Artisanat dans notre région, entre difficultés et potentialités

Employant 153 500 actifs dans le Nord-Pas-de-Calais, l'artisanat y compte 45 200 établissements. Avec 5 700 emplois détruits depuis janvier 2009, le secteur est confronté à de nombreuses difficultés structurelles et conjoncturelles, mais peut saisir des opportunités.

Au 1er janvier 2013, l’artisanat emploie près de 153 500 personnes dans le Nord-Pas-de-Calais, dont 110 000 salariés.
Au 1er janvier 2013, l’artisanat emploie près de 153 500 personnes dans le Nord-Pas-de-Calais, dont 110 000 salariés.

 

Cyfac

Au 1er janvier 2013, l’artisanat emploie près de 153 500 personnes dans le Nord-Pas-de-Calais, dont 110 000 salariés.

L’Insee dresse un portrait complet du secteur de l’artisanat dans notre région avec une récente étude1, une analyse nuancée pointant ses marges de progression et ses difficultés. En effet, 7 100 entreprises artisanales ont été créées courant 2012 en Nord-Pas-de-Calais, soit 700 entreprises de moins que l’année précédente. Ces créations d’entreprise sont essentiellement portées par le régime de l’auto-entrepreneur (deux créations sur trois en relèvent en région). Cependant, la dynamique liée à sa mise en place de ce statut n’a pas été suffisante pour contrer la réduction globale du nombre de salariés depuis 2009 : l’emploi salarié diminue de près de 9 200 personnes en quatre ans, tandis que l’emploi non salarié augmente lui de “seulement” 3 500. Une situation préoccupante que l’Insee explique par divers facteurs, comme un taux de chômage élevé, une forte présence de grands établissements et une relativement faible attractivité touristique, même si les différents segments de l’artisanat (fabrication, bâtiment, alimentation et services) ne sont pas tous autant touchés.

Fabrication et bâtiment, des situations délicates. Le segment de la fabrication affronte la situation la moins favorable : en quatre ans, 11,3% des emplois ont été détruits. Les secteurs les plus touchés sont la mécanique industrielle et l’imprimerie de labeur2. Ce dernier semble victime de l’évolution des modes de communication avec l’adoption progressive du numérique au détriment de l’impression physique. Les seuls activités connaissant une hausse du nombre de salariés sont celles de la fabrication de structures métalliques ainsi que de la réparation de machines et équipements mécaniques. 

Dans le bâtiment cette fois, l’Insee rapporte qu’entre 2009 et 2013, l’emploi salarié a diminué de 10,6%. Une baisse nettement plus forte au niveau régional qu’au niveau national, pour le gros œuvre et le second œuvre en particulier. La mauvaise conjoncture que connaît l’activité de travaux de maçonnerie générale et le gros œuvre de bâtiment constitue une explication pour cette position délicate, seulement contrebalancée par une relative bonne tenue des travaux de menuiserie bois-PVC et les constructions de maisons individuelles. Ce dernier point montre que le secteur de l’artisanat regroupe une pluralité d’activités aux cas de figures et contextes hétéroclites.

Les services et l’alimentation moins touchés. Moins touché que la fabrication et le bâtiment, le segment des services a connu une régression de l’emploi salarié moindre avec une baisse de 4,1% sur quatre ans. A noter que cette tendance est également négative en France métropolitaine même si la diminution reste plus modeste : 1,3%. Les secteurs de la coiffure et du commerce de détail de fleurs subissent la plus forte diminution dans notre région, victimes d’une baisse de la consommation depuis la crise de 2008 et de handicaps pour attirer la main-d’œuvre (salaires peu élevés ou contraintes horaires). Les activités de nettoyage des bâtiments et d’ambulances ont, elles, limité les pertes d’emplois dans ce segment.

C’est le segment de l’alimentation qui a le mieux affronté la situation globalement complexe de l’artisanat, avec une légère diminution des effectifs salariés : 0,4%. Le contraste reste très fort malgré tout avec la tendance nationale où on assiste à une progression de 6%. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les activités de restauration rapide ont bien résisté. Et pour cause : la consommation alimentaire hors domicile, couvrant tous types de restauration, représentait un marché de 87,2 milliards d’euros en France (+0,58%) en 2013, selon une étude de Gira conseil, rajoutant que le nombre de repas pris hors domicile a progressé entre 2008 et 2013 de 12,5%.

