 000 tonnes d'acier par mois. Aujourd'hui, 32 000. Le mois prochain, 35 000 tonnes.»

Il sourit. Les salariés, en face de lui, sourient. «Notre chiffre d'affaires a été multiplié par sept en un an. Il est de l'ordre de 250 millions d'euros, aujourd'hui, en rythme annuel.» Il y a un an, il travaillait avec 250 salariés. Aujourd'hui, il en a 300. D'ici mi-2022, ce sera 350.

Un acier écologique

L'an passé, Cédric Orban ne savait pas quel serait l'avenir du site ni s'il en avait un. Depuis le 5 août, il respire. «Saarstahl est le repreneur que nous voulions», se réjouit-il.  «Vous nous offrez un acier recyclé de qualité et la qualité, c’est la clef, souligne Klaus Richter, membre du directoire de Saarstahl. Vous nous apportez également un avantage compétitif avec la moindre émission de carbone. Notre groupe peut désormais proposer des solutions en acier écologique.»
L'aciérie de Saint-Saulve produit dix fois moins de CO2 qu'une aciérie classique. Elle est électrique et recycle la ferraille des industries alentour. «Cela aurait été un non-sens écologique que vous fermiez», confirme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée de l'Industrie.

Une capacité de production augmentée

L'entreprise s'appelle désormais Saarstahl Ascoval. Elle a conservé l'ensemble des salariés, leurs acquis. «Cette reprise-là, j'y crois», se réjouit Ludovic, salarié depuis 2006, pupitre à la coulée continue. Agnès Pannier-Runacher en est convaincue : «Nous avons un partenaire allemand extrêmement solide, financièrement, industriellement, qui voit à long terme.»

Saarstahl apporte des commandes à Ascoval. Son premier client sera Hayange, fabricant de rails en Moselle, également racheté par le groupe allemand et renommé Saarstahl Rail. L'aciérie de Saint-Saulve lui livre aujourd'hui 23 000 tonnes et bientôt il s'agira de 30 000 tonnes d'acier par mois. 

La société mère, elle-même, sera un acheteur important. Elle permettra à Ascoval d'avoir de nouveaux débouchés, comme les laminoirs qu'a Saarstahl en Allemagne, l'automobile et la construction. Cela représentera une production d'environ 20 000 tonnes par mois.

D'ici mi-2022, Ascoval devrait compter 350 salariés.

Saint-Saulve n'a pas besoin d'être modernisée. Elle a besoin d'accroître sa capacité de production. Elle ne va donc plus seulement travailler cinq jours sur sept mais toute la semaine, jour et nuit. «L'intégration a commencé et se passe au mieux, rassure Cédric Orban. Nous partageons la même ambition : porter cette usine à son optimum économique.» A pleine capacité, elle devrait fabriquer 50 000 tonnes d'acier par mois.

«Nous pouvons compter sur nos trois piliers : une forte compétence technique de nos opérateurs, de l'énergie et enfin le culte du travail en équipe.»

Laurent Degallaix, président de la Communauté d'agglomération, se réjouit lui aussi : «Ce partenariat va remettre en place une filière franco-française du rail et du ferroviaire.»

Six années sans visibilité 

Soudain, le prix du baril de pétrole est divisé par deux. Vallourec retient son souffle : le fabricant des tubes sans soudure travaille principalement pour l’industrie pétrolière. Son chiffre d’affaires, en cette année 2015, chute de 33%. Un plan social, le premier, est annoncé. Vallourec souhaite se réorganiser, supprimer plusieurs centaines d’emplois en France et vendre l’aciérie bas carbone de Saint-Saulve.

Dans l’immense atelier situé au cœur du Valenciennois, l’acier coule depuis 1975. Durant cette année de crise, 450 salariés en fabriquent 100 000 tonnes. Ascometal, spécialiste des aciers longs spéciaux, manifeste son intérêt en janvier 2017. Elle devient actionnaire à 60%, Vallourec conserve les 40% restants. Ascoval vient de naître.

La nouvelle entreprise est ambitieuse. Elle veut s’ouvrir au monde de l’automobile et de la mécanique, mais elle est boiteuse. En novembre 2017, son actionnaire majoritaire est placé en redressement judiciaire. Le groupe suisse Schmolz-Bickenbach rachète Ascometal mais refuse Ascoval. Les salariés de Saint-Saulve commencent aussitôt un bras-de-fer. Le Gouvernement obtient une prolongation d’activité d’un an.

Deux repreneurs se font connaître. Altifort, qui ne fait que des reprises d’entreprises en difficulté, est choisie. Elle n’a pourtant pas les fonds nécessaires. L’aciériste britannique Bristish Steel se présente le 2 mai 2019. Le 22 mai, il est placé en redressement judiciaire. Liberty Steel entre à son tour dans la danse en juillet 2020 et subit, en mars 2021, la faillite de l’un de ses principaux financeurs.

Tout est à recommencer, jusqu’à ce que le groupe allemand Saarstahl, aux 2 milliards d’euros de chiffres d’affaires, devienne le 5 août actionnaire unique d’Ascoval.