Innovation

Artéka : de l’archéologie à la détection des tumeurs

Imaginée au départ pour détecter des artefacts et des sites archéologiques, l’entreprise amiénoise Artéka et sa solution de thermographie infrarouge, qui permet de dévoiler l’invisible, trouvent des applications aussi diverses que le médical, le génie civil ou le militaire.

Artéka a développé une solution mobile capable d’analyser l’environnement en direct. (@Artéka)
Artéka a développé une solution mobile capable d’analyser l’environnement en direct. (@Artéka)

« Au tout départ, notre objectif était de repérer des artefacts et sites archéologiques par drone », se souvient Cyrille Chaidron, fondateur avec Sébastien Lermenier de l’entreprise Artéka. Pour cela, l’archéologue et l’expert en thermographie infrarouge ont réussi à miniaturiser cette technologie qui permet de déceler des détails invisibles à l’œil nu.

Une fois montée sur un drone, celle-ci offre la possibilité de scanner n’importe quel terrain. Outre l’archéologie, ce process fait également apparaître des canalisations ou n’importe quelle construction souterraine. Une aubaine pour des acteurs comme Suez, Edeis ou encore les agences de l’eau. Pour analyser les images recueillies, les Amiénois ont misé sur l’intelligence artificielle.

Détection de mines antipersonnel

« Il y a un an environ, nous avons été contactés par l’armée, c’est comme ça que nous nous sommes intéressés à la problématique des mines », explique Cyrille Chaidron. Si quelques solutions existent, elles se sont révélées assez peu performantes pour localiser les mines antipersonnel qui contiennent du plastique. « Aujourd’hui, les terroristes fabriquent des engins artisanaux, faits de bric et de broc. Nous avons donc beaucoup travaillé sur de l’intelligence artificielle et des algorithmes pour sortir une tablette mobile dotée d’un écran tactile et d’une caméra qui montrent en direct l’environnement », détaille l’archéologue.

Une solution inédite qui a également séduit une ONG internationale, spécialiste du sujet. « L’intelligence artificielle que nous avons développée va être capable de repérer l’endroit où une mine a été posée et notre solution drone peut, elle, mettre à jour des fosses communes », poursuit Cyrille Chaidron.

Une application médicale

Une capacité de détection qui a interpellé le professeur Fabien Saint, chirurgien-urologue au CHU d’Amiens. « En travaillant avec lui, nous nous sommes rendu compte que l’on pouvait fournir plus que des images : si nous pouvons localiser des mines, nous pouvons identifier des tumeurs. Ce sont deux volets totalement différents, mais nous sommes toujours sur de l’identification de corps étrangers », souligne-t-il.

Si les mines nécessitent des capteurs particuliers, Artéka a réussi à plugger son système directement sur des caméras endoscopiques. « Grâce à l’intelligence artificielle, nous analysons en direct le flux vidéo sans avoir besoin de connexion Internet. Sur les premiers tests, nous sommes à 80% de détection, c’est très prometteur », s’enthousiasme Cyrille Chaidron.

Si le projet de décèlement précoce de tumeur pour le cancer de la vessie reçoit un financement de la part d’Eurasanté, un essai clinique de six mois pourrait alors débuter prochainement. « L’intelligence artificielle capte des choses que l’œil humain ne voit pas, mais l’analyse d’un expert est absolument nécessaire. Notre outil apporte un soutien technologique, mais ne remplace en aucun cas l’homme », rassure l’entrepreneur.

Se développer à Amiens

« Nous sommes Amiénois et nous souhaitons, si notre aventure se pérennise, nous développer ici, sur notre territoire », affirme Cyrille Chaidron qui salue un écosystème dans lequel Artéka peut s’épanouir. Avec son associé Sébastien Lermenier, il pense déjà à la prochaine étape et commence à chercher des industriels capables de produire en masse le système d’Artéka. « L’idée serait d’embaucher des ingénieurs et d’assurer nous-même la phase préindustrielle avec notre propre ligne de production pour les prototypes », ajoute-t-il. 

Pour les caméras, le duo envisage de se fournir en Chine et de les modifier localement. Pour financer tout cela, Artéka cherche actuellement des investisseurs. « Nous avons quelques pistes, mais nous sommes vigilants sur l’éthique de nos futurs partenaires. Bien sûr qu’il s’agit d’un pari financier où il sera question de retour sur investissement et de bénéfices, mais nous avons une ligne de conduite que nous souhaitons conserver », conclut-il.