Même si certains segments de l’artisanat profitent de nouveaux modes de consommation, l’ensemble du secteur reste touché par une baisse de ses effectifs en Nord-Pas-de-Calais. L’étude révèle qu’il existe dans cette région un réel potentiel encore peu exploité, des véritables leviers de croissance créateurs d’emplois.

Peu d’artisans dans notre région. En comparaison d’autres régions, l’artisanat demeure peu présent en Nord-Pas-de-Calais. En janvier 2013, la densité d’emplois salariés artisanaux est de 272 pour 10 000 habitants, loin derrière l’Alsace (534) ou la Corse (647), tandis qu’elle est de 349 au niveau national. Pour l’expliquer, de nombreux facteurs sont avancés, en particulier le chômage, le manque de lieux touristiques ou la présence de grands établissements (comptant plus de 500 salariés). 

Précisément, ces grands établissements sur le territoire peuvent constituer une concurrence directe pour l’activité artisanale (spécifiquement dans les segments de la fabrication, des services et du bâtiment), lorsque cette dernière ne constitue pas un réseau de sous-traitance dense et collaboratif. De plus, le manque de communes attirant les touristes freine le développement de l’emploi salarié artisanal dans l’ensemble des secteurs.

Pour contrer ces difficultés, il a été lancé, le 24 novembre 2014, le Programme régional de développement de l’artisanat 2014-2020, avec le soutien de nombreux acteurs (Etat, Région Nord-Pas-de-Calais, départements du Nord et du Pas-de-Calais, ainsi que la chambre de métiers et de l’artisanat de la région Nord-Pas-de-Calais) et l’appui de fonds européens. L’ambitieux programme s’articule sur quatre axes stratégiques : soutien à l’innovation, développement des filières, coopération interentreprises et développement local. Cette initiative pourra libérer le potentiel que recèlent nos territoires.

Des marges de progression. Au regard de la situation et des caractéristiques des territoires, une augmentation de la densité du secteur de l’artisanat est envisageable dans la région pour l’Insee, qui estime cette marge de progression à 4%. Cela porterait la densité d’emplois salariés dans l’artisanat à 284 pour 10 000 habitants contre (272 actuellement), soit un gain d’environ 4 900 emplois. 

Dans le détail, la zone d’emploi de Dunkerque connaît le plus gros écart entre densité artisanale observée et potentielle (28%). Il faut poursuivre la dynamique positive lancée depuis cinq ans, avec une hausse de la densité artisanale de 9,4%, laissant présager un début de rattrapage. Ce territoire pourrait même atteindre une densité de 302 contre 237 actuellement. 

C’est le segment de la fabrication qui dispose des marges de développement les plus élevées dans une majorité de zones d’emploi régionales, en particulier celles de Saint-Omer et de Douai dont la densité d’emplois salariés pourrait être multipliée par près de 1,9. Les opportunités sont plus rares pour le segment des services, même si Valenciennes et Maubeuge disposent de grandes marges de densification selon l’Insee. Dans la zone d’emploi de Béthune-Bruay, la densité d’emplois salariés de l’artisanat attendue pourrait dépasser de 6% le niveau actuel (271 salariés pour 10 000 habitants), une augmentation qui pouvant avoisiner 11%. 

D’après cette analyse, nos territoires regorgent d’opportunités pour le secteur de l’artisanat. Mais il ne faut pas oublier toutes ces difficultés. La chambre de métiers et de l’artisanat Nord-Pas-de-Calais, à l’initiative de son président Alain De Carrion, a lancé le 8 juin un numéro d’appel dédié aux entreprises en difficulté, un service essentiel contribuant à la défense de l’artisanat régional, qui en a un clair besoin.

1. Insee Analyses Nord-Pas-de-Calais n° 17 − juin 2015 : «Artisanat : une situation difficile mais quelques marges de progrès».

2. L’imprimerie de labeur inclut les travaux d’impression de textes ou d’images (emballage, livres, catalogues, affiches…), sans la presse quotidienne.